Abdelbari Zemzmi, membre du parti Vertu et Renaissance, juge inadéquat le voyage de la délégation du PJD en Iran et met en garde contre la poussée du chiisme au Maroc. ALM : Une délégation du Parti de la justice et du développement est actuellement en visite en Iran. Ce voyage se justifie-t-il à la lumière de la tension survenue entre Rabat et Téhéran? Abdelbari Zemzmi : La relation entre le Parti de la justice et du développement et le gouvernement s'est particulièrement tendue récemment, en raison des dernières déclarations de Abdelilah Benkirane, revendiquant la paternité de l'initiative de l'ouverture d'un compte spécial au profit de la population de Gaza. Cette relation s'est tendue de manière encore plus grave entre le PJD et le ministère de l'Intérieur, au lendemain de la destitution du maire PJD de Meknès. Il aurait donc été préférable à ce parti de retarder ce voyage en Iran, d'autant plus que les relations entre Rabat et Téhéran ne sont pas au beau fixe. Le PJD ne fait que jeter de l'huile sur le feu. Pour justifier ce voyage en Iran, des responsables PJD l'ont inscrit dans le cadre de la diplomatie parallèle. Cette allégation est-elle recevable ? Entre les déclarations et la réalité, il y a un grand fossé. Et tant qu'à parler de réalité, tout le monde constate que les rapports entre le Maroc et l'Iran ne sont pas au mieux. Au-delà de la crise conjoncturelle entre Rabat et Téhéran, en raison du soutien marocain à l'intégrité territoriale du Bahreïn, il y a un autre sujet qui ne cesse de préoccuper le Maroc, à savoir la poussée du courant chiite. Quelle analyse en faites-vous ? Le courant chiite menace la stabilité de la société marocaine et met en danger sa cohésion. Nous ne sommes pas le Liban et moins encore l'Irak, où le courant chiite est officiellement admis, voire institutionnalisé. Le Maroc adopte le courant malékite, pas le chiisme. Les chiites refusent de traiter avec les sunnites, n'acceptent pas que ces derniers se mettent derrière, ni devant eux, lors des prières. La poussée du chiisme pose au Maroc un sérieux problème, d'autant plus que ce courant prospère notoirement dans le nord du pays, en raison de la proximité de cette région de l'Europe où le chiisme profite du règne de la liberté pour faire passer son idéologie. Cette situation a fait en sorte que le Maroc compte aujourd'hui des milliers d'adeptes qui non seulement s'enthousiasment mais aussi et surtout défendent les idées chiites. L'activisme diplomatique iranien au Maroc ne favorise-t-il pas cette poussée du chiisme ? On a entendu que l'ambassade de Téhéran à Rabat appuyait, voire octroyait des moyens financiers importants à ses partisans au Maroc. L'ambassadeur d'Iran avait rejeté cette accusation, par la voie de la presse écrite. On ne pouvait s'attendre à autre réaction que le démenti de la part de l'ambassadeur iranien. Que doit faire le Maroc pour contrer la poussée du chiisme ? Les autorités marocaines, et à leur tête le ministère des Habous et des Affaires islamiques, doivent rester vigilantes et suivre de près l'action des activistes chiites; l'Etat a les moyens de stopper la propagation du chiisme. C'est à cette condition que le Maroc peut se mettre à l'abri des divisions, dont le chiisme est porteur. Qu'est-ce qui a facilité la propagation du chiisme au Maroc ? Que ce soit au Maroc ou ailleurs, le chiisme a aujourd'hui le vent en poupe. Nombreux sont les individus à être impressionnés par les positions de l'Iran vis-à-vis des Etats-Unis, considérés comme «l'ennemi des peuples» en vertu de son soutien inconditionnel à Israël. A cela, il faut bien ajouter la montée en puissance du Hezbollah libanais soutenu par l'Iran ; sans oublier évidemment l'appui que Téhéran apporte au mouvement palestinien Hamas. Ces facteurs tournent naturellement à l'avantage de l'Iran, qui en tire l'occasion pour confirmer son leadership régional, voire transrégional.