Le désaccord entre l'USFP et le parti de l'Istiqlal qui a culminé avec la décision controversée des retenues sur les salaires des grévistes renforce le malaise déjà existant au sein de l'actuelle majorité gouvernementale. Rarement désaccord aura été aussi profond entre des partis au pouvoir. La course à la présidence de la Chambre des conseillers avait été un indicateur fort sur le malaise qui couvait au sein du gouvernement. Les partis formant l'actuelle majorité avaient échoué à se mettre d'accord sur un candidat commun au poste de président de la deuxième Chambre. Le soutien qui a été manifesté par des politiques, ni celui qui a été exprimé par des acteurs associatifs à la candidate USFP Zoubida Bouayad, n'avaient poussé les autres partis concurrents à renoncer, grillant ainsi la politesse à la pourtant première femme marocaine à se porter candidate au poste de président de cette Chambre. On a tourné le dos à un geste qui aurait toutefois aidé le gouvernement à donner de lui l'image d'un exécutif sensible à l'intérêt que représente la cause féminine, avec ce que cela implique en termes de valeurs de modernité et de progrès. Mais voilà, il y a un nouvel indicateur qui révèle le malaise, voire l'incohérence, de l'actuelle majorité. L'USFP et le parti de l'Istiqlal, qui sont avec le RNI les deux principales composantes du gouvernement, viennent de se livrer bataille sur la question controversée des retenues que le gouvernement a décidé d'opérer sur les salaires des grévistes de la Fonction publique. Le parti socialiste a sorti l'artillerie lourde pour tirer sur cette décision. «On ne peut pas défendre l'indéfendable», déclare Zoubida Bouayad, membre du bureau politique de l'USFP. Ce même bureau politique a diffusé il y a une semaine un cinglant communiqué dénonçant cette mesure «anti-sociale». «La décision des retenues sur salaires n'a aucune assise juridique», a affirmé Driss Lachgar, dans une récente déclaration à ALM. Cette sortie intervient alors que l'UGTM, syndicat proche du parti de l'Istiqlal, multiplie les «griefs» au sujet des grèves décidées par les autres centrales syndicales. Hamid Chabat, élu récemment à la tête de ce syndicat, avait appelé, ici même, à «la prise en considération de la conjoncture économique difficile que traverse le monde». Les fissures qui se sont déclarées entre le syndicat istiqlalien et les autres centrales, notamment la FDT, proche de l'USFP, ne sont que le reflet du différend qui oppose le parti socialiste et le parti de l'Istiqlal au sein du gouvernement. «Notre situation au sein de la majorité est loin d'être normale», reconnaît Driss Lachgar. L'USFP ne manque, d'ailleurs, aucune occasion pour appeler à une reconsidération de sa place dans l'actuel gouvernement. Le RNI, pourtant dans une position confortable au sein de la majorité, s'est également manifesté dernièrement pour marquer ses distances par rapport à la décision des retenues sur les salaires. «Nous ne voulons pas sanctionner les travailleurs grévistes», a affirmé à ALM le président du groupe parlementaire Rassemblement-Modernité, Hafidi Alaoui. «Nous ne voulons pas non plus pénaliser le citoyen, la première victime des grèves», a-t-il nuancé, en insistant sur la nécessité de poursuivre le dialogue social. Un dialogue qui s'avère de plus en plus impossible à relancer face à la «détérioration de la situation sociale». Sur ce volet, Zoubida Bouayad évoque «un recul de trois points». «Le budget alloué aux secteurs à vocation sociale a baissé de 55 à 53%», note la responsable socialiste, qui réaffirme la détermination de son parti à se battre sur le dossier social. Un dossier qui, en dépit des quelques avancées indéniables, continue de donner du fil à retordre au gouvernement d'Abbas El Fassi. Au point de menacer de mettre en brèche sa cohésion.