Quand elle s'est mariée avec Ahmed, Saïda n'avait jamais pensé qu'elle serait un jour sa meurtrière. Le mobile : elle n'admettait pas qu'il rende visite à sa première épouse. Saïda était-elle convaincue que sa vie conjugale serait stable avec un homme, son aîné de quinze ans et marié à une autre femme ? Nous sommes à Khouribga. À la Chambre criminelle près la Cour d'appel, la salle d'audience est bondée. En ce jour de la dernière semaine du mois de janvier, Saïda se tenait au box des accusés. Elle fixait, de temps en temps, son regard sur sa fille qui était dans les bras de sa grand-mère. «Je ne croyais pas M. le président qu'il allait mourir», a-t-elle affirmé à la Cour. Quand Ahmed l'a demandée en mariage à ses parents demeurant au douar Beni Khayrane, dans la région de Boujniba, elle était heureuse. Certes, elle était au courant qu'il était déjà marié. Mais, elle ne voulait pas rater l'occasion de se marier, puisqu'il ne lui restait que deux années pour fêter son quarantième anniversaire. Il semble qu'elle ne supportait plus de rester célibataire, sans avoir un mari et des enfants. Une petite cérémonie familiale a été organisée pour célébrer son mariage. Saïda a accompagné son mari à sa demeure, loin de celle où habite la première épouse. Ahmed ne rendait visite à celle-ci que de temps à autre. «Au fil du temps, je ne supportais plus qu'il parte chez elle», avoue Saïda les larmes aux yeux. Elle lui demandait de ne plus partir chez sa première épouse. Ahmed lui expliquait, à chaque fois, qu'il doit s'occuper des deux foyers de façon équitable. Mais en vain. Saïda ne prêtait pas oreille aux dires de son mari et n'obtempérait qu'à la jalousie qui la rongeait. Au fil des jours, Saïda a accouché d'une petite fille. Elle croyait que son mari changerait son comportement vis-à-vis d'elle. «Il me sollicitait toujours d'être juste et de cesser d'être égoïste», a-t-elle précisé à la Cour. Ahmed qui était employé à l'Office chérifien des phosphates tentait toujours d'être équitable envers ses deux femmes. Ce qui mettait Saïda hors d'elle par moments. «Je lui disais que son bébé avait besoin de lui plus que sa première femme», a-t-elle affirmé. Le jour «J», quand Ahmed a terminé son travail, il s'est rendu chez Saïda. Après avoir joué avec son enfant, il s'est apprêté à aller chez son autre épouse. Il avait l'intention de passer la nuit chez elle. Or, Saïda a perdu patience. Elle lui a demandé de rester avec sa fille. Ahmed a refusé. A peine a-t-il mis le pied dehors que Saïda s'est jetée sur lui. Il l'a poussée. Hors d'elle, Saïda s'est saisie d'une pierre et lui a asséné un premier coup sur la tête, puis un deuxième. Il a perdu connaissance. Saïda a continué à le frapper violemment jusqu'au moment où il a rendu l'âme. Ce moment de folie lui a coûté 10 ans de réclusion criminelle.