La stratégie de défense a été reformulée par l'avocat de De Villepin, qui a adressé au Conseil d'Etat un mémoire dans lequel il tente de démontrer l'implication personnelle de Sarkozy. S'il n' y avait pas l'épais rideau de fumée imposé par les déchirements spectaculaires des socialistes à la Une des journaux, Dominique de Villepin, son renvoi en correctionnel dans l'affaire Clearstream et sa contre-attaque contre le président de la république auraient capté énormément de lumière, tant cette affaire recèle des ingrédients d'un sourd combat entre deux hommes qui ont depuis des années tissé entre eux des liens de fascination-répulsion. Entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin, tout a été presque dit et écrit. De la relation privilégiée entre deux complices à l'affrontement mortel entre deux adversaires qui se disputaient chacun à sa manière et avec son propre style l'affection du «Père». Entre ces deux phases politiques, la célèbre affaire Clearstream dans laquelle Nicolas Sarkozy accuse Dominique de Villepin d'avoir injecté son nom dans le listing des détenteurs de comptes dans cette banque suisse dans le but manifeste de nuire à sa réputation et de discréditer son ambition présidentielle déjà en pleine effervescence. Pendant de longs mois, la certitude partagée par beaucoup est que les deux hommes finiraient par aboutir à un «Gentlemen agreement» qui mettrait à plat leur différend et leur permettrait de retravailler ensemble. D'ailleurs, après avoir été un des opposants les plus virulents à la gouvernance de Nicolas Sarkozy et particulièrement à ses choix en matière de politique internationale et d'immigration, Dominique de Villepin avait subrepticement changé de discours. Le voilà moins percutant dans ses attaques, moins mordant dans ses saillies. Et l'on commençait déjà à douter que quelque négociation souterraine était à l'œuvre pour réconcilier les deux hommes. Le bruit courait dans la presse que le couronnement de ce deal serait que Dominique De Villepin puisse être tête de liste UMP pour les élections européennes de 2009, immense rattrapage pour quelqu'un qui, handicap majeur, n'a jamais goûté aux joies pimentées du suffrage universel. Certains devinaient les signes de ce rapprochement avec une telle instance qu'ils voyaient déjà Dominique de Villepin faisant partie du nouveau casting gouvernemental qui doit succéder au départ programmé de François Fillon après la fin de la présidence française de l'UE. Et puis, comme un coup de tonnerre déjouant tous les pronostics, le parquet demande le renvoi en correctionnel de Dominique de Villepin pour «complicité calomnieuse, complicité d'usage de faux , recel de vol, recel d'abus de confiance». Devant cette décision brutale et lourde de conséquences, Dominique de Villepin avait déjà réagi en s'attaquant à Nicolas Sarkozy : «Rien ne justifie cette décision de renvoi (…) Tout au long de l'instruction, la vérité des faits et du droit a été détournée au profit d'une seule partie civile qui est en même temps aujourd'hui président de la République». La stratégie de défense a été reformulée par l'avocat de Dominique de Villepin Me Yves Richard, qui a adressé au Conseil d'Etat un mémoire de 24 pages dans lequel il tente de démontrer l'implication personnelle de Nicolas Sarkozy, partie civile, dans le déroulement de l'instruction. Après avoir rappelé que «M. Sarkozy aurait promis de pendre à un «croc de boucher» celui qui l'avait mis en cause», Me Yves Richard s'est longuement attardé sur ce qu'il appelle : «le détournement de pouvoir auquel le président de la république s'est livré en maintenant M. Henri Pons (chargé d'instruire l'affaire Clearstream) dans ses fonctions dans le seul but de poursuivre l'information dans laquelle il est partie civile». Et de rappeler que la mutation du juge Pons était programmée pour le mois de juillet et que le 31 octobre, Nicolas Sarkozy avait signé un décret la repoussant au 20 novembre : «Cette prolongation, écrit l'avocat de Dominique de Villepin, avait manifestement pour objet de permettre à Henri Pons de participer à la confection de l'ordonnance de renvoi» et de conclure de manière limpide : «Il apparaît en définitive que M. Sarkozy a instrumentalisé ses fonctions de président de la République pour la satisfaction de ses intérêts personnels». Un des rares hommes politiques à prendre la défense de Dominique de Villepin fut le patron du MoDem, François Bayrou, qui a dénoncé «un lourd parfum de règlement de comptes» dans cette affaire qui illustre la «perpétuelle influence du pouvoir politique sur le monde judiciaire».