Entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin, la rivalité des ambitions a été mortelle. Après s'être longtemps disputé le statut de fils préféré de l'ancien président de la République Jacques Chirac, Sarkozy avait perdu la bataille. Pour tous les journalistes politiques avisés, cela est devenu un reflexe naturel qui ne supporte même plus d'interrogations : chaque fois qu'ils estiment opportun de donner la parole à l'opposition pour évaluer et commenter l'action de Nicolas Sarkozy, ils font appel, entres autres personnalités, à Dominique de Villepin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac. L'homme, dont la chevelure a réussi une belle synthèse entre le blanc précoce et le gris branché, la taille sportive et élancée, le verbe aussi souvent euphorique que parfois malicieusement envenimé, a pris en quelques mois de quinquennat de Nicolas Sarkozy la stature enviée de premier opposant au président de la République. Au point de donner souvent le tempo à la vague de critique qui va accompagner telle ou telle mesure. Il est vrai qu'entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin, la rivalité des ambitions a été mortelle. Après s'être longtemps disputé le statut de fils préféré de l'ancien président de la République Jacques Chirac, Nicolas, Sarkozy qui avait perdu cette bataille, s'était emparé de la machine UMP pour la transformer en véritable machine à conquérir le pouvoir. Et depuis les deux hommes se livrent à un bras de fer revanchard. Nicolas Sarkozy tente de faire payer à Dominique De Villepin sa possible implication dans une machination nommée «Clearstream» avec cette grave inculpation «dénonciation mensongère» au préjudice de l'actuel président de la République, tandis que l'héritier naturel de Jacques Chirac tente non seulement de prouver son innocence mais aussi de faire payer sa rancune à Nicolas Sarkozy en se livrant à des réquisitoires contre son action. Cela donne un feu d'artifice dans les déclarations et les prises de positions. Que Nicolas Sarkozy évoque « la laïcité positive», Dominique de Villepin s'insurge : «Sur la laïcité je ne transige pas, je ne comprend pas pourquoi nous ouvrons la boîte de Pandore de la laïcité, alors que c'est une des forces de notre société». Qu'il parle de la rétention de sûreté et menace de passer outre les recommandations du Conseil constitutionnel, de Villepin est un des premier à la qualifier de « monstruosité juridique » et d'ajouter que «Dans notre droit, le Conseil constitutionnel, c'est la clef de voûte. A partir du moment où les sages ont parlé, cette décision s'applique». Et quand Nicolas Sarkozy se hasarde à proposer de parrainer la mémoire d'un enfant juif tué lors de la Shoah par des enfants du CM2, Dominique de Villepin le renvoie sèchement : «Je ne crois pas que l'on puisse imposer la mémoire, que l'on puisse la décréter ou légiférer dans ce domaine». Même quand le président de la république se déplace dans une usine à Gandrange, en Moselle, pour essayer de la sauver de la décision prise par Arcelor Mittal de la fermer et propose un plan de financement pour pérenniser le site, Dominique de Villepin est sans appel : «Il n'appartient pas à l'Etat de se substituer aux entreprises (…) Il lui appartient en revanche d'anticiper et d'accompagner les évolutions à partir d'une stratégie économique et industrielle qui est à définir tant au niveau national qu'européen». Et d'ajouter cette déclation assassine : «face à l'ampleur des défis, on ne peut pas se contenter d'agir au coup par coup». Même le choix de ne pas élire un président de l'UMP est contesté par Dominique de Villepin. L'homme qui affirme de ne pas adhérer à l'UMP constate : «quand on fait le choix de ne pas avoir de président de l'UMP, on a le risque d'avoir une majorité très absente». Sur les raisons qui expliquent l'installation durable de Nicolas Sarkozy dans l'impopularité, Dominique de Villepin a une justification que ne renierait pas le plus dur opposant au président de la République : «sur un plan plus personnel, les images des derniers mois ont pu donner le sentiment d'une perte de concentration sur l'essentiel». Il va de soi que sur le plan de la politique étrangère, les divergences entre les deux hommes sont béantes. Dominique de Villepin se dit «inquiet de certaines dérives et tentations» en la matière citant souvent comme exemple «le retour de la France dans l'Otan» et «un engagement inconsidéré sur le théâtre extérieur, ou en tout cas non justifié». Après avoir raté le coche de la présidentielle, Dominique de Villepin, signataire de « l'appel à la vigilance républicaine» semble avoir trouvé sa vocation : démonter pièce par pièce l'argumentation de Nicolas Sarkozy. La fébrilité naturelle du président de la République semble lui faciliter la tâche dans sa mission de «premier opposant» après avoir été longtemps indissociable allié.