Mohand Laenser, secrétaire général du Mouvement populaire, estime que le nouveau concept de «régionalisation avancée et graduelle», annoncé par SM le Roi Mohammed VI, conforte la proposition d'autonomie au Sahara. ALM : SM le Roi Mohammed VI vient de lancer le chantier d'une régionalisation avancée et graduelle. Quelle lecture faites-vous de cette initiative ? Mohand Laenser : C'est une décision extrêmement importante, dont l'impact est à la fois national et international. Au plan international, la décision royale vient conforter la proposition d'autonomie locale au Sahara et montrer que le Maroc est sérieux, crédible et a la volonté d'aller de l'avant dans un système de gouvernance qui vise, tout à la fois, la clôture du dossier de notre intégrité territoriale et l'engagement dans la seule voie susceptible de conduire à un développement harmonieux de l'ensemble des régions. Au niveau national, l'ouverture du chantier de la régionalisation était attendue. Ce qui met fin aux doutes de ceux qui craignaient que la décentralisation ne concerne que le Sahara. Cela répond aussi aux attentes des adeptes d'une vraie régionalisation et qui constituent la grande majorité au Maroc. En un mot, l'initiative royale a donné un nouveau dynamisme au chantier de la réforme institutionnelle.
Que signifie exactement le concept de régionalisation avancée ? Tous les observateurs savent que le Maroc a adopté le concept de la région relativement tôt. Sans parler des régions militaires du Protectorat qui avaient un objectif sécuritaire, on peut rappeler les sept régions économiques mises en place à la fin des années 60, avec des assemblées régionales. Puis, il y a eu la création de la région, collectivité locale, en 1997. Dans tous ces schémas, le Maroc a un peu suivi le modèle français où la région répondait plus à un impératif de décentralisation et de délégation que de réelle autonomie, comme en Espagne ou en Allemagne. Cependant, la volonté d'aller plus loin et de confier «attributions et ressources» aux élites locales pour prendre en main les affaires de leur région existait chez les décideurs. Feu SM Hassan II l'a rappelé dans un discours prononcé au milieu des années 80 devant les élus locaux à Fès. Mais si le Roi visait le modèle des Länders allemands, il souhaitait y arriver graduellement, après une formation des édiles régionaux et une assimilation du concept de la Région. SM le Roi Mohammed VI a, du reste, rappelé dans son dernier discours que la mise en place d'un modèle de régionalisation marocaine relevait aussi de la fidélité à la mémoire de Feu Hassan II. Donc, après 11 ans d'expérience, pendant lesquelles la région n'avait pas évolué, il fallait avoir la volonté de rouvrir ce chantier sans frilosité et de revoir le concept sur de nouvelles bases.
Quel statut aura le Sahara dans cette nouvelle configuration régionale ? La question est intéressante parce qu'il semble que le discours de SM le Roi ouvre la voie à deux options. Ou bien l'Algérie et le Polisario reviennent à la raison rapidement et entament des négociations sur le statut d'autonomie proposé par le Maroc et c'est ce statut, relativement avancé par rapport à celui des autres régions, qui sera adopté. Ou bien nos adversaires continueront leur fuite en avant et, dans ce cas, la Région «Sahara» sera traitée dans le cadre du chantier global. Dans les deux cas de figure, il n'y a pas de contradiction parce que le projet de régionalisation avancée n'implique pas une application uniforme à toutes les régions. Certaines pourraient être prêtes à l'exercice de la plénitude de leurs nouvelles attributions avant d'autres.
Le Souverain a annoncé par la même occasion la création d'une commission ad hoc à cette initiative. Quel sera le rôle de cette commission ? SM le Roi a été clair. Il s'agit d'une commission d'experts qui doit élaborer une vision de la nouvelle région en revoyant tous les paramètres : découpage, attributions, pouvoirs de substitution, etc. Par sa spécialité, cette commission ne sera pas soumise à des contraintes politiques ou sécuritaires. Mais ce travail fera l'objet d'une large concertation avec tous les acteurs concernés par la Région.