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Un vendredi par moi
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 24 - 10 - 2008

Je ne sais pas si Mohamed Yatim veut faire table rase de toute la production intellectuelle de l'Islam, ce dont je doute, mais l'impératif d'une telle démarche et la condition de son succès résident dans la capacité ou non des islamistes à sonder le passé avec les yeux du présent et non l'inverse.
L'article d'Ahmed Khamlichi, directeur de Dar Alhadith Al Hassania, commentant la fatwa de Mohamed Maghraoui relative au mariage d'une fillette de neuf ans, est un cours magistral en matière d'interprétation des textes religieux et de méthode, tant dans la forme que dans le fond, de production des fatawi. Ahmed Khamlichi répond naturellement à ce dernier, mais sa critique regarde ailleurs comme pour dire à certains théologiens, sans les citer, leur relative compétence. Je reviendrai plus loin sur ce qui me semble dans cette intervention éminemment important pour l'époque que nous vivons. Auparavant je voudrais signaler un débat assez intéressant qui se déroule à l'intérieur du Mouvement Unicité et Réforme. Il consiste à positionner le mouvement par rapport aux différents courants salafistes («originels», jihadistes, wahabistes, «scientifiques»…) qui animent la vie religieuse du monde musulman. Mohamed Yatim, membre du bureau exécutif du MUR, qui cherche aux islamistes une continuité historique avec le mouvement national sans obtenir l'adhésion de tous ses amis, milite pour un retour total aux sources de l'Islam afin d'en réinterroger et réinterpréter le sens, en actionnant, si j'ai bien compris, une méthodologie qui tient compte de la réalité sociale actuelle et des données de la situation internationale. Je ne sais pas si Mohamed Yatim veut faire table rase de toute la production intellectuelle de l'Islam, ce dont je doute, mais l'impératif d'une telle démarche et la condition de son succès résident dans la capacité ou non des islamistes à sonder le passé avec les yeux du présent et non l'inverse.
C'est là précisément qu'Ahmed Khamlichi pourrait leur être d'un grand secours. L'éminent professeur plaide pour une conjugaison des efforts du Conseil supérieur des ouléma, d'Arrabita Al Mouhammadia des ouléma du Maroc et des établissements des études islamiques en vue de libérer la fatwa du simplisme où il suffit d'appuyer un jugement par un verset du Coran pour qu'il ait valeur de jurisprudence. Toute la subtilité d'Ahmed Khamlichi est dans le replacement des commandements du Saint Livre dans leur contexte historique et géographique. Sinon tout un chacun pourrait affirmer, par exemple, que l'Islam qui se présente comme une religion de l'émancipation, est esclavagiste dès lors que le Coran «sanctionne la femme esclave (al-ama) adultère» au moment même où aucun texte ne mentionne, par ailleurs, la licéité de l'esclavagisme. Ahmed Khamlichi est à ce niveau-là sans équivoque : «nombre de commandements sont intervenus pour s'appliquer à des situations préexistantes.» Et non, donc pas pour les consacrer. La porte qui s'ouvre ainsi est énorme. J'ai eu déjà à le dire, je le répète : il y a urgence pour nous à distinguer dans la révélation ce qui relève du tactique et du pédagogique valable pour le désert arabe d'il y a quinze siècles et ce qui participe du stratégique en rapport avec la quintessence du message divin et l'éthique qu'il induit.


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