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Communales
Le grand divorce
Publié dans L'observateur du Maroc le 19 - 06 - 2009


ahmed charaï
La rédaction de l'Observateur a préféré ne pas se limiter à l'analyse mais suivre la campagne électorale sur le terrain. Ce qu'elle rapporte est édifiant, la démocratie balbutiante traverse une crise d'importance.
Dans leur ensemble, les partis politiques ne mobilisent pas l'électorat. A cela il y a des explications de différents niveaux. D'abord la méfiance vis-à-vis de tous les élus, alimentée par l'expérience passée. Ensuite, lorsqu'elles existent, les réalisations des communes n'ont pas l'assentiment des électeurs. Ceux-ci mettent tous les partis dans le même panier et n'ont pas de mots assez durs pour les caractériser. Le «tous pourris» est un leit-motiv qui revient souvent.
Face à cette méfiance, on se serait attendu à ce que les candidats en lice prennent la peine d'organiser une campagne permettant un contact direct et convainquant avec l'ensemble des électeurs. Ils n'en ont visiblement pas les moyens.
Les candidats continuent toujours de semer la confusion entre élections communales et législatives. Ils font des promesses qu'ils ne pourront jamais tenir, parce qu'elles ne relèvent pas des prérogatives des collectivités locales. Les programmes sont un catalogue de bonnes intentions, sans plus. Les moyens choisis révèlent l'incapacité des partis à mettre en place une machine électorale et la faiblesse de leur organisation. Ainsi, toutes les listes, tous les candidats, utilisent des jeunes, adolescents et parfois même des enfants en bas âge, pour faire leur campagne, moyennant un salaire dérisoire. Ces jeunes , ne possédant aucune formation politique, se limitent à distribuer les tracts sans autre forme de communication.
Faiblesse organique
Le ministère de l'Intérieur a publié des chiffres tout aussi révélateurs. Les meetings tenus, y compris par les chefs de partis, sont désertés. Sur l'ensemble du Royaume et durant toute la campagne, ils n'ont réuni que quelques dizaines de milliers de personnes. Beaucoup moins que les 120 000 réunis par feu Abderrahim Bouabid à Casablanca en 1977. Dans ces conditions, il est puéril de s'attendre à une participation massive. Il faut reconnaître que les partis politiques ne jouent pas leur rôle d'encadrement et de mobilisation. C'est ce que cette campagne révèle de manière dramatique. La construction démocratique ne peut s'accélérer sans un remodelage des structures partisanes. Les déficiences de celles-ci laissent place à la pratique malsaine d'achat de voix, qui s'est encore une fois manifestée. Tous ces phénomènes, liés à la faiblesse organisationnelle des partis politiques, vont en s'aggravant à chaque scrutin et contribuent à affaiblir de plus belle la démocratie. Il est clair que c'est pas là qu'il faut commencer, si l'on veut donner une certaine crédibilité aux institutions élues. Ce travail n'est pas seulement d'ordre législatif, on l'a vu avec les nombreuses difficultés à appliquer la loi sur les partis. Ce qu'il faut d'abord, c'est une volonté politique réelle d'aller vers des pôles identifiés ou, en d'autres termes, de véritables partis. C'est ce débat-là qu'il faut mener d'urgence.
Campagne d'un maire
HAKIM ARIF
« Je ne vous promets rien. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je vais, comme je l'ai fait, œuvrer pour le développement de la ville et du pays». Franc, net et surtout d'un calme qui peut parfois déconcerter les interlocuteurs, Mohamed Sajid fait sa campagne à son rythme. Ni tambours ni trompettes, le maire, candidat à sa propre succession, montre bien que les élections sont trop sérieuses pour se faire à coups de slogans. Il en sait quelque chose. Son premier mandat à la mairie de Casablanca lui a été d'un grand enseignement. Le suivre dans sa campagne n'est pas chose difficile. A six heures trente, lui et son équipe sortent du quartier général, une villa proprette près du boulevard panoramique. Tout le monde prend le minibus décoré pour la circonstance, deux grandes photos du candidat sur les côtés. C'est le seul luxe qu'il s'est permis. Direction Sidi Maârouf. Ce n'est déjà plus un quartier, «c'est une véritable ville» dit le maire. Un seul de ses quartiers, Al Moustaqbal, comprend 9.000 logements et près de 50.000 habitants. «Vous comprendrez le problème, c'est l'équivalent d'une ville comme Khouribga, explique Mohamed Sajid, qui poursuit : «Vous imaginez ce que cela représente en équipements sociaux ! Or, il y a un problème que les urbanistes de Casablanca n'arrivent pas à résoudre : le rythme. Alors que le privé avance à une cadence rapide (3 ans pour construire Al Mostaqbal), les services publics tardent à mettre en place les équipements nécessaires», déplore le maire. Souvent, le décalage entre la construction et les équipements peut aller jusqu'à dix ans, estime le candidat Sajid. Les relations avec les administrations ne sont pas toujours idéales, mais Mohamed Sajid sait faire avec. Ses projets sont de notoriété publique. A chaque étape de sa tournée (6h à 22h30), il parle de ses chantiers ouverts récemment et dont certains ont été achevés. Il parle pour tout Casablanca et pas seulement pour sa circonscription. La corniche devenue plus agréable, la voie souterraine de Brahim Roudani, les nouvelles routes d'accès du côté de l'autoroute de Marrakech, les autres boulevards qui ont désenclavé des quartiers entiers à Sidi Maârouf... Tout cela, il l'a mis sur le dépliant. En fait il en préparé deux. L'un pour les travaux intéressant le tout Casablanca et l'autre pour Aïn Chock. Premier rendez-vous donc, à Sidi Maârouf. Le minibus s'arrête devant une haie constituée de jeunes arborant des tee-shirts portant le logo de l'Union constitutionnelle, le cheval, ou Ayiss en amazigh. Le candidat les connaît presque tous, il les salue un à un, plaisante avec eux comme un bon copain et avance vers le local qui sert de point de ralliement pour les sympathisants. Mais voilà que les clients d'un café l'invitent pour une petite discussion. Elle a duré une vingtaine de minutes, après quoi le candidat a rejoint ses amis dans le local où il va écouter les attentes des citoyens, répondre et délivrer son message. Les citoyens présents se rendent compte que le maire sait déjà tout et qu'il a sa petite idée sur les questions qu'on lui soumet. Pourtant, il ne promet absolument rien. Il n'a pas prononcé une seule fois «Je vais régler tout cela», fameuse formule de toutes les élections. D'ailleurs, ses dépliants ne contiennent aucune promesse. Ils se contentent de reproduire les images des projets que le maire a déjà réalisés ou qui sont en cours de réalisation. Les gens semblent apprécier, leurs commentaires sont favorables à Mohamed Sajid. Fin de séance. On se prépare à sortir de la salle, pour rejoindre d'autres personnes chez un candidat de la liste du maire. On se retrouve tous dans le beau salon d'une maison marocaine en compagnie d'un nombre respectable de personnes venues des autres quartiers pour voir le maire. On vient parler à celui qu'on voit à la télé et sur qui on lit souvent dans la presse. Sajid est une vedette pour ces électeurs. Le maire avouera plus tard qu'il aime se retrouver avec ses concitoyens dans des maisons particulières. Il préfère cette démarche aux rencontres officielles où tout est mesuré. Ici, tout est libre, on dit tout et on essaie de savoir ce qui va et ce qui ne va pas. Il y a aussi et surtout des Ouled Leblad qui connaissent Mohamed Sajid, le député qui construit des routes dans sa région d'origine près de Taroudant. Ils en témoignent devant l'assistance. Certains n'ont jamais voté, mais ont décidé d'y aller cette fois uniquement parce qu'ils savent qu'il y aura Mohamed Sajid. Le concerné lui-même avoue n'avoir jamais espéré, ni même rêvé dans ses rêves les plus fous, devenir un jour député et encore moins maire d'une grande métropole. C'est la politique qui est venue à lui et non l'inverse. Sa façon de parler, calme, jamais un mot plus haut ni plus fort que l'autre, plaît et l'assistance aime. Fin de la deuxième rencontre. Il en reste encore une, un peu plus loin. Nous regagnons nos places dans le minibus. Mohamed Sajid explique : «Nous irons voir une association de résidents qui ont demandé à nous voir». Allons-y donc. Les habitants d'une grande résidence réservée aux professionnels de l'enseignement se retrouvent chez le voisin du rez-de-chaussée qui offre sa maison pour l'occasion. Tous professeurs du secondaire, ils ont investi leurs économies et se sont endettés pour se construire cette belle résidence. Celle-ci est belle certes, mais connaît de nombreux problèmes. Le premier ? Les habitants n'ont pas pu obtenir le permis d'habiter, alors qu'ils sont là depuis six ans déjà. Plus tard, dans le minibus qui ramène l'équipe au quartier général, le maire précise que lors d'une de ses visites à sa circonscription, il avait constaté que les résidences ne disposaient ni d'eau ni d'électricité et que les enfants étaient obligés de préparer leurs examens aux lueurs des bougies. «Je ne pouvais pas laisser faire ça. J'ai tout de suite autorisé les branchements. C'était une décision difficile puisque non réglementaire, mais je ne pouvais pas laisser des familles dans cet état. De toute façon, j'assume mes responsabilités». La question a justement été évoquée lors de la rencontre (la troisième de la soirée), et le maire, ne déviant pas de son principe, n'a rien promis. Il a juste souligné «qu'ensemble, nous pourrons arriver à bout de tous les problèmes». L'assistance a beaucoup apprécié. Evidemment, il n'y a dans le salon que des personnes très bien avisées, qui savent que les promesses n'engagent que ceux qui y croient et que mieux vaut un langage franc, même s'il n'apporte pas de solution tout de suite. Il était déjà plus de 10 heures, le candidat voudrait bien rentrer, mais les électeurs le retiennent. Pas pour réclamer quoi que ce soit, mais pour l'entendre encore. Sajid le maire, Sajid le candidat, toujours la même personne. Témoignage d'un membre de l'assistance : «Ce que j'apprécie surtout en Sajid c'est sa modestie. Quand nous étions allés le voir à la mairie, il est sorti pour nous accueillir et nous a bien reçus». «Vous savez, ma campagne se déroule toujours comme ça, ni tapage ni promesses, j'aime surtout ces réunions, je me sens en famille», lance Sajid. La tournée est finie, mais le maire a encore du boulot au quartier général. Il y aura encore des tournées prévues pour mardi, mercredi et jeudi. Vendredi sera le jour j.
élections communales
La baraka des femmes
Noura mounib
« Votez pour la transparence !» «A bas la corruption !» «Choisissez l'espoir !»… Des voix ici et là, un brouhaha général, les élections communales ont bel et bien commencé. Les campagnes électorales usent de tous les subterfuges pour y arriver. Camions, musiques, chants… Tout y passe. Mais les élections de 2009 ont une autre valeur ajoutée : la présence de ces dames. Un constat fait en 2003 attesta que seules 137 femmes avaient occupé des sièges de conseillères communales et une seule avait été élue maire et présidente de la commune d'Essaouira. Dans une société où la gent féminine représente la moitié de la population, c'est frappant. Leurs voix plaisantes et leurs démarches engagées sont à même de transformer un banal porte à porte en une discussion et un échange des plus efficaces pour la campagne. Armées de sourires et de volonté, les femmes travaillent dur, comptent percer et occuper des postes de responsabilités. Elles prouvent ainsi que le sexe opposé n'a plus le monopole de ce monde. Après le quota de 12% établi par le gouvernement et qui a permis à nos sacrées dames d'être plus présentes sur les listes électorales, elles ont retroussé leurs manches pour faire face aux difficultés rencontrées. De différents âges et métiers, ces femmes très sociables n'ont pas leurs pareilles pour faire passer le message. Pourtant, cet engagement exige certains sacrifices qui ne sont pas toujours du goût des familles et des maris. Nos pionnières délaissent souvent leur entourage le temps de l'événement, passent leurs journées avec les citoyens, visitent les différentes circonscriptions, assistent aux meetings et rentrent tard le soir. Et cela aurait, paraît-il, commencé des mois avant la campagne électorale. Celles qui se sont autoproclamées voix du peuple le temps de ces élections jouent au bras de fer avec une société pas tout à fait habituée à les voir investir ce domaine en aussi grand nombre. Le scrutin du 12 juin occupe les esprits, que nos femmes comptent justement marquer.
Du côté du PAM…
Le discours du Roi Mohammed VI (prononcé le 13 octobre 2008), appelant à encourager la présence féminine aux communales, aura sans aucun doute produit son petit effet dans le parti de Fouad Ali El Himma. Cette collaboration constructive entre le gouvernement et le parlement marocain célèbre les efforts de la gent féminine ainsi que sa présence sur différents fronts. Médecins, professeurs, fonctionnaires ou encore femmes au foyer, les dames du PAM luttent pour se faire remarquer et y réussissent haut la main. L'engagement est leur devise. Sillonnant les circonscriptions, elles espèrent vivement récolter le plus de voix et ainsi consacrer le combat de plusieurs mois. «Pour notre première participation aux élections, la présence des femmes joue un rôle très important dans le cours des événements. Elles ont un pouvoir de conviction et de communication unique. Les hommes ne seront jamais aussi efficaces. Elles veulent y arriver, réussissent tous les défis et ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin. Elles ont plus de facilité à aborder les citoyens et expliquer leurs plans d'action dans un climat détendu. Leur volonté est incomparable. Nous avons élaboré notre liste électorale en un temps record et les femmes y occupent une bonne place» déclare Mohamed Benhemmou, tête de la liste normale de l'arrondissement Agdal-Ryad à Rabat. Emu par tant de détermination, il félicite ses collègues pour leur engouement et leur savoir faire.
… Et du PJD
Le 6 juin à 18h. Au centre d'El Hank à Casablanca, Bassima El Hakkaoui, tête de la liste normale du PJD, fait du porte à porte et encourage les habitants à voter pour elle. Conquis, certains citoyens sont prêts à soutenir la candidate alors que d'autres ne veulent pas d'elle. La campagne électorale se poursuit autour des immeubles du domaine et l'enthousiasme est à son comble. Les slogans fusent et les embrassades encore plus, comme en de pareille circonstances, élections obligent. «Je suis fière que mon parti m'ait fait confiance et m'ait mise en tête de la liste normale. J'espère que tous les autres partis en feront autant et croiront davantage aux capacités de leurs représentantes. Leur participation à ces élections prouve encore une fois qu'elles ont leur mot à dire sur la scène politique» estime Bassima El Hakkaoui. Soutenue par un parlementaire à Mohammedia, la campagne électorale des acolytes d'Abdelilah Benkirane avance «tolérance, engagement et transparence», les trois principes auxquels prétend adhérer le parti. Il n'en reste pas moins, commenteun candidat, que le PJD est un parti decmachos.
L'USFP n'a pas dérogé à la règle. Samira Achour, candidate de la liste supplémentaire pour l'arrondissement Agdal-Ryad à Rabat, ne fait pas l'exception et contribue activement à la campagne électorale du parti. Visites de terrain, rencontres internes, déplacements, la jeune femme travaille ardemment et s'engage pour sensibiliser les citoyens aux fondements du parti. «Les femmes collaborent sérieusement et mettent plusieurs idées en place pour faire avancer les choses. Elles sont incorruptibles, plus accessibles et surtout plus compréhensives. Autrefois, leur présence sur les listes électorales était très faible alors même qu'elles avaient leur place dans les administrations. A l'USFP, elles représentent 20% de la liste électorale et ne trouvent aucune difficulté à se frayer un chemin» soutient Samira. Cela dit, elle estime qu'un quota de 12% reste très dérisoire. Elle insiste également sur la participation des jeunes au vote. Elle essaie tant bien que mal d'attirer les gens au scrutin du 12 juin. «Une voix de plus ou de moins peut faire la différence».
Quant aux difficultés…
«Parfois des femmes m'appellent de différentes villes, complètement atterrées par les comportements d'un candidat en tête de liste, cherchant à les évincer sans scrupules pour profiter seul de l'argent attribué par le ministère de l'Intérieur. L'envers du décor c'est qu'elles sont souvent opprimées et subissent des pression de la part du chef de liste» témoigne Souad Benbrahim, candidate du PAM pour l'arrondissement Agdal-Ryad. Se sentant menacés ou envahis, certains hommes prennent mal la présence de toutes ces femmes et tendent à abuser d'un pouvoir ne leur appartenant pourtant pas. Sexisme politique oblige. On retrouve généralement ce genre de situations dans les petites villes où la société est catégorique quant au rôle et à la position de ces dames. Un autre point de divergence concerne cette fois l'existence des listes supplémentaires, apparentées quelquefois à la cinquième roue du carrosse électoral. «Ce qualificatif de Supplémentaire constitue une discrimination en soi. C'est la preuve que nous sommes encore bien loin de l'égalité. C'est flagrant! Alors que des femmes se donnent corps et âme pour mener de bonnes campagnes, elles n'auront probablement pas les mêmes chances de réussir que d'autres. La liste normale doit d'abord gagner 6% de voix et ce n'est qu'après que la liste supplémentaire entre en jeu», se plaint une candidate de Rabat.
Hormis la désignation des vainqueurs, ces élections du 12 juin permettront également de savoir si les citoyens sont toujours fâchés contre les urnes. Si les taux avoisinent ceux de 2007, on saura que la confiance et l'espoir n'y seront plus jamais. A bon entendeur…
Les élections au Sahara
Après ma tribu, le déluge !
Salaheddine Lemaizi
Envoyé spécial à Laâyoune
Une brise souffle sur Laâyoune en ce matin printanier, un petit ouragan d'imprimés électoraux, éparpillés la veille, se crée sur le boulevard Smara. La campagne pour les Communales de 2009 a commencé, brûlante. Des supporters de deux candidats se sont affrontés à coups de cocktails... Molotov. Suite à cet incident, Mohammed Jalmous, le Wali de la région, a convoqué les têtes de listes pour les appeler à plus de retenue. ? J-3, la campagne bat son plein. Une campagne avec deux nouveautés: la neutralité effective des autorités et l'arrivée du Parti authenticité et modernité (PAM) qui veut chambouler la scène politique.
Tribus sans partis
Les sigles, les idéologies et les programmes comptent peu, la tribu vaut plus que le parti. «Rguibat est la tribu qui domine le jeu politique au Sahara depuis 30 ans, c'est le plus grand parti dans la région», nous affirme Salem Hssina, un observateur du paysage politique sahraoui. Pour cette élection, les Rguibats sont présents chez l'Istiqlal avec le président sortant Hamdi Ould Rachid. Son adversaire, Sidi Mohammed Salem Al Joumani, se présente sous l'étiquette du Mouvement populaire (MP) et compte sur une liste tribale de 24... cousins. La confrontation des deux factions de Rguibats a atteint son paroxysme cette année. «La ville vit un véritable chaos. Malgré la forte mobilisation des forces de l'ordre, on s'attend au pire», s'inquiète un habitant de Laâyoune.
Le PAM a aussi jeté son dévolu sur un Rguibi pour défendre les couleurs du parti. «Choisir Sidi Mohammed Cheikh Rguibi comme tête de liste joue en défaveur du PAM, ils ont fait une grande erreur en misant sur un homme du passé», affirme un jeune homme d'affaires, passioné par la politique. L'homme qu'on accuse d'être un homme du passé a été plusieurs fois député et s'est retiré de la politique après la fraude qui a entaché les élections de 1997. Nous sommes allés au quartier général du PAM (la résidence de Cheikh Rguibi) pour rencontrer l'homme et les autres camarades d'El Himma. Cheikh nous invite à discuter «politique sahraouie» autour d'un tagine de poulets aux pruneaux en compagnie de ses lieutenants. A table, les téléphones ne cesseront pas de sonner, le parti prépare un des moments forts de la campagne du Tracteur au Sahara. Cheikh Biadillah et Fouad Ali El Himma sont attendus ce soir. Deux jeunes lieutenants du PAM ne cesseront de marteler un message : il faut en finir avec la logique tribale dans la politique. Avant de le quitter, M. Rguibi nous montre une lettre signée par feu Hassan II où, selon les dires du candidat du PAM, «le roi confie la gestion du Sahara à la tribu des Rguibats». Chassez la tribu, elle revient au galop…
Laissons le PAM préparer son meeting, pour aller voir du côté des autres partis. En plus des Rguibats présents dans trois partis, la tribu d'Azerguine se présente avec une liste chez l'Union constitutionnelle (UC) avec comme tête de liste, Bichr Al Boussouli. Alors que la tribu d'Ait Lahçen et son chef, Sidi Ahmed Al Moutawakil, ont choisi le Rassemblement national des indépendants (RNI). Dans la résidence d'Ait Lahçen, les femmes affluent pour remettre leurs doléances au «Hadj», certaines étaient prêtes à passer toute la nuit devant la porte pour avoir une “audience” avec Hadj Al Moutawakil. Les Ait Baâmrane, une autre tribu qui compte dans le tissu social sahraoui, a choisi le Front des forces démocratiques (FFD) et comme chef de file Hassan Derham qui est député chez l'USFP, président de l'arrondissement du Marssa et président de l'équipe de foot «locale», la Jeunesse d'Al Massira. Derham est un autre ennemi du camp Ould Rachid. Les autres partis présentent des listes non tribales, par conviction ou faute d'avoir trouvé une tribu puissante pour porter leurs couleurs. Après le départ de H. Derham, l'USFP a choisi une participation «symbolique» avec une liste exclusive de fonctionnaires de l'Entraide nationale (EN). «C'est un secret de polichinelle, l'USFP a perdu beaucoup de son lustre au Sahara», regrette Rachid Abidar, ancien Itiihadi, aujourd'hui membre du Parti socialiste (PS). «Vu le contexte politique local, notre parti a décidé de ne pas présenter de liste pour ce scrutin, la tribu et l'argent anéantissent toute lueur pour un jeu politique sain», affirme, désemparé, R. Abidar.
Le syndrome de Frankenstein
Le Parti de la justice et du développement (PJD) est un autre grand parti du «Dakhil» (terme qui revient souvent dans la région pour désigner le reste du Maroc) mais qui voit sa taille se réduire au sud. Brahim Daif, membre de la direction du parti islamiste dans les provinces du sud, nous accueille dans sa petite demeure. Avant de défendre l'approche de son parti, il nous sert le célèbre thé sahraoui. «En 2003, et malgré la présence de l'argent dans la campagne et l'absence de neutralité des autorités, on est arrivé quatrième sur les 27 listes ce qui montre notre crédibilité chez la population. On essaye de faire un travail de fond et à long terme». Cet ingénieur agricole, docteur d'?tat et licencié en droit, estime que «la crise du politique et de la politique» n'est pas propre qu'au Sahara.
«Le système Basri a installé des hommes et surtout une logique antipolitique qui s'avère contre-productive», accuse B. Daiîf. Pour illustrer ces propos, le candidat utilise une métaphore effrayante mais bien réelle : «L'?tat est en train de vivre le syndrome de Frankenstein, le Makhzen a créé des élites et des rentes qu'il n'arrive plus à contrôler et qui minent tout espoir de voir de nouvelles élites émerger».
Tous les candidats que L'Observateur a rencontrés affirment qu'après des années d'interventionnisme - mot poli pour dire falsification des élections -, l'?tat affiche pour ce rendez-vous une neutralité et une fermeté inédites. Le «Bacha» (représentant de l'autorité locale) et le chef de la police de Laâyoune ont été demis de leurs fonctions ces dernières semaines.
«Ici, les gens sont contre les Ould Rachid. Ils veulent en finir avec Hamdi mais ils ne pourront pas», prédit le jeune homme d'affaires sahraoui qui a préféré garder l'anonymat. Il est un fervent défenseur du camp de Al Rachid. ? ses yeux, Hamdi est un fier représentant des Sahraouis. «Les Al Rachid étaient les seuls à tenir tête à feu Basri dans l'apogée de son pouvoir», argumente le jeune homme.
Le front de ‘'Tous contre Hamdi'' attaque le président du conseil de la ville pour sa gestion jugée, par ses détracteurs, comme «désastreuse et marquée par des passe-droits, tels que l'octroi des lots de terrains à des proches». Des accusations qui ont obligé le puissant Hamdi à défendre son bilan. L'homme arrive à l'improviste dans l'un des 80 locaux loués pour «encadrer» la population, ce qui a obligé une estafette des forces anti-émeutes à arriver en toute vitesse pour quadriller la rue Kayrawane. Hamdi débarque en 4x4 Chevrolet noire, suivie d'une Land Cruiser transportant ses gardes du corps, qui le protège d'une foule pourtant acquise à sa cause. Il fera un bref discours pour clamer son innocence et lancer à ses adversaires : «On ne peut gérer une ville avec une seule tribu, Laâyoune appartient à tout le monde». Beaucoup aimeraient bien le croire.
Les vieux démons
19h30, Biadiallah, Benadi, El Ouadie et El Himma, accompagnés des candidats locaux du parti, montent sur scène. Ils seront accueillis triomphalement sur la place de l'hôtel Nagjir. Le choix du lieu n'est pas un hasard. En septembre 1999, Basri réprimera les étudiants sahraouis qui tenaient un sit-in dans ce carré. ? l'époque, ces étudiants revendiquaient l'amélioration de leurs conditions de scolarité. «En choisissant de jouer sur la symbolique de ces événements douloureux, El Himma et Biadillah remuent les couteaux dans la plaie », prévient le jeune homme d'affaires. El Himma prendra la parole alors que le public scandait «El Himma koulchi temm» (El Himma dispose de tout (sic !)). Pour leur rendre bien cet accueil, le Rhamni le plus célèbre du Maroc ne mâche pas ses mots. «Il viendra le jour où on demandera des comptes à ceux qui étaient derrière les tristes événements de 1999 à Laâyoune dans ce même lieu», menace El Himma. Al Rachid, ainsi que d'autres notables avaient donné le feu vert à Basri d'user de tous les moyens pour faire cesser la fronde des étudiants sahraouis. Ces menaces et cette lecture ont été très mal digérées par la population locale. «Comment ose-t-il vouloir juger nos chefs tribaux», s'indigne le jeune homme d'affaires.
«C'est certainement le dernier rendez-vous électoral avant une reforme constitutionnelle dans le sens d'une régionalisation effective et la mise en place du plan d'autonomie», prévoit Brahim Daîf, du PJD. «Ce sont les élections de la dernière chance, soit les urnes nous donnent de nouvelles élites soit on continue avec les mêmes qui ont la mainmise sur la politique et sur l'économie dans la région», ajoute-t-il. Dans les premières heures du J-1, nous quitterons Laâyoune à partir de l'aéroport Hassan 1er, avec un espoir d'une politique moins tribale, mais aussi l'espoir de ne plus voir les avions de la MINURSO sur la piste de l'aéroport de Laâyoune, n'en déplaise aux seigneurs de la sardine et du sable…


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