La crise financière et ses conséquences semblent redonner de la voix à ces postures foncièrement contestataires du système, qui passaient pour des anarchistes irresponsables. Avant le grand pic de cette crise financière, Nicolas Sarkozy aurait pu se targuer d'avoir rendu aphones les extrêmes. Pour cause d'une agressive captation de son héritage, le Front national de Jean-Marie Le Pen était politiquement anéanti et presque réduit au dépeçage et à une guerre ouverte de succession. Le Parti communiste français que dirige Marie-Georges Buffet venait de terminer sa grande mue. Les défaites électorales successives finissaient d'achever une idéologie qui paraissait hors temps. Seul Olivier Besancenot, le jeune leader de l'extrême gauche semblait tirer son épingle du jeu. Mais sa fortune politique, il la doit plus à la faiblesse, sans doute conjoncturelle, du Parti socialiste qu'à une stratégie ouvertement assumée de Nicolas Sarkozy. Aujourd'hui, la crise financière et les conséquences désastreuses qu'elle laisse entrevoir semblent redonner de la voix à ces postures foncièrement contestataires du système qui, la veille, passaient pour, sinon des doux rêveurs, du moins des anarchistes irresponsables. Ainsi, Jean-Marie Le Pen redonne de la vigueur à sa vieille antienne sur «l'Etat national» : «L'Europe, déjà dépassée par la mondialisation, ne protège en rien les citoyens des Etats membres que ce soit contre le risque d'une guerre, d'une dépression économique ou d'un tsunami financier (..) l'Etat national demeure la référence et le recours indispensable en cas de crise grave comme nous le voyons aujourd'hui. La puissance publique retrouve toute sa légitimité trop longtemps brocardée et niée par les libéraux de tous poils». La fille héritière de Jean-Marie Le Pen, Marine, vice-présidente du FN, avait déjà eu l'occasion de brocarder la stratégie de Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier avait, en tant que président de l'Union européenne, décidé d'organiser des sommets sur la question à l'Elysée : «L'issue de ce G4, c'est le retour des nations, c'est chacun pour soi (...) ça me réjouit parce que ça démontre que le Front national avait raison de dire qu'il ne fallait pas abandonner les politiques nationales, qu'il ne fallait pas déléguer les pouvoirs de la nation à l'Europe de Bruxelles». On retrouve le retour de ce souverainisme volontaire dans les prises de position de la secrétaire nationale du PCF, Marie-Georges Buffet qui, après un long silence, refait surface et tente de se faire entendre : «L'Etat doit prendre ses responsabilités. Il doit prendre acte de la défaillance intégrale des marchés, c'est-à-dire refonder un système financier capable de soutenir le développement durable de l'économie réelle, assurer les salaires et les emplois de nos concitoyens, réorienter l'Union européenne». Le PCF que dirige Marie-Georges Buffet s'est montré particulièrement critique à l'égard de la proposition formulée par le président de l'Assemblée nationale d'organiser «un grand emprunt de l'Etat» et «une amnistie fiscale» pour favoriser le retour des capitaux en France. Le PCF, ragaillardi, écrit : «Ainsi donc, ceux qui se seraient soustraits de la solidarité nationale en échappant à l'impôt seraient désormais blanchis ! Il s'agit là d'une provocation inadmissible de la part du troisième personnage de l'Etat». Mais celui dont le discours a de fortes chances d'être renforcé par la crise est Olivier Besancenot, le jeune patron du tout nouveau Parti anticapitaliste. Sa charge contre Nicolas Sarkozy est une des plus mordantes. Il affirme ne pas faire comme le président de la République, la différence entre le capitalisme financier qui serait «méchant» et la capitalisme industriel qui serait «gentil» : «Le capitalisme financier n'est pas un parasite qui serait venu se greffer sur un corps sain que serait le capitalisme industriel». Nicolas Sarkozy, qui lors de son ascension, s'est vanté d'avoir su incarner les espérances du vote ouvrier, devra composer avec une radicalisation encore plus mobilisatrice des discours des extrêmes. Une question principale doit donner des insomnies à ses conseillers politiques et dont dépend manifestement le dosage de son action à venir et le rythme de ses réformes : «Quels échos et quels effets, cette radicalisation va-t-elle avoir sur le front syndical et social ?».