Cet appel à l'unité nationale de François Fillon avait peu de chances de trouver des oreilles attentives au sein de l'opposition dont les leaders tombent à bras raccourcis sur Nicolas Sarkozy. Une des questions qui taraudaient les esprits parisiens depuis le début de cette grande crise financière américaine et ses prévisibles conséquences sur le continent européen est la suivante : Que peut dire un homme comme François Fillon, Premier ministre français pour remonter le moral des Français, démystifier la crise et apaiser les inquiétudes ? Le choix de François Fillon n'est pas dû au hasard. Depuis sa nomination à Matignon comme Premier ministre de Nicolas Sarkozy, il a particulièrement brillé par un discours dramatisant et une description catastrophiste des finances publiques. N'est-il pas l'auteur de cette célèbre formule décrivant la France comme un Etat en faillite et qui lui avait valu la réputation d'un homme politique au diagnostic politique et économique sans concessions ? Il fut beaucoup reproché à François Fillon son manque de flair politique, toutes les vérités n'étant pas bonnes à dire ou du moins à mettre en valeur. François Fillon fut accusé d'avorter la stratégie de réforme lancée par Nicolas Sarkozy en attirant l'attention sur la douloureuse addition qui attendaient les Français. Cette posture fut entre autres à l'origine des relations tendues à l'Elysée et à Matignon qui auraient pu aller jusqu'à la rupture s'il n'y a avait cette sortie de Nicolas Sarkozy sur les «caisses vides» de l'Etat pour rééquilibrer le pessimisme ambiant. Avant que François Fillon ne se prononce sur les effets de cette crise mondiale et ses possibles conséquences sur sa marge de manœuvre et sa gouvernance, Nicolas Sarkozy avait livré son célèbre discours de Toulon, où fidèle à sa démarche, il avait réussi à brouiller les cartes. Son appel à «refonder le capitalisme» sonnait comme un emprunt de tonalité à la gauche. Son avertissement : «Le laisser-faire, c'est fini. Le marché qui a toujours raison, c'est fini» est à mettre avec précaution dans la bouche d'un Olivier Besancenot auquel l'influent journal américain «Le New York Time» vient de consacrer un portrait flatteur dans son édition de samedi dernier. François Fillon dut attendre que le discours de Nicolas Sarkozy fasse son effet auprès de l'opinion pour délivrer le sien qu'il avait visiblement inscrit dans une logique de surenchère. Un constat : «C'est une crise majeure qui pousse tout le système économique mondial au bord du précipice. Une crise comme il s'en produit seulement une ou deux par siècle » et un appel : «Les temps sont difficiles, il y a des moments où l'unité nationale s'impose». Cet appel à l'unité nationale de François Fillon avait peu de chances de trouver des oreilles attentives au sein de l'opposition dont les leaders tombent à bras raccourcis sur Nicolas Sarkozy. Tandis que les socialistes raillaient «la farce anticapitaliste» de Nicolas Sarkozy, le leader de l'extrême gauche Olivier Besancenot se veut plus mordant : «Le retour de l'Etat version Sarkozy, c'est plutôt l'Etat comme bouée de sauvetage pour les plus gros capitalistes». Alors que les Verts dénoncent Nicolas Sarkozy comme un président : «Englué dans une idéologie libérale des années 80 et sa volonté de servir les copains, (qui) montre aujourd'hui son incompétence à piloter l'économie de notre pays en période de crise et à s'adapter à la nouvelle donne». Seule fausse note dans cette symphonie de critiques à gauche, la prise de position de l'ancien Premier ministre de François Mitterrand, Michel Rocard qui considère Nicolas Sarkozy comme «le représentant d'une droite réformatrice et intelligente» avec qui «la gauche non révolutionnaire» peut trouver «une grande convergence». Les camarades socialistes ont vertement critiqué la position de Michel Rocard et cette idée d'union nationale lancée par François Fillon a fait réagir le député socialiste de Paris Jean Christophe Cambadélis : «Le pays a moins besoin d'une union des puissants que d'une autre politique. La tentation de l'union nationale est une réponse de forme à une question de fond. On ne peut pas répondre à la crise en poursuivant ou cautionnant la politique actuelle. Michel Rocard a commis un faux pas».