Ce satané changement d'heure donne le tournis. On ne sait plus à quelle aiguille se fier. Ceux qui, au Maroc, avaient décidé cette mesure avaient, il est vrai, fait preuve d'une énorme modernité. Pas le succédané de modernité qui se réduit au style et à la mièvre apparence des accessoires clinquants. Non, la modernité. La vraie. Celle qui, dans son sens philosophique, a comme attribut une adhésion à la raison comme norme. Et puis ce revirement. On prévoyait le rétablissement de l'heure pour le 27 septembre. C'était sans compter avec le Ramadan. Dans la bataille entre la modernité et la tradition, c'est cette dernière qui a eu le dernier mot. Il est vrai que, dans la rue, le changement d'heure d'été semblait impopulaire. Notamment chez les fidèles. Déjà qu'il différait la prière et le couscous du vendredi vers les quatorze heures. Avec le Ramadan, l'abstinence allait se prolonger jusqu'aux environs de 20h30. Presque quatorze heures de jeûne. C'est plus du supplice que de la religion. Et puis la soudaine décision de passer à l'heure d'hiver dès lundi et de rétablir prématurément l'ordre interne des choses. Et on peut le comprendre. Ce qui l'est moins, c'est le sentiment d'improvisation et le manque de prévision. Ce n'est pas la décision qui pose problème. C'est sa soudaineté. Ceux qui avaient décidé le changement d'heure pour le 1er juin auraient pu décider, dès le départ, de prévoir le rétablissement pour le 1er septembre. Ils auraient pu prévoir, dans leurs tablettes, la contrainte du Ramadan et ne pas attendre d'être contraints et forcés. Cela s'appelle l'anticipation et c'est le moins qu'on puisse attendre d'un Etat. Alors, à la dernière minute, tout ce que le Maroc a comme lien avec l'extérieur doit être modifié. Pour soulager les fidèles, on chamboule tout, avec des risques de problèmes d'organisation. Les ingénieurs de la Royal Air Maroc se sont certainement arraché les cheveux pour avancer tous les vols d'une heure. Et je ne parle pas des correspondances. En ces heures de troubles identitaires et de vacuité idéologique, la dimension religieuse prend le dessus sur tout y compris sur l'activité économique. Musulmans, on a tous appris que l'heure appartient à Dieu. Sa maîtrise reste, cependant du ressort de l'homme. Le passage à l'heure d'été le 1er juin dernier avait permis de ramener le temps à une heure de décalage avec l'Europe, principal partenaire commercial du pays. Rétablir deux heures de décalage, c'est faire fi de la forte demande des milieux d'affaires qui, eux, plaident pour un alignement sur l'heure européenne. On fait fi, dans le même temps, de tous les arguments en faveur des économies d'énergie dans une période où la facture pétrolière érode les finances publiques. Il aurait été utile, pour avoir un Maroc à l'heure, de pousser la logique jusqu'à retrancher une heure au lieu d'en ajouter une. Mais la seule logique, ici, ne suffit pas. Il faut un zeste de courage. Maintenant, le principe de toucher et de modifier l'heure est un acquis. Le débat reste ouvert. Il faudra, tôt ou tard, le reprendre.