Taoufiq Mimouni, le seul membre marocain de l'Orchestre national de Barbès, explique à ALM de l'aventure de cette formation. Celle-ci a drainé plus de 40.000 spectateurs lors de son dernier concert à Rabat comptant pour le festival Mawâzine. ALM : orchestre national de Barbes avec le groupe Gnawa Diffusion sont considérés comme des leaders de la musique fusion au Maghreb sinon au monde. Qu'est-ce que vous en pensez ? Taoufiq Mimouni : Pour moi la fusion est un mélange de styles de genres et de sonorités différentes. Et c'est le fondement même de la musique depuis qu'elle existe. On dit souvent que la fusion est un mélange du traditionnel et du moderne, de l'occidental et du local. Si on parle vraiment au sens large du terme, on trouvera plusieurs exemples de musiques que tout le monde conçoit comme étant des musiques populaires ou traditionnelles locales. Prenez le chaâbi au Maroc : il n'y a apparemment rien de moderne dessus. Sauf que le violon est un instrument qui y a été introduit et qui vient d'une autre civilisation. Et il existe des milliers d'exemples de la sorte. L'ONB utilise dans sa musique : guitare électrique, synthétiseur et batterie. Peut-être que dans 30 ans, notre musique sera considérée comme de la musique traditionnelle. En tout cas nous sommes ravis de contribuer au progrès et à l'évolution de la musique maghrébine. En fait, on essaie de puiser dans le savoir-faire et la culture musicale de chacun des 11 membres du groupe pour en tirer quelque chose de valable sans trop nous soucier des étiquettes. On ne veut pas être cadré dans un style ou un autre. On veut juste faire naturellement la musique qu'on aime. Mais que l'on le veuille ou non, l'ONB est classé, notamment dans les magasins de musique, dans la catégorie world musique. Ça nous va bien. Parce qu'à la base, le noyau de notre musique est issu du patrimoine musical maghrébin. Et l'on en est fière de contribuer à le faire connaître mondialement. Que pensez-vous de l'organisation du festival Mawâzine cette année ? Je pense sincèrement que ce sera difficile de faire mieux. Parce que c'était vraiment le summum que ce soit au niveau de l'accueil du public ou de la programmation. Nous étions très gâtés de bout en bout. Vraiment, je félicite les organisateurs.
Parlez-nous de «Alik» votre dernier album. C'est un troisième enfant qui arrive dans la famille ONB. L'accouchement était un peu difficile. Nous avions eu quelques douleurs. Parce que la préparation de l'album nous a pris beaucoup plus de temps que prévu. On a répété pendant presque trois ans à rythme intensif. Mais finalement on est content du résultat. On a pris un virage rock. Espérons que ça va plaire au public. Ce changement de cap a surpris plus d'un. Mais c'est juste que l'on continue à faire les musiques que l'on aime, sans trop nous soucier des étiquettes. Pourquoi avoir opté pour le rock ? Cela émane d'une envie de nous adresser à une audience plus large et d'emmener notre fidèle public vers d'autres cultures. C'est aussi une idée qui trotte depuis longtemps dans la tête de Youssef, le chef de l'orchestre. On l'a suivie et cela n'a pas déplu aux membres du groupe. C'était pour ceux qui viennent de la culture rock, les guitaristes, une occasion de s'exprimer plus et de mettre à fond les saturations et les pédales (rire). Et c'était pour les autres une façon de découvrir et de s'initier à un nouveau genre de musique. Dans votre dernier album, vous avez fait une reprise de «Sympathy for the Devil» des Rolling Stones. Racontez-nous l'histoire de cette chanson. En fait, on a appris par des personnes qui avaient assisté à des concerts des Rolling Stones dans diverses métropoles du monde que ce groupe mettait notre CD avant de monter sur scène pour remplir les gradins. En vérifiant, on a su que les Rolling Stones passaient, à plusieurs reprises, un de nos titres à la sortie et à l'entrée du public. Ça nous a beaucoup touché. Nous avons pensé que ce serait bien de mettre la chanson «Sympathy for the Devil» dans notre album, en hommage à ce groupe mythique du rock. Une chanson que nous jouions bien avant, et à notre sauce. Mais l'idée d'un album rock n'a aucun rapport avec cette histoire. Par ailleurs notre maison de disque nous a prévenu que c'est difficile d'avoir l'autorisation des Rolling Stones de jouer leur chanson, même si on leur verse tous leurs droits, ce qu'on a fait d'ailleurs. Eux, leur souci est que leur image soit respectée et que leur musique ne soit pas dénaturée. Et apparemment l'autorisation est venue vite. La preuve est que les Rolling Stones nous aiment bien. Quels sont les projets de l'ONB ? Il y a une tournée qui a déjà été entamé cette année et qui va durer 2 ou 3 ans, le temps de commencer un nouveau projet. Il y aura un concert le 31 mai à l'Olympia à Paris. Nous sommes maintenant à une trentaine de concerts et il y en aura beaucoup d'autres dans divers festivals cet été. Nous aurons notamment l'honneur de clôturer le festival de Gnawa d'Essaouira le 29 juin de cette année.