Pierre Moscovici, ancien ministre de Lionel Jospin, semble avoir retrouvé une liberté de parole et se distingue de ses pairs par un des plus violents diagnostics de l'ère Sarkozy. Pour l'ensemble des leaders socialistes, Nicolas Sarkozy était devenu le stand de tir favori sur lequel les gâchettes les plus prometteuses aiguisent leur adresse et font polir leur savoir-faire. De Laurent Fabius qui bourgeonne de temps à autre ses remarques les plus acides à l'encontre de la nouvelle gouvernance, en passant par François Hollande, le premier secrétaire, pour qui la faille de Nicolas Sarkozy est un tremplin inespéré pour terminer en beauté un mandat besogneux jusqu'à Ségolène Royal pour qui la cacophonie de l'Elysée valide a posteriori ses envolées présidentielles et agit comme un régénérateur d'espoir. Mais l'homme que les dérives de Nicolas Sarkozy ont réussi à lui attirer la lumière des projecteurs n'est autre que Pierre Moscovici, ancien ministre de Lionel Jospin, délégué aux Affaires européennes. La fascination entre les deux hommes fut telle que le premier inspira au second un livre réquisitoire d'une rare violence «Le liquidateur» aux éditions Hachette. Malgré la riche littérature qui dépeint Nicolas Sarkozy, le livre s'imposa comme un ouvrage à la fois lucide et sans concessions. Pierre Moscovici, l'homme qui exhibe fièrement une calvitie et de temps à autre une capricieuse barbe de cinq jours, fait partie de cette jeune génération des responsables socialistes qui aspire à moderniser le logiciel du PS. Il fut longtemps un second couteau talentueux qui a prospéré à l'ombre imposante de Dominique Strauss-Kahn. Depuis que ce dernier est parti présider aux destinées du FMI, Pierre Moscovici donne l'impression de s'être libéré d'une pensante tutelle. Pierre Moscovici semble avoir retrouvé une liberté de parole et se distingue de ses pairs par un des plus violents diagnostics de l'ère Sarkozy : «Si les quatre années continuent ainsi, ce quinquennat restera comme extrêmement funeste : on aura liquidé une forme de tradition républicaine (…) Nicolas Sarkozy avait une légitimité très forte : il a gagné une des plus belles élections présidentielles de la Ve République. Il avait de l'or dans les mains. Il a transformé cet or en plomb». Pierre Moscovici était une des voix les plus audibles pour dénoncer les choix de Nicolas Sarkozy en matière de politique étrangères. Tout le monde se souvient de sa posture lorsqu'il avait reprocher à Nicolas Sarkozy d'avoir troqué sa «diplomatie des droits de l'Homme» pour celle «du carnet de chèques». Contrairement à cette charge assassine, les observateurs auraient pu, à raison, s'attendre à une forme de gratitude à l'égard de Nicolas Sarkozy de la part de Pierre Moscovici. N'est-il pas le président de la république qui, pris dans le fiévreux tourbillon de l'ouverture, a permis la nomination de DSK à la tête du FMI ? Mais Pierre Moscovici déçoit tous les pronostics au point de donner des migraines à un journal de la droite comme «Le Figaro» qui le décrit avec un brin de regret : «Délaissant son image de social-démocrate modéré, le député du Doubs a endossé un costume de liquidateur du Sarkozysme pour montrer ce qu'il a de nocif». C'est que Pierre Moscovici est engagé dans le combat de sa vie : Succéder à François Hollande et prendre le contrôle du Parti socialiste lors de son congrès en novembre prochain. Il fait partie, avec Julien Dray, des candidats déclarés pour prendre le contrôle de la rue Solferino. Et à l'instar de Julien Dray, Pierre Moscovici semble limiter son ambition immédiate au PS avec cet argumentaire destiné à annihiler les hostilités des présidentiables pour 2012 comme le maire de Paris Bertrand Delanoë ou l'ex-première dame socialiste Ségolène Royal. Pierre Moscovici est loquace sur le sujet : « Je ne suis pas pour la présidentialisation du parti (le futur Premier secrétaire) aura un devoir de neutralité à l'égard des présidentiables (…) Si je suis premier secrétaire du PS, je m'engagerai à ne pas être candidat à la présidentielle de 2012». Mais Pierre Moscovici qui est capable de dire de Nicolas Sarkozy que «Cet homme n'est pas tout à fait président de la république» est soupçonné par ses concurrents socialistes de préparer le terrain et de chauffer la place pour son parrain Dominique Strauss-Kahn, le temps que ce dernier clôt sa parenthèse américaine.