Il faut dire que ces derniers temps, la plupart des ministères ressemblent davantage à des foires d'empoigne qu'à des équipes en ordre de bataille pour mener à bien les projets de réformes tant claironnés. Nicolas Sarkozy vient de laisser transpirer une grosse bouffée de chaleur doublée d'une colère froide et menaçante à l'encontre de l'ensemble de son exécutif gouvernemental et sa majorité présidentielle. Ce fut à l'occasion de deux rencontres décisives au Conseil du gouvernement et au bureau politique de l'UMP. Objectif annoncé : recadrer l'action et la stratégie du gouvernement. Il faut dire que ces derniers temps, la plupart des ministères ressemblent d'avantage à des foires d'empoigne qu'à des équipes en ordre de bataille pour mener à bien les projets de réformes tant claironnés. De Rama Yade aux droits de l'Homme qui rend chèvre son ministre de tutelle Bernard Kouchner sur la posture diplomatique française à l'égard de nombreux sujets sensibles, à Nathalie Kosciusko-Morizet à l'environnement qui traite carrément de «lâche» son supérieur hiérarchique Jean Louis Borloo, passant par Fadela Amara chargée des banlieues qui se trouve au bord du crêpage de chignon avec son ministre de la ville Christine Boutin… le tout donne ce joli tableau où l'amateurisme nourri par une compétitions acharnée des égos baisse dangereusement le niveau de la gouvernance. Devant autant de gaffes et de dysfonctionnements, Nicolas Sarkozy, d'habitude si prompt à réagir devant les situations les plus tendues, est resté étrangement amorphe. Première explication de cette étrange passivité d'un homme dopé aux hormones de l'action, le président de la république aurait peur de prendre des décisions qui désavouent en si peu de temps le casting, gouvernemental qu'il a lui même mis en musique. La moindre des décisions pour faire tomber en miettes l'échafaudage de l'ouverture et de la diversité sur lequel il compte bâtir la fortune de son quinquennat. Seconde explication, Nicolas Sarkozy aurait fait l'analyse que ces dérapages ne sont pas uniquement l'œuvre d'individualités en quête de reconnaissance mais plutôt la faillite d'un chef d'orchestre, le Premier ministre, coordinateur de l'action gouvernementale, incapable d'asseoir son autorité sur ses ministres. Mais là, le dilemme est encore plus profond :comment changer un Premier ministre que les Français perçoivent comme un pôle de stabilité quand on est soi même maudit par un désamour permanent ? Troisième explication lancée par la presse : Et si Nicolas Sarkozy était, au fond de lui même, un «faux dur» ? Ceux qui veulent enfoncer le couteau dans la plaie rappellent allégrement que les décisions viriles de ses prédécesseurs au début de leur mandat. Ainsi comme le rappelle goulûment «Le Canard Enchainé» : «Giscard n'avait pas mis deux mois pour envoyer Jean Jacques Servan-Schreiber, Mitterrand pour remercier Léon Schwartzenberg, Chirac pour se débarrasser d'Alain Madelin». C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre le dur avertissement lancé par Nicolas Sarkozy à ses équipes, notamment les plus bavards d'entre eux : «Quand vous parlez au «Monde», même en off, je ne peux pas croire que vous le fassiez sans vous en rendre en compte (…) C'est la dernière fois que j'accepte cela. François (Fillon) et moi estimons que ça suffit! Je ne supporte plus que certains se fassent leur cote au détriment de l'équipe. On accepte les arbitrages et si on n'est pas content, on quitte le gouvernement». Le mot d'ordre de Nicolas Sarkozy semble être, pour reprendre une vieille antienne : «Un ministre, ça respecte la voie hiérarchique, ça joue collectif ou ça démissionne». Histoire sans aucun doute de retarder les échéances et de gagner du temps, Nicolas Sarkozy fait le constat qu'il pourrait s'agir essentiellement d'un problème de communication qui se trouve à l'origine de cette cacophonie gouvernementale. Ce qui explique la nomination de Thierry Saussez comme délégué interministériel à la communication et responsable du service d'information du gouvernement (SIG). L'opposition, en la personne de Pierre Moscovici, a sauté sur l'occasion pour livrer son analyse : «C'est un problème politique et pas un problème de communicant ou de haut fonctionnaire, c'est un problème au sommet de l'Etat entre Nicolas Sarkozy et François Fillon (…) ce sont deux hommes qui ne se parlent pas, qui ne s'entendent pas, qui s'opposent».