Après le discours traditionnel de fin d'année du président français, les interprétations se multiplient tout aussi que les critiques. En cette période de vœux qui dure une bonne partie du mois de janvier, les écrivains de discours de Nicolas Sarkozy n'auront pas une minute pour souffler. Ils ont obligation de décliner l'état d'esprit de leur champion devant tous les corps de métiers suspendus aux lèvres présidentielles pour en détecter l'orientation qu'il va falloir suivre une fois retombées les bulles de la victoire. C'est que le président de la République est en train de passer un cap décisif : après huit mois d'une intense présence à l'Elysée. Il est à la recherche d'un nouveau souffle pour faire durer la magie de son élection. Une recherche effrénée , assoiffée qui lui a fait dire cette phrase qui a le don d'allier une grande profondeur avec une luisante légèreté. «J'ai la conviction que dans l'époque où nous sommes, nous avons besoin de ce que j'appelle une politique de civilisation». Cette petite phrase lancée nonchalamment au détour d'une prestation touffue, sans réelle originalité est en train de faire débat. S'agit-il d'une poussée de spiritualisme chez un homme connu pour vénérer jusqu'à la caricature les biens matériels de la vie ? Ou est-ce le recours volontaire à une mythologie gaullienne pour faire rêver le chaland en manque d'engagement et de destin hors du commun ? L'opposition s'est vite emparée de la question pour se moquer méchamment du président de la République. Le député européen socialiste Vincent Peillon a fait ce constat :« Cela m'a laissé perplexe, parce que je n'ai pas compris de quoi il s'agissait (…) De quelle renaissance s'agit-il ? Notre croissance est en berne, on est moqués sur le plan européen (…) Nicolas Sarkozy, je ne vois pas ce qu'il apporte, si ce n'est une touche personnelle que tout le monde commente à longueur de journée, et qui est essentiellement de la vulgarité » Pour contrer cette vague de critiques qui menaçait de s'abattre sur Nicolas Sarkozy au point de ridiculiser la grandeur de ses propos, le secrétaire général de l'UMP Patrick Devedjian s'est proposé pour assurer la période après vente des propos présidentiels. « La politique de civilisation » décrite par Nicolas Sarkozy : «C'est avoir l'ambition que l'Europe, avec ses valeurs et son modèle de civilisation, reprenne toute sa place dans la mondialisation ». Alors que pour Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, un proche de Nicolas Sarkozy : «C'est un souffle nouveau, c'est la renaissance au sens italien (...) Comment revitaliser, renouer avec une autre image pour l'ensemble du pays». Derrière les grandes phrases de circonstances, il est une indéniable réalité politique : Nicolas Sarkozy se doit de chercher un autre registre pour mobiliser l'attention et les énergies. La croissance économique sur laquelle tant de promesses de réformes ont été faites tarde à venir au point que la dégringolade du pouvoir d'achat menace de plomber le moral des Français. Les plus optimistes des éditorialistes de la presse française font le constat que sur un plan purement économique et comptable, Nicolas Sarkozy dispose d'une marge de manœuvre limitée et contrainte. Sur le plan politique, l'exercice de l'ouverture a non seulement montré ses limites mais commence sérieusement à provoquer des fissures au sein de la maison UMP qu'il va falloir, pourtant, remobiliser pour gagner les prochaines échéances municipales de mars 2008. A chacune de ses interventions , Nicolas Sarkozy promet, comme une sorte de défi personnel, de continuer dans la voie de l'ouverture et même de l'élargir de manière significative. Evaluant le véritable rendu politique d'une telle initiative, il n'est pas du tout acquis que le président de la République restera dans le même état d'esprit lorsque les cloches du remaniement gouvernemental auront sonné. Dans leur recherche de ce fameux nouveau souffle, les conseillers de l'Elysée savent que leur champion commence à subir une sérieuse érosion dans l'arme fatale qu'il avait déployée pour séduire et gagner : sa crédibilité. Le député socialiste Arnaud Montebourg est l'un des rares à dresser cet impitoyable réquisitoire pour en souligner les travers et les défauts: «Cette présidence me fait penser aux Romains de la décadence. La classe dirigeante festoie pendant que le peuple peine à boucler ses fins de mois (…) C'est un spectacle à la Dallas, une série B de mauvais goût. Il y a une sorte de faillite morale: trahison des promesses électorales, injustices fiscales, fiasco diplomatique, abandon du plus grand nombre. Tout cela se paiera ».