La récente polémique suscitée par la vente de sardines à cinq dirhams le kilogramme par un jeune commerçant à Marrakech a ravivé un débat ancien au Maroc : celui de la flambée des prix des produits de première nécessité, malgré un coût initial dérisoire à la sortie des ports. Selon plusieurs professionnels du secteur halieutique, le prix du kilogramme de sardines, dès son débarquement dans les ports marocains, oscille entre 3 et 4 dirhams depuis des années. Face à cette réalité, de nombreux observateurs s'interrogent : comment un produit pêché localement, abondant dans les zones maritimes nationales et vendu à bas prix dès sa sortie de l'eau, peut-il atteindre 25 dirhams le kilogramme dans les marchés urbains ? La vente de sardines à cinq dirhams le kilogramme par un jeune commerçant de Marrakech fait resurgir une réalité économique bien connue : l'écart considérable entre le prix de débarquement des produits halieutiques et celui affiché sur les étals. «Il ne s'agit pas d'un geste isolé mais d'un retour à une économie de proximité où la valeur ajoutée n'est pas captée par une chaîne d'intermédiaires pléthorique», avait confié le jeune homme. Cette disparité soulève des interrogations sur la structure des marges appliquées tout au long de la chaîne de distribution. Depuis des années, les professionnels du secteur confirment que le kilogramme de sardines quitte les ports marocains à un prix oscillant entre trois et quatre dirhams. «Depuis des décennies, les professionnels du secteur halieutique attestent de la stabilité des prix à la criée. Le kilogramme de sardines se négocie généralement entre trois et quatre dirhams, selon l'abondance des prises et les conditions météorologiques. Le problème ne réside pas à la source, mais dans les circuits de distribution. les fluctuations restent minimes. Le véritable renchérissement se joue en aval, où chaque intermédiaire prélève sa part, souvent sans rapport avec la valeur ajoutée réelle», explique un armateur d'Agadir. Le commerce halieutique au Maroc repose sur un modèle fragmenté marqué par une succession d'acteurs : mareyeurs, transporteurs, grossistes, détaillants, chacun appliquant une marge pour couvrir ses frais et dégager un bénéfice. Mais selon plusieurs experts, celle-ci dépassent largement les seuils habituellement observés dans les économies de marché équilibrées. «Si l'on compare avec d'autres pays exportateurs, comme la Mauritanie ou le Sénégal, le taux de marge appliqué sur la sardine marocaine atteint parfois 400 à 500 %, ce qui est économiquement injustifiable pour un produit non transformé», confie à Barlamane.com un économiste spécialisé dans les marchés agroalimentaires. Circuits malfamés La structure actuelle du marché favorise une inflation des prix au détail, exacerbée par l'absence d'un encadrement rigoureux des circuits de distribution et l'inertie (voulue) du gouvernement d'Aziz Akhannouch. «Il ne s'agit pas seulement d'un problème de logistique ou de transport. C'est un système où la spéculation est devenue la norme au détriment du consommateur final», poursuit l'économiste. Le cas du jeune commerçant de la ville ocre agit comme un révélateur des irrégularités chroniques du marché. Son cas, bien qu'isolé, démontre que des prix abordables restent possibles lorsque les circuits sont raccourcis et que les intermédiaires sont contournés. Pourtant, comme le soulignent plusieurs observateurs, cette situation risque de s'estomper, comme tant d'autres, sans qu'aucune réforme structurelle ne soit engagée. «Tant que la société civile ne maintiendra pas une pression constante pour exiger plus de transparence dans la formation des prix, ces anomalies économiques perdureront», conclut un acteur associatif engagé dans la défense des droits des consommateurs. En attendant, les étals continuent d'afficher des sardines à 20 ou 25 dirhams le kilogramme, tandis que celles vendues à cinq dirhams restent l'exception plutôt que la règle. «Il n'existe pas de plafonnement des marges commerciales ce qui laisse libre cours à des augmentations arbitraires, souvent sans rapport avec la réalité des coûts», a-t-on déploré.