Au gré des écrits, ils apparaissent sans directions ni convictions. Ils ont pour eux cette attitude anarcho-populo conservatrice où tout est bon dans le cochon pour gaver des lecteurs avides de cochonnailles. Au-delà de consacrer leurs couvertures aux mêmes sujets, nos deux jeunes et doués éditorialistes hebdomadaires se sont fendus cette semaine de deux éditos terriblement cinglants en portant le fer contre l'un de leur confrère. Et ils ne sont pas allés avec le dos de la cuillère qualifiant, pour l'un, les écrits de ce chroniqueur de la place de «diatribes de Nuremberg» ou en accusant, pour l'autre, le personnage d'être un fieffé pyromane qui menace la paix sociale. Ces deux cris sont salvateurs et participent d'une forme d'hygiène. Même s'ils arrivent un peu tard. Même si leur écho reste circonscrit dans un cercle moins large tant l'audience de l'autre est plus large. Ces cris sont à verser dans le plus que nécessaire débat presso-presse. Y a-t-il un lien entre une presse populaire et le populisme? Bien sûr, mon caporal ! Le populisme est le plus performant combustible nourricier de la popularité dans le contexte qui est le nôtre. La presse populiste est moins intéressante, en réalité, que ce qu'elle révèle sur les ressorts de ses lecteurs. Il m'arrive aussi et souvent de la lire. Il m'arrive même de laisser échapper quelques sourires furtifs, au détour de certaines formules ou idées. Mais j'ai, à chaque fois du mal, à me débarrasser du goût de cendre qu'elle me laisse dans la bouche. La réalité, c'est que beaucoup de terrain à été cédé. Les crevasses de notre identité sont aujourd'hui prises en charge par des écrivains publics. A la lecture de leurs textes, il y a étrangement le sentiment qu'ils ne sont ni tout à fait solidement instruits ni totalement ignares. Pas sérieusement écrivains, mais tout de même plumitifs adroits. Au gré des écrits, ils apparaissent sans directions ni convictions. Ils ont pour eux cette attitude anarcho-populo conservatrice où tout est bon dans le cochon pour gaver des lecteurs avides de cochonnailles. En réalité, ces écrivains publics sont, d'une certaine manière, nos éboueurs insensés dans une société en quête de sens. Ils ramassent chaque matin nos propres saletés pour mieux nous les étaler sous le nez. Ils délibèrent sur nos complexes au point de commettre des éjaculations contrariées chaque fois qu'ils abordent nos mœurs. Ils souffrent d'un nombril abîmé qui ne sait s'il doit se revendiquer comme Arabes berbérisés ou comme Berbères arabisés, musulmans occidentalisés ou occidentaux saoudisés. Marocains ou ma-requins. Les idées les plus obtuses ne sont pas un problème mais l'injure…l'injure hautaine. Sans limites ni entraves. Oui. C'est un gros problème. J'ai même rencontré des personnes terrorisées à l'idée d'être dans le collimateur de leurs plumes. Et il ne s'agit pas, pour ces personnes, d'un manque d'assurance ou de talent. Ils refusent juste de descendre dans la fosse sceptique. D'où un silence coupable. Les écrivains publics sont dans l'ivresse du pouvoir. Ils versent volontiers dans la tyrannie intellectuelle et la police de la pensée. Reste la question pour des gens qui ont la démocratie plein la bouche: Tyrans avec une plume, qu'est-ce qu'ils auraient pu faire à la tête d'une armée ?