Pour une épreuve, ç'en est une. Le président français Nicolas Sarkozy devait relever un défi devant le Congrès américain : prononcer un discours sans citer une seule fois le mot «Irak». De l'avis de tous les observateurs qui ont suivi avec attention les péripéties américaines de Nicolas Sarkozy, le président français a réussi une performance mondiale : Comment livrer, en novembre 2007, un discours historique devant le Congrès américain destiné à sceller la réconciliation entre Paris et Washington sans prononcer une seule fois le mot « Irak » ? Une curiosité politique d'une grande originalité. Nicolas Sarkozy, et ce n'est pas le dernier de ses mérites, a déployé sur la représentation américaine les armes de séduction massive dont, en politicien aguerri, il en a maitrisé la fabrication. Les différentes standing ovations qui avaient accompagné son intervention renseignaient d'avantage sur l'état d'esprit des députés américains que sur la performance indiscutable de Nicolas Sarkozy. Et il n'est pas exclu de penser que ces Américains, habitués ces dernières années à ne recevoir de la majeure partie de la planète que haine et quolibets soient agréablement surpris de voir ce président français leur déclarer avec, certes une naïveté feinte et une spontanéité calculée, sa flamme d'amour. Pour ce faire, Nicolas Sarkozy n'avait pas lésiné sur les moyens. Son discours recelait toutes les gammes et toutes les références. Des symboles d'une histoire commune riche d'enseignements à une culture populaire dynamique, créative et entrainante, Nicolas Sarkozy a mobilisé tous les moyens pour dire son admiration avec force et conviction au risque de prendre parfois des intonations gauche d'un adolescent pubère qui se pâme de plaisir devant sa ravissante dulcinée : «Dans l'imaginaire de ma génération, il y a la conquête de l'Ouest, il y a Hollywood… Il y a Elvis Presley, je sais qu'on n'a pas l'habitude de prononcer ce nom dans cette enceinte…Il y a Duke Ellington, Hemingway. Il y a John Wayne, Charlton Heston, Marilyn Monroe, Rita Hayworth». Dans cet exercice de reconquête d'amour et d'amitié auquel s'est livré Nicolas Sarkozy, étaient présents uniquement les sujets qui ne fâchent pas : la nécessité absolue d'empêcher l'Iran d'acquérir l'arme nucléaire, l'indispensable besoin stratégique de stabiliser l'Afghanistan et de redynamiser l'Otan…Autant de fleurs lancées à l'administration Bush dans un contexte où son ratio de crédibilité semble atteindre des profondeurs abyssales. Cette posture lui a valu une froide réplique de la part de la part du chef des socialiste François Hollande : «On peut être ami des Etats-Unis et pas être amoureux du modèle américain(…) Il n'est pas acceptable aujourd'hui que le président de la République, pas à pas, propos après propos, prépare l'opinion mais surtout prépare nos partenaires à un retour dans l'Otan». Un autre socialiste, le député de Paris Jean Christophe Cambadélis, avait la main plus lourde à l'encontre de Nicolas Sarkozy : «Il commet ainsi une double erreur, il ne tire pas d'enseignement de l'échec de Tony Blair ( à l'égard de Washington) et tourne le dos à la construction européenne». Nicolas Sarkozy avait donc soigneusement évité de parler de l'Irak dans lequel l'armée américaine est embourbé, s'économisant par la même occasion l'opportunité de s'exprimer sur les dommages collatéraux peu glorieux de l'invasion américaine. La seule fois où le sujet était évoqué fut lors de la conférence de presse sous la pression des questions des journalistes. Nicolas Sarkozy se contenta d'une lapalissade sans âme qui enfonça les portes déjà grandes ouvertes : «Personne n'a intérêt au démantèlement de l'Irak» et d'appeler des ses vœux «un Irak démocratique, divers où chacune des composantes de la société irakienne apprendrait à vivre ensemble, un Irak qui s'administrerait lui-même, un Irak qui aurait les moyens de garantir la paix à chacun». La réplique de G. Bush, fidèle à sa perception, frôle l'irréel. Il commenta le sujet comme si son seul souci était uniquement de citer Bernard Kouchner. Il avait affirmé «ne pas pouvoir assez remercier le président d'avoir envoyé son ministre des Affaires étrangères à Bagdad (…) C'était un message clair que la liberté compte, que quand des gens luttent pour vivre en liberté, ceux d'entre nous qui vivons dans le confort d'une société libre devraient les aider». C'est connu, les retrouvailles ont toujours un prix, ne pas évoquer les sujets qui fâchent.