Entre la flamme méditerranéenne de la passion et le froid sibérien de la retenue, il y a comme une sombre ombre au tableau de la compréhension. «Mon ami Vladimir». Au bord de la Moskova qui s'apprête à recevoir un hiver rude, dans une capitale russe au bord de l'asphyxie motorisée, Nicolas Sarkozy était venu se livrer à une explication aussi franche que virile avec le maître du Kremlin,Vladimir Poutine. D'un homme qui pratiquait hier encore une politique «brutale», il est devenu par l'enchantement d'une brève visite, cet «ami Vladimir» avec qui l'avenir économique s'annonce prometteur et le ciel politique dégagé des nuages les plus noirs. La rencontre Poutine-Sarkozy fut un tableau original. L'alliance entre la glace et le feu. Devant leur drapeau national respectif, bleu, blanc, rouge pour les Français, blanc, bleu, rouge pour les Russes, les deux hommes livraient, chacun, sa vérité. Tandis que Nicolas Sarkozy, tout en mouvement, les pieds piétinant d'impatience, le rictus volontaire, exhibait la gestualité la plus généreuse et affichait le sourire le plus large, Vladimir Poutine fixait l'audience avec un regard de statue et un implacable défi. Entre la flamme méditerranéenne de la passion et le froid sibérien de la retenue, il y a comme une sombre ombre au tableau de la compréhension. La crise iranienne en a donné une preuve vivante. Tandis que Nicolas Sarkozy susurrait aux oreilles des journalistes, dans un «off» destiné à la plus large circulation, que les positions de Moscou et de Paris connaissent une convergence, suggérant par la même occasion que son travail de persuasion avait fait bouger les lignes moscovites sur la question, Vladimir Poutine rétorque le lendemain que, bien comprenant les inquiétudes de la communauté internationale, il ne disposait pas d'informations objectives prouvant que l'Iran est en train d'acquérir le nucléaire militaire. Cette déclaration refroidit l'enthousiasme des Français. Nicolas Sarkozy comptait bien rentrer à Paris avec un nouveau trophée. En prime d'une réconciliation tapageuse avec «la brute» de Moscou, il voulait accrocher à sa bandoulière le revirement russe sur la crise iranienne. Du coup, l'un parle de convergences, l'autre s'enferre dans sa logique de protection «pas de preuves, pas de sanctions». «Dégueulasse» et «Petit con» Et ce ne fut pas la seule mauvaise nouvelle de cette escapade russe. Alors qu'il tentait de sortir le grand jeu de la séduction, Nicolas Sarkozy fut rattrapé par des petits scandales domestiques. Les dommages collatéraux de l'ouverture. D'abord, cette passe d'armes mortelle entre l'écrivain philosophe Bernard Henry Lévy et l'écrivain des discours de Sarkozy, Henri Guaino : «Guaino, dit BHL, il est raciste. C'est lui qui a fait le discours de Dakar, que le président Sarkozy a prononcé et qu'il a dû découvrir dans l'avion parce que Sarkozy n'est pas raciste. Discours ignoble où l'on disait que si l'Afrique n'était pas développée c'était parce qu'elle n'était pas inscrite dans l'histoire…». Devant cette charge, Henri Guaino dégaine la grosse artillerie : «Ce petit con prétentieux ne m'intéresse pas. Qui est-il donc? Qu'a-t-il fait dans sa vie de si extraordinaire pour se permettre de juger comme ça? (…) Il n'aime pas la France, moi si. Il a la bave aux lèvres, avec la haine qui suinte de partout». Nicolas Sarkozy se trouve pris au piège au milieu de cet échange d'amabilités. A tous les coups, il en prend pour son grade. Et tandis que BHL et Guaino remuent le stylo dans la plaie, Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la ville, sent remonter quelques bouffées de chaleur sur la question de l'ADN, «y en a marre qu'on instrumentalise à chaque fois l'immigration, pour des raisons très précises. Je trouve ça dégueulasse!». De Moscou, Nicolas Sarkozy, le calme légendaire lance un appel :«Je vais demander à chacun qu'il veuille bien s'apaiser». Signe des temps et des mauvaises humeurs, devant les Français de Russie, Nicolas Sarkozy cite les noms de Rachida Dati et Rama Yade comme symboles de l'ouverture et oublie de manière ostentatoire… Fadela Amara.