Le président de la république française déclara son amour pour le Maroc et déclama sa flamme avec beaucoup de convictions. C'est un Sarkozy déchaîné, au verbe passionné et à l'attitude volontaire qui s'est révélé au cours de sa première visite d'Etat au Maroc. On le croyait désillusionné par tant de bévues domestiques, aplati par une morosité ambiante. Les premiers indices de son premier jour laissaient craindre une généralisation de la fameuse « angine blanche ». Un report brusque de sa première rencontre avec le Premier ministre marocain Abbas El Fassi, une annulation nonchalante d'une visite de l'exposition du peintre Binebine laissaient présager un craquement dans le calendrier, Sarkozy préférant un réconfortant tête-à-tête avec ses deux fils Pierre et Jean. Ce n'était qu'illusion d'optique.Le Nicolas Sarkozy qui, la veille, regardait, la posture lasse, Rachida Dati, ministre de la Justice, signer son premier accord de coopération judiciaire avec son homologue marocain, Abdelouahed Radi, semble s'être ressaisi, au point de confondre l'avenue Mohamed V à Rabat avec la célèbre avenue parisienne des Champs Elysées. Au sortir du Parlement, violant à dessein les dogmes de sécurité les plus élémentaires, il fonça serrer les mains à des passants. Le bain de foule marocain avait des vertus thérapeutiques. Quelques minutes auparavant, Nicolas Sarkozy venait de commettre un beau discours. Dans la « version papier » distribuée par son entourage aux journalistes, le contenu frôlait, par sa technicité, un état des lieux d'une grande sécheresse. Mais pris entre les mains d'un artiste du verbe, une bête de scène comme Nicolas Sarkozy, le discours irradiait d'étincelles aux effets lyriques d'une grande qualité. Le président de la république française déclara son amour pour le Maroc et déclama sa flamme avec beaucoup de convictions. Sans doute avait-il en tête les nombreux suspicieux qui le regardaient de haut, regrettant d'une mine bien entendue, les effusions du grand Jacques, en lui reprochant une probable déviation ou du moins un début de reniement. Entre deux effets de manche bien sentis, il exprima un soutien franc à deux points essentiels : d'abord au processus démocratique en cours au Maroc. Là où la version initiale parlait de ce «Maroc nouveau», la touche Sarkozy rajoute, dans un effet de style prononcé «ce Maroc démocratique réconcilié avec son passé». A travers les louanges appuyées sur la réconciliation, Nicolas Sarkozy s'est offert ce petit plaisir de faire une leçon de morale magistrale au voisin algérien qui trébuche toujours sur sa mémoire. En arrière-plan de cette charge, les énormes difficultés que rencontre la signature du «traité d'amitié et de réconciliation» entre la France et l'Algérie. Ensuite, Nicolas Sarkozy exprime un soutien sans faille aux choix stratégiques du Maroc dans l'affaire du Sahara. Une médiation française entre Rabat et Alger ? Pourquoi faire s'interroge Nicolas Sarkozy. «Le plan d'autonomie marocain existe. Aussi je forme le souhait qu'il puisse servir de base de négociations pour la recherche d'un règlement raisonnable». Il déclara tout de même que la France avait signé pour plus de trois milliards d'euros de contrats avec le Maroc, pays dans lequel, «les intérêts des Français étaient bien défendus». Un TVG, le premier sur le continent africain et un regret manifeste de ne pas avoir réussi à vendre les avions «Rafale». Avec ce constat, «il n'y a pas que des succès». Puis dans la foulée de son élan, il s'envole pour Tanger. Les capitales de la région étaient toutes ouïes dehors pour vérifier si la nouvelle religion méditerranéenne du tout nouveau président français était une affaire de conviction installée ou simplement une question d'opportunité passagère. Son intervention eut les intonations d'un discours fondateur avec des envolées qui resteront dans les annales comme l'appel de Tanger : «A tous les Méditerranéens (...) je veux dire que le moment est venu de mettre toutes leurs forces et tout leur coeur à bâtir l'Union de la Méditerranée». Avec une dramatisation des enjeux : «Ce qui se joue là est absolument décisif (...) pour l'avenir de l'humanité (…) En Méditerranée se décidera si oui ou non, les civilisations et les religions se feront la plus terrible des guerres». Un sommet est programmé à Paris en juin 2008 et sera chargé de jeter les bases de cette Union.