Le Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH) a rendu publique, hier à Rabat, son enquête sur les conditions de décès, en octobre 2005, des quatorze émigrés subsahariens aux portes de Sebta et Mellilia. Une pratique nouvelle et audacieuse au Maroc. L'initiative vient d'être instaurée par le Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH), à travers une enquête de terrain sur les conditions de décès des quatorze émigrés subsahariens lors des événements survenus fin septembre et début octobre 2005 aux portes des présides occupés de Sebta et Melilia. Dans un rapport détaillé, rendu public hier à Rabat, cette institution étatique a reconnu le fait que des «dérives sécuritaires» aient été perpétrées lors de ces événements tragiques. elle a précisé que ces incidents sont dûs à l'effet de «la panique» dans les rangs des services de sécurité en place face à l'assaut «violent» lancé par les émigrés en vue de forcer le mur de barbelés séparant le territoire national et les présides marocains occupés. «Les assauts (…) n'étaient nullement spontanés. Ils n'étaient ni anarchiques ni désordonnés. Ils étaient le produit d'une organisation de type militaire avec un état-major sommaire», relève l'enquête du CCDH, fruit de deux mois de travail sur le terrain. La majorité des victimes sont mortes par piétinement, alors que cinq d'entre elles ont été tuées par balles. Mais voilà, le Maroc a également été «victime» de ces regrettables événements, argue le président de la commission d'enquête, Driss Ajbali. Pays émetteur d'émigrés, le Maroc est devenu lui-même un pays de transit, voire un pays d'immigration par excellence. «Les ramifications géopolitiques de l'immigration à l'origine de ces incidents dépassent largement le cadre national et régional», ajoute notre interlocuteur. Dans le rapport, d'une quarantaine de pages, le CCDH recommande de traiter ce fléau à la racine en s'attaquant aux «causes réelles qui constituent l'humus sur lequel prospère ce type de drame», soit «cette inégalité criante» entre le Nord et le Sud, à l'origine d'une «misère insoutenable». Une réalité qui n'est pas toujours entendue de cette oreille, pour une raison ou une autre. Le Royaume, rappelle le rapport, s'est trouvé, «aux yeux de nombreux observateurs, assigné au banc des accusés comme le coupable désigné pour sa gestion des événements» alors qu'en plus d'être «victime, il fut aussi meurtri par des événements qui devenaient une affaire». Motivée par un souci de vérité sur l'origine du drame, l'enquête du CCDH s'est aussi attelée à faire la lumière sur les conditions de refoulement des émigrés, précisant que le Royaume a rapatrié tous les ressortissants originaires d'Afrique subsaharienne à leurs pays en collaboration avec leurs gouvernements. Les allégations, colportées par certains médias étrangers, selon lesquelles cette campagne aurait également concerné des réfugiés subsahariens, se sont révélées sans fondement. Rappelant que le Maroc est signataire de la convention internationale pour la protection des travailleurs migrants et de leurs familles et de la convention de Genève sur les réfugiés, le CCDH a fait également valoir le droit du Royaume à se donner « les moyens de faire respecter sa souveraineté ».