De bons mécaniciens dignes de confiance, ça existe, il suffit de chercher. De bons électriciens d'automobiles aussi ! Abdelaziz et Mohamed, tous deux autodidactes, font partie des perles rares de la profession. D'ailleurs, ils sont amis. Abdelaziz Benherrat et Mohamed Lahnani, respectivement mécanicien et électricien automobile, âgés d'une quarantaine d'années chacun, ont un point commun : ils savent mieux se faire comprendre des moteurs de voitures que de leurs propriétaires. Bien d'autres choses encore rapprochent ces deux hommes : ils se sont tous deux formés sur le tas, dès l'enfance, en apprentissage, ils sont tous deux connus pour leur compétence et ils travaillent aujourd'hui à quelques rues d'intervalle, au quartier Beauséjour à Casablanca. A l'âge de 14 ans, Aziz se découvre une passion pour la mécanique automobile. Il entre en apprentissage dans un garage sur le boulevard Yacoub el Mansour, à Casablanca. Aujourd'hui le garage est devenu un café mais Abdelaziz n'oubliera jamais le cadre de son initiation au métier, où il travaillera pendant cinq ans. Bien entendu, il commence au plus bas de l'échelle : nettoyage des outils, dégraissage des pièces mécaniques, courses et divers petits travaux. Mais comme il est vif et dégourdi, que les premières tâches que lui confie son patron sont promptement et proprement exécutées, il monte progressivement en grade. Les moteurs de R4, R21, F127, F131 et autres S1100, les voitures les plus courantes de l'époque, défilent entre ses mains. Petit à petit, il se familiarise avec leurs rouages les plus délicats et finit par être admis à démonter seul un moteur. Jusqu'à ce que, quelques années plus tard, il se sente suffisamment compétent pour aller chercher une meilleure place et un salaire plus consistant dans un autre garage. Suivront deux autres expériences, en tant que mécanicien payé à la semaine, dans deux garages. Dix ans au total au cours desquels Abdelaziz se fera connaître et apprécier pour sa compétence, son efficacité et son extraordinaire capacité à se perfectionner : chaque voiture qu'on lui confie est un nouveau diplôme qu'il se décerne, en parfait autodidacte. Depuis 1997, Abdelaziz est installé pour ainsi dire à son compte, dans un garage où sa clientèle d'habitués, certains depuis une dizaine d'années, viennent lui confier leurs embarras mécaniques. Il partage avec son associé, propriétaire des murs, le produit de son gain hebdomadaire, une fois déduit le montant des pièces et des fournitures. C'est là que vient parfois le rejoindre Mohamed, son ami et complice pour ce qui a trait aux circuits électriques et électroniques des véhicules qu'on lui confie. Mohamed Lahnani, natif du Hay Mohammadi mais qui a grandi à Ben Ahmed, a commencé à se former à douze ans, en entrant en apprentissage chez un électricien automobile. Son premier patron ne lui paie pas de salaire, exceptées les gratifications des jours de fête. Ce qui fait dire à Mohamed que s'il avait perçu un salaire, il aurait moins bien appris… Il y passera trois ans, avant qu'il ne parvienne à démonter et à réparer son premier démarreur, celui d'un « pick-up » Nissan. Il a alors seize ans et ce premier travail maîtrisé lui donne le sentiment que le monde lui appartient. Tant et si bien que lorsque des camarades d'atelier, qui sont allés exploiter leur savoir-faire à Casablanca, en reviennent en arborant fièrement les signes d'une certaine prospérité, il décide de tenter sa chance lui aussi. Ses parents s'y opposent mais il passe outre. Le voilà désormais installé au quartier Lissasfa, ayant décroché une place dans un garage situé à Sidi Othmane. C'est le temps de la débrouille, il trouve une petite combine pour sillonner Casablanca en autobus sans payer car il n'en a pas les moyens et fait le tour des électriciens casablancais. En 1990, il se stabilise dans un atelier d'électricité automobile du quartier Oulfa et en un an, achève son apprentissage. C'est alors qu'il fait la connaissance d'un entrepreneur français qui exploite un parc d'engins de travaux publics. Sollicité pour résoudre un problème d'adaptation d'un engin à godet en brise roche à percussion, Mohamed fait merveille et bricole une solution qui permet d'économiser énormément d'argent. Commence alors pour lui une période faste dans le monde des travaux publics, avec une contribution au chantier de la grande mosquée Hassan II. Jusqu'à ce qu'il prenne conscience que tout l'argent qu'il gagne dans ce domaine l'éloigne de son métier de base, le seul sur qui il sait pouvoir toujours compter. C'est ainsi qu'en 1993, il entre en association pour moitié dans le garage où Abdelaziz est employé et que naîtra leur amitié. Ils rêvent ensemble aujourd'hui d'un garage qui leur appartiendrait, grâce par exemple à ces solutions d'encouragement à la création d'entreprise dont ils entendent parler. Ils ne détesteraient pas non plus se voir proposer des programmes de formation continue, qui leur permettraient de valoriser leur parcours de techniciens autodidactes et leur savoir-faire grandement éprouvés.