La situation qui prévaut au sein des universités marocaines est alarmante. Les premiers mois de l'application de la réforme montrent que sans les grands moyens et une réelle sensibilisation des parties concernées, la tension demeurera un fait quotidien. «La situation est catastrophique et plusieurs universités sont menacées d'une année blanche». C'est en ces termes que le secrétaire général de la Jeunesse ittihadia résume la situation qui prévaut dans le champ universitaire. En effet, à Meknès, Fès, Marrakech, Oujda et Tétouan, les chances sont réellement minimes pour voir réapparaître un climat de paix et d'entente entre les différentes composantes de l'Université. A Meknès, notamment dans la Faculté des sciences juridiques, la tension bat presque tous les records. Un enseignant de cette faculté a été sauvagement agressé par des « étudiants ». Dans ces villes précitées, force est de constater un retour en force de la contestation sauvage, et que depuis le début de l'année scolaire, les étudiants boudent en masse leur université. Généralement, l'agitation est faite par ceux-là même qui ont boycotté, auparavant, les élections des étudiants concernant la participation aux conseils des universités. Mais, à la différence de l'année précédente, il semble que depuis le premier trimestre de l'année en cours, la tension est passée à une vitesse supérieure. Dans certains campus, comme à Meknès, on parle de groupements se déclarant d'une mouvance maoïste qui se heurtent quasi hebdomadairement aux différentes fractions islamistes. Politiquement, les interlocuteurs fiables et reconnus localement font défaut. Mais, cela n'exclut guère la présence de certaines sensibilités partisanes. En effet, si les adhérents de la Gauche socialiste unifiée (GSU) sont importants à Kénitra, dans d'autres villes, comme Fès et Marrakech, la scène est partagée entre les islamistes et une extrême gauche sans appartenance claire. A Casablanca et El Jadida, les islamistes sont majoritaires. Aussi, si les étudiants de l'USFP sont plus ou moins importants dans certaines villes universitaires, notamment à Tanger, Rabat, Oujda et Kénitra, il n'en demeure pas moins important de signaler leur absence au niveau des universités de Tétouan et d'Agadir. Signes de faiblesse qui ne trompent pas. Lors d'un Conseil national de ces derniers, tenu le 28 décembre à Rabat, l'accent a été mis sur le manque de moyens flagrant qui caractérise le début de l'application de la réforme universitaire en termes de moyens humains et matériels. L'augmentation du budget du ministère de l'Enseignement supérieur de 9 % est loin de répondre aux besoins pressants de ce secteur. A maints égards, les étudiants et enseignants expliquent le marasme qui prévaut au sein des universités par l'absence d'enseignants, de salles et de moyens d'encadrement. A cela s'ajoutent les déficits observés en termes de structures d'accueil et de communication. Or, à ce niveau, les problèmes prennent une dimension grave. Après trois mois d'études, les étudiants de la plupart des facultés de Meknès, Fès, Marrakech, Oujda et Tétouan, n'ont passé aucun contrôle et ne savent pas de quoi seront faits les jours à venir. A Casablanca, les origines du malaise sont d'une autre nature. Faute d'application à la lettre de la loi, notamment des dispositions de l'article 01.8 concernant la nécessité d'une transition par le ministère de tutelle, des projets de réformes, ces derniers ont été affichés directement après les réunions du conseil de l'université. Ceux qui furent auparavant favorables à la réforme ont commencé à se douter de son efficience. Alors que du côté enseignant, l'on continue d'évoquer le gel des indemnités depuis 2001, au niveau des étudiants, ce sont les comparaisons avec l'ancien système qui hantent les esprits. Les contrôles et modes d'évaluations demeurent une énigme pour une grande partie d'entre eux, lesquels ne savent même pas comment doit s'opérer le passage d'une classe à une autre et comment résoudre la fameuse équation des Unités. D'où les agitations qui se propagent de proche en proche. Les mouvements de contestation et la répression qu'ils suscitent dans certains cas ne sont que l'aspect apparent d'un iceberg étroitement collé au mode de gestion globale de l'opération didactique et pédagogique adopté au sein des universités. L'unanimité réalisée autour de la réforme commence à s'effriter au fil des jours en raison de l'absence des moyens et de la recrudescence de la tension.