Au Maroc, les acteurs politiques, sociaux et économiques ainsi que leurs partisans et partenaires respectifs s'accordent presque tous à reconnaître que la situation sociale est extrêmement préoccupante voire inquiétante. Les fléaux sociaux tels que l'analphabétisme, le chômage, l'exclusion et les maladies de toutes sortes ravagent les milieux urbain et périurbain. En proie à la pauvreté et dans l'absence des infrastructures de base, le monde rural, de son côté, n'est pas non plus épargné de ces mêmes fléaux et beaucoup d'autres, notamment la malnutrition causant des retards de croissance chez les populations. Notre campagne a subi, durant plusieurs années successives, les effets néfastes de la sécheresse et d'autres malheurs engendrés par certaines catastrophes naturelles et d'autres d'origine humaine tels que les incendies à titre d'exemple. Ces derniers viennent fréquemment frapper les populations, laissant derrière eux des victimes humaines tout en détruisant impitoyablement ce qui reste de la faune et de la flore… Cette situation alarmante entraîne la recrudescence de l'exode rural, vide des localités de leur jeunesse, accentue la misère et encourage la mendicité et l'exploitation notamment de la femme et des enfants, et par voie de conséquence, engendre partout une délinquance de toutes sortes. Si cette situation persiste, nous risquons inévitablement de voir notre pays un jour plus proche d'un pays moins avancé de l'Afrique subsaharienne que de celui à revenu intermédiaire méditerranéen. Comparé actuellement à ses voisins immédiats et particulièrement la Tunisie, le Maroc piétine encore depuis son indépendance : son économie est toujours handicapée par la faiblesse quantitative et qualitative du tissu industriel et tertiaire malgré les efforts entrepris à travers les différentes réformes sectorielles, la libéralisation des échanges commerciaux, la mise en œuvre d'un vaste programme de privatisation ( touchant à sa fin) et le lancement d'un programme de mise à niveau ( inachevé) de l'économie nationale et de l'entreprise privée. Les modestes résultats du secteur privé s'expliquent en grande partie aussi bien par les contraintes institutionnelles et sectorielles que par la qualité insuffisante de notre main d'œuvre. Les mesures prises par l'Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail doivent être inlassablement poursuivies afin d'adapter la formation professionnelle aux exigences des entreprises. Il reste aussi à trouver, impérativement, une solution rapide et adéquate aux diplômés universitaires dont le problème principal tiendrait au fait que « leurs compétences ne correspondraient pas aux besoins des entreprises ». D'autant plus les entreprises marocaines demeurent, désormais, les seules, pourvoyeuses d'emplois, à même de résorber le chômage qui sévit de plus en plus parmi les populations, au fil des années, suite à la politique d'incitation au départ volontaire des fonctionnaires menée par le secteur public. Cette prise de conscience ne suffit pas : il faut agir. Agir, non seulement en dressant les diagnostics nécessaires, chaque fois que les pouvoirs publics sont interpellés, mais aussi planifier des programmes d'action et mettre en œuvre des plans de développement socio-économique réalistes, faisant en sorte que les projets inscrits soient techniquement faisables, budgétairement finançables, foncièrement rentables et équitablement distribuables à travers l'ensemble du pays. Il conviendrait donc de renouer avec la planification nationale qui servira de guide à tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, syndicaux et à la société civile pour baliser le chemin au moyen de bornes indicatrices pour savoir où aller, à moyen et à long terme, si nous voulons réellement asseoir notre économie sur des bases solides et réaliser un développement socio-économique durable et harmonieux.Un plan indicatif, souple et modifiable à tout moment, pourrait être profitablement adopté à notre situation actuelle, pour le moins critique mais encore non désespérante. La planification, en tant qu'outil permettant de clarifier la vision et de réaliser le changement est en effet, à notre sens, le seul cadre approprié pour intégrer les options dans une conception globale. Elle permettra de cerner, d'une part, tous les facteurs qui déterminent l'évolution de notre environnement aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur et restaure, d'autre part, la confiance parmi les citoyens. La planification est, en effet, une méthode priviligiée pour prospecter l'avenir, évaluer les besoins, sérier les priorités et suivre une démarche consensuelle en faisant participer toutes les forces vives de la nation. Elle demeure, pour le Maroc, le meilleur moyen de réunir à travers le Conseil Supérieur du Plan et de la Promotion nationale toutes les potentialités au sein des commissions verticales et horizontales, aussi bien au cours de la préparation qu'au niveau de l'exécution du Plan de développement économique et social. Ce renouement s'impose plus que jamais car, la planification nationale si elle est bien menée et fermement suivie, est le seul instrument qui permettra, sans conteste, une meilleure répartition spatiale de la croissance économique et une réduction certaine des inégalités régionales en matière de développement aussi bien humain que culturel et économique, son objectif fondamental étant l'amélioration des conditions de vie et de travail de l'ensemble des populations. Il est temps, en effet, de concevoir une stratégie de développement intégré dans le cadre de la préparation et la mise en œuvre d'une planification solidaire. Son exécution aura pour but principal la lutte contre les fléaux sociaux précédemment cités qui sévissent profondément, au fil des années, parmi les couches démunies de notre société déjà fragilisée par le choc du 16 mai 2003 et le désarroi du séisme frappant il y a quelques mois la ville d'El Hoceima. Notre futur plan de développement économique et social sera donc un crédo aussi bien du quotidien que de l'avenir. Il devra en premier lieu privilégier et dynamiser l'économie sociale dans ses composantes coopérative, mutualiste et associative sous les auspices d'une solidarité nationale au bénéfice du citoyen marocain qui a longuement souffert de l'exclusion…Ce tiers secteur contribue, en effet, à atténuer les méfaits des fléaux sociaux et soulager les souffrances grâce à ses institutions diverses notamment les asssociations qui ont pour rôle majeur le soutien des plus démunis de la population. Incontestablement, l'économie sociale et solidaire revêt une triple dimension sociale, économique et politique affirmée. Elle contribue de ce fait au développement socio-économique et culturel du pays, aux côté de l'Etat, des Collectivités locales et des entreprises privées, en raison de la capacité d'initiative et d'intervention que les associations ont toujours démontrée sur le terrain pour répondre efficacement à des besoins sociaux dans les domaines extrêmement variés. Par le soutien et l'assistance qu'elles apportent aux couches défavorisées et aux populations en situation précaire, ces associations contribuent indéniablement à la consolidation de l'édifice démocratique, à la restauration de la confiance et à la réalisation du développement durable qui tient compte des considérations d'ordre socio-économique et environnemental pour que le Marocain puisse enfin vivre dans la dignité. • M'hamed Drissi, Ph.D. Directeur A.O.S.M.F.J. Chercheur en économie