Une délégation d'experts du FMI a sensibilisé, il y a deux mois, les responsables marocains à l'importance de réfléchir à un retour aux fameux PAS que le pays a déjà expérimentés dans la douleur par le passé. Au Fonds Monétaire International (FMI), on est de plus en plus préoccupé par la situation financière au Maroc et la politique budgétaire adoptée par le gouvernement. Durant la dernière semaine de novembre dernier, une délégation de cette organisation composée d'administrateurs de haut niveau s'était rendue au Maroc pour transmettre aux responsables marocains ses inquiétudes quant à l'évolution de la situation financière et économique du pays notamment en ce qui concerne l'aggravation du déficit budgétaire et la faiblesse du taux de croissance réel enregistré par l'économie nationale. La visite des administrateurs du FMI n'a pas été médiatisée et ce conformément à la volonté des deux parties d'éviter que le message transmis par l'organisation financière internationale au gouvernement ne parvienne à la presse vu la gravité de son contenu. "Il s'agit juste d'observations qui ont pour objectif d'attirer l'attention du gouvernement marocain sur certaines défaillances auxquelles il devra remédier", explique une source informée qui a requis l'anonymat et qui estime que la situation n'est pas alarmante. D'ailleurs, la délégation a signifié aux responsables marocains que la visite n'entre pas dans le cadre des missions de négociation, mais elle a plutôt un objectif de sensibilisation d'où la discrétion et le caractère informel de la rencontre. Pourtant, la situation est grave. Car, les administrateurs du FMI ont évoqué avec les responsables du ministère des Finances et de la Privatisation plusieurs aspects des finances publiques et de la politique budgétaire marocaine qu'ils considèrent comme des erreurs stratégiques et qui risquent de conduire le système financier du Maroc vers la faillite. Cela rappelle la fameuse expression utilisée par feu Hassan II sur le risque de "l'arrêt cardiaque" pour attirer l'attention sur la gravité d'un rapport élaboré dans les années 90 par la Banque mondiale sur la situation économique du Royaume. Au menu des entretiens de la délégation du FMI au cours de sa visite discrète au Maroc, il a été question de l'aggravation du déficit budgétaire, de la destination des recettes de la privatisation, l'augmentation de la masse salariale et la faiblesse du taux de croissance. Les experts du FMI estiment en effet que malgré une satisfaction générale pour le respect du Maroc des équilibres macro-économiques et financiers, ils ont relevé certains manquements en ce qui concerne la rigueur financière et ont appelé le gouvernement à poursuivre l'application des réformes qu'il avait entreprises et qui constituent l'unique moyen d'arriver au taux de croissance requis pour assurer le développement du pays. Ainsi, pour ce qui est du déficit budgétaire, le FMI a critiqué l'utilisation des recettes de la privatisation pour en atténuer le taux estimant qu'il ne s'agit que d'une simulation qui, même si elle cache la réalité, elle ne la change pas. En effet, pour les gens du FMI, l'utilisation des fonds émanant des privatisations touchent essentiellement à leur utilisation pour satisfaire les besoins de fonctionnement au lieu de les orienter vers des projets d'investissement qui peuvent avoir un impact positif sur la croissance. À ce propos, la délégation du FMI a rappelé aux responsables marocains que le taux de croissance réel au Maroc n'atteint pas les 3% alors qu'il devrait être d'un minimum de 5.5% pour permettre un véritable décollage économique. C'est le seul moyen, selon l'organisation financière internationale d'augmenter le PIB. Or, ses experts ont relevé, par exemple, que la masse salariale continue à augmenter représentant jusqu'à 12% du PIB, ce qui réduit la capacité de l'Etat à consacrer ses efforts à l'investissement en infrastructures et à orienter sa stratégie vers l'amélioration des conditions sociales. D'un autre côté, le FMI a relevé l'absence d'une politique fiscale créative qui pourrait équilibrer le budget de l'Etat au lieu de se contenter d'utiliser les recettes de la privatisation. Cette absence de vision et le caractère virtuel de certains chiffres des indicateurs économiques que le gouvernement s'efforce de présenter comme étant réels auront des répercussions graves sur les finances du pays et ce à moyen terme. En effet, le FMI a informé ses interlocuteurs marocains que la situation s'aggravera dans les cinq années à venir si rien n'est fait pour changer la donne. Car, on estime qu'après l'épuisement de toutes les ressources de la privatisation, le Maroc sera confronté à une situation très difficile. Sachant qu'actuellement, le Maroc dispose de dix mois de réserves en devises, il est difficile d'imaginer ce qui pourrait arriver à l'avenir. Se basant sur ces données, le FMI envisagerait, dans les cinq années à venir, de réinscrire le Maroc sur la liste des pays qui devraient être soumis à un Plan d'ajustement structurel (PAS). Rappelons que le FMI avait imposé au Maroc le PAS entre 1983 et 1992. Pour le moment, il a été conseillé aux responsables marocains de revoir la politique budgétaire et de revoir le système d'affectation des recettes de la privatisation en les destinant vers l'investissement et à faire plus d'efforts en matière de réduction de la charge de la masse salariale sur le budget de l'Etat. Ainsi, pour la première fois depuis dix ans, le Maroc, qui était le bon élève du FMI se retrouve menacé d'un retour du PAS. Et si, jusqu'à maintenant, il n'est l'objet que de simples avertissements, les choses peuvent s'aggraver à l'avenir si le gouvernement ne fait rien.