Elle était sortie pour une course banale, un téléphone cellulaire donné en réparation. La nuit était sur le point de tomber, mais elle ne s'en était pas inquiétée. Hélas, la course finira sur un terrain vague et par un viol commis par trois voyous ivres de férocité. Il est 19 heures. Elle sort de chez elle pour se rendre chez un réparateur de téléphones cellulaires. Une course banale, vingt minutes tout au plus. Rien de quoi alarmer sa mère qui, d'ailleurs, n'a aucune raison de s'inquiéter : sa fille de quinze ans est en sécurité dans ce douar d'Inezgane, aux environs d'Agadir . Elle y est née, y a grandi et tout le monde la connaît. «Il est déjà 20 h et elle n'est pas encore rentrée !», s'exclame la mère en regardant l'horloge accrochée au mur… Inquiétude, angoisse, désespoir : au fil des minutes d'une attente interminable, sa mère se ronge les sangs. Jamais sa fille ne s'est attardée dehors au-delà de vingt heures trente. La grand-mère tente vainement de rasséréner sa fille : «Elle a dû rencontrer l'une de ses amies… C'est la seule explication à ce retard». Mais les minutes deviennent des heures et toujours pas de nouvelles. Il est 22 heures. Un tourbillon de questions sans réponses s'installe dans la maisonnée. La mère et la grand-mère passent en revue toutes les hypothèses, toutes les éventualités. A chaque fois, c'est un nouvel espoir que les deux femmes se fabriquent, tout en réalisant que cette troisième heure d'attente n'augure rien de bon. Mais comment se résoudre à envisager le pire ? Alors les deux femmes continuent à se bercer d'explications comme autant d'illusions. Minuit. Elle n'est toujours pas là. Sa mère et sa grand-mère n'en peuvent plus d'attendre. Elles se décident à affronter la réalité. Elles se rendent à l'hôpital, au commissariat, mais en vain. Leur fille et petite-fille mineure n'a été enregistrée nulle part. D'un côté cela les rassure et entretient encore le maigre espoir dont elles persistent à se réconforter. Mais de l'autre, cela les pousse à imaginer le pire… Les deux femmes sont de retour chez elles. Elles envisagent d'élargir le cercle de leur recherche. Les pistes les plus folles s'ouvrent devant elles: les boîtes de nuit d'Agadir, les clochards dans la rue, qui sait ? C'est alors que leur fille fait son apparition. Elle est dans un état lamentable. Mais Dieu merci, elle est en vie. Reste à savoir ce qui lui est arrivé. La réponse jaillit de la bouche de l'adolescente. Elle est bouleversante, déchirante, cauchemardesque : «Ils m'ont violée ! Ils m'ont détruite! Ils étaient trois qui m'ont violée sans pitié !» Violée ! Le mot retentit dans la maison, entraînant à sa suite des images insoutenables pour la mère et la grand-mère qui ressentent soudain dans leur chair de femme l'infinie douleur de l'adolescente meurtrie. Violée, mais par qui ? La jeune fille n'en peut plus. Elle s'effondre dans les bras de sa mère, elle-même soutenue par la grand-mère. Le lendemain, après une nuit qui marquera à jamais leur vie, les trois femmes se rendent au commissariat. Elles déposent plainte. La procédure policière se met en branle. Les enquêteurs de la PJ d'Agadir prennent l'affaire en main, bien décidés à ne pas laisser les trois violeurs impunis. Heureusement, la jeune fille a pu fournir un signalement très précis de ses violeurs. Il ne faut donc pas longtemps aux policiers pour dénicher et arrêter les trois hommes. Il s'agit d'un certain Abdallah, de son neveu Abdelhadi et de leur ami Mustafa. C'est ce dernier qui a croisé la jeune fille alors qu'elle retournait chez elle après avoir récupéré son téléphone cellulaire chez le réparateur. Mustata avait bu, l'esprit habité des vapeurs du mauvais pastis ingurgité quelques instants auparavant. En croisant la jeune fille, il s'était aussitôt mis dans la tête d'assouvir une pressante pulsion sexuelle. Sous la menace d'un tesson de bouteille, il avait donc contraint la malheureuse à l'accompagner vers une maison abandonnée. Il avait été rejoint par Abdellah et Abdelhadi. L'un des trois hommes avait entrepris de la déshabiller. Elle s'était mise à hurler. Ils avaient donc décidé de se replier vers le cimetière, pour être certains de ne pas être dérangés. Une fois sur place, le cérémonial monstrueux du viol s'était mis en marche. Abdellah avait achevé de dénuder la jeune fille. Puis il l'avait violée sous les regards de deux autres, occupés à s'enivrer. Avant de la livrer à ses complices, il l'avait forcée à boire deux verres d'alcool, dans l'intention de l'anesthésier. Les deux hommes avaient poussé encore plus loin l'humiliation de la possession sexuelle non consentie: ils l'avaient sodomisée. Il avait fallu qu'un appel sur le téléphone de l'un d'entre eux leur signale que la mère et la grand-mère de leur victime s'étaient lancées à sa recherche pour mettre un terme à leur forfait. Mais de qui provenait cet appel ? C'est ce que les enquêteurs s'emploient désormais à trouver.