Les événements du Liban et de la Palestine ont été une véritable aubaine pour les mouvances islamistes marocaines. Le PJD et Al Adl Wal Ihssane ont réalisé un autre véritable hold-up en attendant 2007. Le Hezbollah et le Hamas protagonistes de la politique nationale marocaine ! C'est la réalité qui a été imposée aux Marocains par les mouvances islamistes, PJD et Al Adl Wal Ihssane en tête. Pour les premiers surtout, il semble que les attaques israéliennes sur les territoires de l'Autorité palestinienne et sur le Liban ont représenté une véritable aubaine à l'approche des élections de 2007. Début juin déjà, le PJD avait tenu à inviter Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre du Hamas, à intervenir en direct lors d'une manifestation de solidarité avec les Palestiniens organisée à Rabat. Le PJD, son syndicat, sa jeunesse et son MUR (Mouvement Unicité et Réforme) ont tenté de rééditer le coup, le 9 août dernier à Tiznit, avant d'en être empêchés par les autorités. Depuis le déclenchement de la crise (au Liban et en Palestine), le parti de Saâd Eddine El Othmani n'a pas arrêté de harceler le gouvernement pour qu'il "clarifie sa position" quant à ce qui se passe dans cette région et son groupe à la Chambre des députés a été à l'origine d'une nouvelle surenchère. Le 14 juin, le député Moqri'e Abouzaïd affirmait, en séance plénière, que «la position du gouvernement marocain ne se démarquait pas des autres régimes arabes» (on passe du gouvernement au régime !) pour terminer sur un appel à «arrêter toutes les formes de normalisation avec l'ennemi sioniste». Les députés du PJD reviendront assez souvent à la charge pour demander au gouvernement marocain ce qu'il "comptait faire" pour les Palestiniens et les Libanais; ce qui ressemble à un véritable harcèlement vu les mesures prises par le Maroc sur hautes directives du chef de l'Etat. Pour mieux "enfoncer" le gouvernement, le PJD s'est demandé pourquoi ce dernier ne s'est pas encore décidé à recevoir les leaders du Hamas, renouvelant, encore une fois, ses accusations contre l'exécutif qu'il soupçonne de travailler, de concert avec les ennemis, pour "isoler" les amis d'Ismaïl Haniyeh. Toutes les manifestations qui ont été organisées ont donc tourné au procès d'intention contre les régimes arabes dont le marocain. La marche de Casablanca, malgré toutes les promesses et les mots d'ordre préalablement définis, n'a pas échappé à la règle. Les organisateurs voulaient une marche unie ce 6 août 2006 à Casablanca. Ils se sont retrouvés face à plusieurs manifestations dans la manifestation. Le PJD a cartonné, mais a été débordé par Al Adl Wal Ihssane avec ses traditionnelles processions où les « militantes » défilent séparément, mais encadrées par leurs "frères". Le lendemain, «Attajdid», publication officieuse du PJD, tirait à boulets rouges sur le gouvernement qui n'a pas été de la partie alors que le "peuple a répondu massivement". La veille de cette marche, le MUR avait inondé Casablanca, Kénitra et Rabat de ses propres tracts appelant à manifester et ce contrairement aux accords passés avec Khalid Soufiani et ses amis du Comité de soutien du peuple palestinien qui leur faisaient obligation de ne pas faire cavalier seul. Le "combat" du PJD, dont le secrétaire général a appelé au Jihad lors de l'ouverture du conseil national extraordinaire de son parti (24 juillet dernier), allait continuer par la voie de sa presse qui tirait à boulets rouges sur toutes les voix "discordantes". Les médias qui osaient formuler des opinions différentes, modérées ou équilibrées (ALM, 2M et Al Ahdath, par exemple) sont ainsi cloués au pilori, les juifs marocains priés de "rentrer chez eux" et, évidemment, les positions «molles» du gouvernement pointées du doigt. Pour Samir Aboulkacem, chercheur sur les mouvements islamistes, ce fut là une autre manifestation du discours simpliste de ces mouvements qui jouent sur la fibre religieuse et identitaire du peuple marocain. Mais aussi une occasion pour les uns de préparer 2007 et, pour les autres, de montrer qu'ils sont toujours capables de mobiliser. Quitte à déboucher sur un "constat" des plus surréalistes : Hassan Nasrallah élevé au rang de héros de la Oumma à Rabat et Ahfir et le gouvernement marocain relégué au rang de "traître". C'est l'image que l'on retient des gesticulations des islamistes au cours de ces dernières semaines et ce même après que Mohamed Benaissa ait répondu à l'invitation des députés pour venir traiter des positions du Maroc devant la commission des affaires étrangères à la Chambre des représentants, mercredi 16 août 2006. Parallèlement, les festivals d'été, bête noire des islamistes, continuaient à faire l'objet de sévères critiques. Le ton usité est visiblement plus véhément que l'année dernière. Pour Al Adl Wal Ihssane, la situation au Proche-Orient fut un excellent exutoire. Les "journées portes-ouvertes" et les veillées nocturnes de la Jamaâ ont donc été, momentanément, mises de côté pour s'y consacrer. Israël a causé le malheur des peuple libanais et palestinien. Il a aussi fait, paradoxalement, le bonheur des islamistes marocains.