L'affaire a fait beaucoup de bruit ces derniers jours en Allemagne. Des journalistes ont été surveillés pendant plusieurs années par les services secrets allemands. Une fois n'est pas coutume. Déjà au centre d'une enquête parlementaire sur son rôle controversé pendant la guerre d'Irak, le BND (le service de renseignements allemands) se retrouve une fois de plus sous le feu des critiques. C'est le "Süddeutsche Zeitung" qui a relancé la polémique sur les «James Bond» allemands. En s'appuyant sur un rapport secret, le quotidien a révélé, il y a quelques jours, que des journalistes ont été rétribués par le BND pour espionner certains de leurs collègues. Les services secrets allemands censés opérer uniquement à l'étranger, auraient surveillé des journalistes pendant plusieurs années pour tenter d'élucider des fuites dans ses propres rangs. Un scandale de taille puisque l'auteur du rapport de 170 pages est l'ancien premier magistrat de la Cour fédérale suprême. La publication du document secret, remis mercredi dernier à l'organe de contrôle du Bundestag par Gerhard Schäfer, intervient à un moment où le BND s'apprêtait à célébrer son cinquantième anniversaire. Au lieu d'un gâteau d'anniversaire, le BND a eu donc droit à une bombe jugée suffisamment sérieuse par le gouvernement pour que son porte-parole explique que la coalition d'Angela Merkel a l'intention de «sévir» si les accusations devaient se confirmer. Plusieurs personnalités du monde politique et journalistique allemand ont déjà qualifié ces méthodes dignes de la Stasi (service de sécurité de l'ex-RDA). L'affaire, qui fait grand bruit en Allemagne - au point d'avoir suscité une mise au point officielle du gouvernement, qui a interdit au BND de recourir à l'avenir à de telles pratiques - a pris une nouvelle ampleur mardi avec des révélations du quotidien "Berliner Zeitung" selon lesquelles certains journalistes avaient fait l'objet d'écoutes téléphoniques. Selon le journal, même le puissant magazine "Der Spiegel" aurait été visé. Citant de manière anonyme un fonctionnaire du service secret, le quotidien raconte que la ligne téléphonique privée d'un journaliste pouvait être placée sous surveillance lorsque ce dernier enquêtait sur le BND. Selon cette source, le service aurait eu recours à ce type de procédés jusque dans «un passé très récent». Le BND détiendrait ainsi des clichés de Stefan Aust, rédacteur en chef du magazine "Der Spiegel", dans sa résidence secondaire. Plusieurs rédactions, dont les journalistes ont été espionnés, ont annoncé vouloir porter l'affaire en justice. Les magazines "Focus", "Stern" et "Spiegel" exigent l'accès aux documents les concernant avant d'engager une procédure judiciaire. Le BND se retrouve ainsi dans le collimateur. Non pas uniquement parce qu'il aurait enfreint la loi en opérant sur le sol allemand, mais plus grave encore, il aurait foulé aux pieds de la liberté de la presse. Une violation de la liberté de la presse comme l'a qualifié Thomas Steg, le porte-parole du gouvernement allemand. Une affaire qui doit se régler devant la commission parlementaire sur les services de renseignements. BND : une agence louche Avant les révélations du Süddeutsche Zeitung, les services de renseignements allemands faisaient déjà la une des journaux. Une enquête a été en effet ouverte sur le rôle de plus en plus controversé du BND pendant la guerre d'Irak. Le BND est suspecté d'avoir transmis des informations aux Etats-Unis sur les forces armées du régime de Saddam Hussein et ce, malgré les déclarations du gouvernement de l'époque. Un gouvernement qui avait pris position contre l'invasion américaine de l'Irak.