L'américain AIG Africain Infrastructure Fund a injecté 100 millions de dirhams dans le capital de Charaf, numéro deux des engrais au Maroc. Une opération plutôt rare dans la conjoncture actuelle. Il y a deux ans déjà, Charaf avait été la première entreprise marocaine non financière à émettre des billets de trésorerie dans le cadre d'une opération portant sur 50 millions de dirhams. Aujourd'hui, elle s'allie avec un investisseur de référence avec le Fonds institutionnel américain AIG Africain Infrastructure Fund LLC, au capital de 168 milliards de dollars avec, dans le tour de table, des noms prestigieux comme la Société Financière Internationale (filiale de la banque mondiale), la Banque africaine de développement, la Banque européenne d'investissement et la proparco (filiale de l'Agence française de Développement). L'investissement porte sur 100 millions de dirhams. Par cette injection, le fonds américain prend du coup le contrôle de 36,6% du capital de Charaf par le biais d'une augmentation de capital qui lui est entièrement réservé. Environ 144 000 actions au nominal de 100 dirhams ont été émises à l'occasion, avec une prime d'émission de 594,44 dirhams. Ce qui valorise la société à 275 millions de dirhams. L'opération est menée bout à bout avec le conseil de la banque d'affaires Financia, fondé en 2001 et spécialiste dans les fusions acquisitions, les émissions sur les marchés de capitaux et les placements privés. Vu la conjoncture, peu favorable à de tels investissements, l'opération AIG-Charaf a été très suivie par les milieux d'affaires casablancais. Pour Amine Kandil, directeur général, la confiance des investisseurs en Charaf s'explique par le choix de la transparence. « Les exigences de notre nouveau partenaire sont élevées, à la fois en termes de transparence financière, mais aussi d'éthique ». Avec 100 millions d'argent frais, la jeune société, qui revendique aujourd'hui le rang de numéro deux du marché marocain des engrais, derrière Fertima, a désormais les moyens de ses ambitions. L'opération permettra d'abord à l'entreprise de se désendetter jusqu'à hauteur de 45 millions de dirhams. Le reste, soit 55 millions de dirhams, ira à son programme d'investissements. Charaf compte en effet ouvrir quatre nouveaux sites régionaux de stockage et renforcer ses capacités techniques à Jorf Lasfar, Kénitra, Agadir et Nador. «Notre potentiel de développement est faible», explique M. Kandil, les yeux rivés sur les indicateurs de consommation d'engrais au Maroc. L'année dernière, 954 000 tonnes ont été commercialisées, ce qui ne représente que le tiers des besoins réels du pays. « Nous devons développer le marché et produire des engrais plus adaptés à nos régions », poursuit-il. Pour rappel, depuis 2001, Charaf s'est lancé dans la production d'engrais, avec la mise en route d'une unité complète de production de mélanges d'une capacité de 100.000 tonnes par an. L'entreprise détient aujourd'hui plus de 20% des parts de marché du secteur des engrais et 30% des importations du secteur. Entre 1995 et 2002, son chiffres d'affaires est passé de 6 à 303 millions. Une évolution remarquable mais qui ne cache pas moins un désendettement réel. Mais, comme l'a rappelé le directeur général, Charaf a toujours compensé la faiblesse de ses capitaux propres par la transparence et la qualité de l'information financière. Cette ouverture du capital à un grand institutionnel étranger est de l'avis des milieux d'affaires le prélude d'une nouvelle étape dans le développement de Charaf. Fondatrice de l'entreprise, la famille Kadiri reste largement aux commandes dans le Conseil d'administration où siègeront désormais deux représentants de AIG Africain Infrastructure Fund LLC. La géographie du capital restera certainement stable un certain temps. Puisque pour le futur proche, M. Kadiri père, président de Charaf, exclut toute nouvelle opération d'entrée dans le capital. La porte reste ouverte, dit-il, au partenariat.