Un groupe de quatorze chômeurs qui menaçait de se suicider a été sauvé in extremis grâce à l'intervention des autorités locales à Rabat. La scène s'est passée dans le quartier Mellah de la capitale. "La fonction publique ou la mort". C'est le slogan brandi comme une menace par un groupe de jeunes diplômés chômeurs, lauréats du programme national de formation qualifiante L'affaire a failli déboucher sur un drame. Jeudi 2 mars 2006, dans le Mellah de Rabat, quatorze d'entre eux ont tenté de s'immoler par le feu. Sur instructions des autorités de la wilaya de Rabat, la police locale est parvenue in extremis à sauver ces malheureux candidats au suicide. À l'heure où nous écrivions ces lignes, douze d'entre ces jeunes qui ne voulaient pas entendre parler d'un autre travail que dans le secteur public étaient hospitalisés. L'histoire a commencé en mai 2001. Depuis cette date, les quatorze diplômés chômeurs qui faisaient partie d'un groupe de 206 personnes chôment en rêvant d'une carrière tranquille dans le secteur public. Dans la foulée, ils s'organisent en «Groupe national restant des licenciés lauréats du programme national de formation qualifiante». Mis sous pression, le ministère de l'Emploi cède en 2003 et signe un procès-verbal stipulant l'intégration des jeunes dans les secteur public et semi-public. Mais où caser ces jeunes, à un moment où le gouvernement a organisé l'opération des départs volontaires pour justement dégraisser une administration pléthorique ? Les mois passent. L'organisation se radicalise, puis menace de passer au suicide. Un communiqué datant du mois de février dernier officialise cette option. Dans ce texte, rédigé le 9 février 2006, les quatorze jeunes personnes réclament le travail dans «la fonction publique ou dans le semi-public », au nom d'une convention, disent-ils, signée début 2003 avec le gouvernement. Si aucune solution n'était trouvée dans les négociations avec les autorités, les diplômés chômeurs projetaient de «mourir ensemble en martyrs, le 2 mars 2006, en un lieu des plus sensibles de la capitale à Rabat». De leur côté, les autorités font de leur mieux. Le wali prend le dossier en main, reçoit les jeunes et leur propose des solutions pour sortir du désespoir. Mais à chacune de ces rencontres, la revendication est la même : «La fonction publique ou la mort», quand ce n'est pas «la justice ou la mort ». Cette dernière expression est le titre de l'un des derniers communiqués du groupe. Trois jours avant la fin de l'ultimatum, le wali propose aux candidats au suicide de travailler dans le futur projet Bouregreg, lequel devrait créer 5000 emplois. Refus catégorique du groupe des 14, qui n'aspire qu'à une chose : «la fonction publique ». Autre proposition du wali émise la veille de la tentative du suicide: gérer le centre d'appels des petits taxis de Rabat. Nouveau refus et nouvelle menace de suicide. Après des propositions concrètes et matérielles, l'autorité locale use des arguments religieux. L'Islam condamne formellement le suicide. Mais c'était compter sans le désespoir des candidats. Les parents, sollicités pour la plupart, ne pourront rien faire pour sortir ces jeunes de leur logique suicidaire. Et finalement, le jeudi, 2 mars 2006, n'eut été la célérité de l'intervention de la police et de la Protection civile, ces douze lauréats, sauvés alors qu'ils étaient tous aspergés d'essence, étaient décidés à mettre fin à leurs jours.