Des malvoyants chômeurs ont tenté de se suicider, mercredi 31 janvier, à Rabat. La tentative a été avortée par les autorités locales, mais ils menacent de recommencer. Un emploi ou le suicide. Après la tentative de six chômeurs du « groupe des détenteurs des lettres royales » de se brûler vifs, en décembre 2005, une seconde tentative du même genre a été évitée de justesse. Mercredi matin, sur la place de Mellilia à Rabat, une centaine de malvoyants diplômés chômeurs ont été interceptés par les autorités de la ville, alors qu'ils comptaient se donner la mort. «Nous avons pris la décision de nous suicider devant le Conseil consultatif des droits de l'Homme, mais les agents de la police nous ont interceptés et nous ont encerclés de tous les côtés», raconte Abderrahman Arban, porte-parole de ce groupe de malvoyants diplômés chômeurs. Les protestataires ont été transférés vers un autre endroit pour éviter le pire. Ce collectif menaçait de s'immoler par le feu et d'ingurgiter des produits toxiques pour se donner la mort en plein public. Ils avaient en leur possession huit bouteilles de produits inflammables et quatre boîtes des produits toxiques. «Treize des protestataires, dont trois dans un état grave, ont ingurgité le poison et ont été transférés à l'hôpital», déclare leur porte-parole. Les treize suicidaires en question ont déjà quitté l'hôpital. Selon les autorités locales, il ne s'agissait pas d'empoisonnement, mais d'un état de fatigue dont ils souffraient. Les autorités affirment même que les analyses effectuées sur le sang de ces treize personnes n'ont révélé aucune trace de ces produits toxiques. On a évité un véritable drame qui aurait fait de nombreuses victimes. Ce groupe de malvoyants compte près de 180 personnes en quête d'un poste de travail dans la fonction publique. «Le gouvernement offre des postes aux autres diplômés chômeurs et pas à nous ! Nous n'avions plus qu'à nous suicider», précise M. Arban. Difficile de légitimer un acte pareil, mais «devenir un martyr» s'apparente au dernier recours pour ces hommes et ces femmes qui errent dans les rues et squattent les artères de la capitale pour crier leur peine. Devant le Parlement, les ministères et sur les places les plus populaires, ces chômeurs scandent leur droit au travail tel que le prévoit la Constitution. «Notre tentative de suicide, même si elle n'a pas eu lieu, est une responsabilité que doit assumer le gouvernement», insistent ces chômeurs malvoyants dans un communiqué. Et de réclamer de nouveau le règlement de leur situation par leur intégration dans les différents cycles de la fonction publique. «Cela fait plus de sept ans que plusieurs d'entre nous font des sit-in à travers des groupes dispersés. La situation est insupportable et nous sommes prêts à tenter de nous suicider de nouveau s'il le faut», affirme le porte-parole de ce groupe. Avec une boîte pour récolter des fonds et des pancartes pour exprimer la révolte, ces chômeurs n'attendent plus que le jour où la délivrance arrivera. Les prémices d'une solution La secrétaire d'Etat chargée de la Famille, de la Solidarité et de l'Action sociale, Yasmina Baddou, s'engage à régler le problème de l'emploi des malvoyants avant la fin de son mandat. A l'issue du Conseil de gouvernement tenu, jeudi 1er février à Rabat, Mme Baddou a déclaré à ALM que son département vient d'élaborer un projet entièrement consacré à l'intégration des personnes malvoyantes à l'emploi. «Ce type de handicap est particulièrement difficile et nous devions absolument trouver une stratégie d'intégration adaptée», affirme-t-elle en précisant que le gouvernement a amorcé la réflexion à ce sujet afin qu'il y ait une concrétisation du projet. Nous ne saurons rien du contenu de ce dernier, puisqu'il est soumis à la discussion au sein du gouvernement. Mais Mme Baddou tient à préciser qu'il implique l'ensemble des départements concernés, ainsi que le secteur privé. Une solution transversale qui devrait dans les quelques semaines à venir faire l'objet de réunion avec les personnes intéressées. «J'ai toujours été à l'écoute des personnes handicapées, il fallait juste trouver une bonne solution», insiste la secrétaire d'Etat. Une bonne nouvelle pour les chômeurs diplômés malvoyants.