Le décès, vendredi 3 février, d'un nouveau-né à la polyclinique de la CNSS de Sidi Bernoussi remet sur le tapis le déficit en couveuses. Vendredi 3 février 2006. Majdouline Rabbah, installée en France, reçoit un coup de fil du Maroc. Son oncle vient de lui annoncer une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle concerne la venue au monde de son petit cousin Ahmed. La mauvaise, son décès deux heures après sa naissance. Nous sommes à la polyclinique de la CNSS Sidi Bernoussi, à Casablanca. Le bébé a du mal à respirer. Il a besoin d'une couveuse pour rester en vie. Confus, le médecin gynécologue annonce aux parents que la clinique ne dispose pas de couveuse de réanimation post-natale. Il leur conseille alors d'emmener leur bébé dans une autre clinique équipée en couveuses. « J'ai toujours su que mon bébé avait quelques difficultés respiratoires. Le gynécologue m'en avait parlé, mais je ne savais pas que la situation pouvait s'aggraver à ce point. J'ignorai que mon bébé aurait besoin d'une couveuse», nous confie, toujours sous le choc, la maman du bébé.Terrifié face à cette situation, le père garde son sang-froid, enveloppe son bébé dans deux couvertures et sans perdre de temps, l'emmène ailleurs. « Mon mari n'avait pas le choix. Après l'incident de la polyclinique CNSS, il était obligé de le transporter ailleurs. Il l'a tout de suite emmené dans une autre clinique. On nous a dit qu'elle dispose d'un grand service des Urgences. Mais mon bébé avait beaucoup de difficulté pour respirer. Il n'a pas pu supporter le trajet. Il est mort juste à notre arrivée aux Urgences», raconte la maman. Contactée par ALM, la direction de la polyclinique mise en cause n'a pu se prononcer sur cette affaire, le directeur étant en vacances. Mais une source ayant requis l'anonymat met en exergue la responsabilité de la famille. «Sachant que le bébé à naître présentait des complications respiratoires, la maman n'aurait pas dû choisir pour accoucher la polyclinique de Sidi Bernoussi mais devait se diriger plutôt vers la polyclinique de la CNSS situé à Hay Hassani. Cette dernière, spécialisée ‘'Mère et enfant'' est beaucoup plus apte de fournir les soins préliminaires et adéquats en cas de complications post-natales». Mais la famille endeuillée ne voit pas le problème sous cet angle. Pour le moment, les parents racontent leur mésaventure médicale. La mère ajoute, émue : “Pour récupérer notre bébé de la deuxième clinique, c'est la croix et la bannière”. Il fallait payer à la direction de la clinique la somme de 7000,00 DH. Il faut toujours avoir de l'argent sur soi quand on met les pieds dans n'importe quelle clinique privée. Si on n'en a pas, c'est même pas la peine de se déplacer. «Une maman qui était à la même polyclinique de la CNSS que moi, a également vécu cette situation. Son bébé avait besoin d'être transféré aux services de la réanimation. La clinique privée où il a été transporté n'a pas voulu s'occuper du nouveau-né. Il fallait avant tout lui payer la somme de 100 000,00 DH », témoigne la maman. Malheureusement, ce genre de cas n'est pas isolé au Maroc. Casablanca : 18 lits pour bébés prématurés Incroyable mais vrai. Casablanca dispose d'un seul service de néonatalogie avec uniquement 18 lits. Ce service est l'unique structure publique, soi-disant, équipée pour accueillir les bébés prématurés. En d'autres termes, les parents qui n'ont pas les moyens de se payer une clinique privée se trouvent dans l'obligation de se partager ces 18 places. Ce qui est insensé pour la plus grande ville du Royaume. Ce manque d'infrastructure cause tous les jours des drames. La prématurité est la deuxième cause de mortalité chez les nouveau-nés au Maroc. Une étude réalisée en 2005 par le service de néonatalogie à l'hôpital d'enfants à Rabat, a relevé des données très lourdes à porter. Il est rapporté que 40 % des prématurés hospitalisés au service proviennent de la maternité Souissi de Rabat, 40 % des centres hospitaliers provinciaux, 16 % des maisons d'accouchement et 4 % naissent à domicile. Parmi les nouveau-nés provenant d'autres structures que la maternité Souissi de Rabat, 66 % des transferts n'ont pas été médicalisés. Ce qui explique les 40 % de décès au sein de cette population.