La consommation des comprimés psychotropes prend une ampleur ahurissante. La rue «Boutouil», dans l'ancienne Médina de Casablanca, est l'un des points noirs de ce marché, selon El Aâssi Abdelkabir, coordinateur d'un collectif d'associations luttant contre la consommation des psychotropes. ALM : Vous avez entrepris récemment auprès de la jeunesse marocaine une caravane de sensibilisation et de lutte contre les psychotropes. Quelles sont les villes dans lesquelles la consommation de ces produits est très élevée ? El Aâssi Abdelkabir : Les jeunes Marocains sont de plus en plus nombreux à consommer les comprimés psychotropes, la drogue et le kif. C'est un phénomène qui n'est pas récent. Il date depuis très longtemps. Toutefois il a pris ces dernières années une ampleur ahurissante. A Casablanca, Oujda, Meknès, entre autres, sévit ce phénomène. Dans la grande métropole, à titre d'exemple, les endroits les plus connus où la vente de ces comprimés fait des ravages sont la ruelle “Boutouil” à l'ancienne Médina, le quartier Cuba, Hay Moulay Rachid, Hay Mohammadi Aïn Sebaâ, Derb Kabir, Derb Soltane. Et la liste est longue... Dans ces endroits, on appelle ces comprimés "Boula Hamra" ou "Taâbiâ". Il faut noter que la cause principale des crimes est les comprimés psychotropes. Après avoir avalé quelques-uns, le jeune n'est plus maître de lui-même. Il peut commettre des meurtres et des agressions même contre les personnes les plus proches de lui. Car il n'est pas conscient. Le plus souvent, il balafre son corps avec un instrument tranchant comme le couteau. Quelle est, selon vous, la tranche d'âge des personnes accros aux comprimés psychotropes ? Ce sont des jeunes âgés entre 14 et 30 ans. Ce sont tous des personnes issues de familles démunies. Les comprimés psychotropes sont la drogue des pauvres. Un comprimé ne coûte que 3 dirhams. Un paquet de 10 comprimés est vendu de 25 à 30 dirhams. D'où proviennent ces comprimés psychotropes ? Ils proviennent de Maghnia en Algérie, puis ils transitent vers la ville d'Oujda. Les dealers ou les personnes accros à ces produits viennent au souk des médicaments nommé "Fellah" pour s'en approvisionner. Comment est née l'idée d'entreprendre votre caravane de sensibilisation ? Il convient de souligner que cette opération est la première du genre au niveau national. C'est la première campagne de sensibilisation et d'éducation des jeunes au Maroc sur les conséquences néfastes des comprimés psychotropes. L'idée a émergé un jour alors que nous étions en train de déjeuner au marché "Jamâa" à Derb Soltane à Casablanca. Un moment après, nous avons remarqué un jeune adolescent âgé de 15 à 16 ans en train de vendre des briquets et des paquets de mouchoirs en papier. Il était agressif envers les passants. Il était clair qu'il était sous l'effet des comprimés psychotropes. Nous avons remarqué également que son frère, à quelques pas de lui, le surveillait. Il avait peur pour lui. Il craignait qu'il se bagarre avec quelqu'un ou se fasse du mal. Nous avons discuté avec son frère un petit moment. Il nous a affirmé qu'il était studieux et apprécié de tous. Ce sont ses amis qui l'ont encouragé à en prendre. Puis, il est devenu dans cet état lamentable. À ce moment-là de désolation et de déception, nous avons décidé de mener cette opération. La réflexion a mûri au fil des jours. Plusieurs associations ont adhéré à notre projet. Outre l'association "Adel Al Wref", l'Heure joyeuse, Nadi Najm Ariadi, association "Wahda" et "Azhar". Nous avons commencé notre campagne le 28 novembre 2005. Ce jour-là, en compagnie de médecins spécialistes, nous avons rendu visite au Centre de réforme de la prison Oukacha. Puis, nous avons ciblé les lycées. Après Casablanca, El Hajeb, quelles sont les prochaines étapes de votre caravane ? Notre caravane atterrira prochainement à Marrakech. Ensuite, nous sillonnerons Rabat, Fès, El Jadida, Essaouira, Agadir puis finalement Oujda. La campagne de sensibilisation se poursuivra jusqu'au mois de juin 2006. Des pièces de théâtre, des conférences, des films documentaires, des tournois sportifs, des concerts de musique seront organisés dans les complexes et espaces publics.