Un collectif de cinq associations casablancaises mène actuellement une campagne de sensibilisation contre les psychotropes. Il a dévoilé les points noirs de la métropole, là où la vente et la consommation font des ravages auprès des jeunes. Au palmarès des villes où l'on consomme le plus les psychotropes, Casablanca arrive en tête du peloton. Le marché de gros de ces substances nocives est installé dans la célèbre rue «Boutouil», à l'ancienne Médina. Et c'est de là que les détaillants viennent faire leurs emplettes pour arroser les autres quartiers de la métropole. C‘est ce qui ressort en substance du bilan de la campagne de sensibilisation menée par un collectif d'associations casablancaises. Avec comme slogan «Non aux psychotropes», ce collectif est allé là où l'événement se passe. Une carte des endroits noirs de Casablanca a été ainsi dressée d'une manière minutieuse. «Nous nous sommes déplacés dans les zones où il y a une forte consommation des psychotropes. Et ce sont surtout ceux qui sont issus des milieux défavorisés qui en prennent le plus», annonce Abdelkabir El Aâssi, coordonnateur de ce collectif. À Casablanca, le marché des psychotropes fait florès à Moulay Rachid, au quartier des «Maâguise» de Bernoussi, à la rue du «Caire» à Derb Soltane, à Derb Ghalef, à Derb El-Kabir ainsi que dans les bidonvilles de Hay Mohammadi et d'Aïn Sbâa. Les points noirs de la ville blanche existent également dans les lycées et les collèges. «En fait, les psychotropes font des ravages aux lycées suivants :Walada, Moulay Abdellah et Mostapha El-Maâni. Le lycée Okbâa Bnou Nafiî quant à lui est une vraie catastrophe !», note Abdelkabir El Aâssi. Le bastion des dealers des psychotropes reste sans conteste la rue «Boutouil» de l'ancienne Médina de la métropole. Mais, ce collectif d'associations n'a pas osé mettre les pieds dans cette forteresse, craignant des représailles ou autres attaques frontales. Une sorte de citadelle, protégée par les murailles de la Médina, et assiégée par des dealers puissants qui animent un commerce juteux. «Au complexe culturel d'Aïn Sbâa, le vendredi 29 janvier dernier, nous avons été surpris par une offensive d'une trentaine de personnes. Notre action de lutte contre la consommation de ces dangereuses substances a été accompagnée par des jets de pierres. Il a fallu l'intervention des forces de l'ordre pour maîtriser la situation», raconte Rédouane Bedri de l'association «Adel Al Waref», membre de ce collectif de cinq associations. En plus de «Adel Al Waref», ce collectif est composé de l'Heure joyeuse, de «Nadi Najm Ariadi», de «El-Wahda» et «Al-Azhar». La caravane de ce collectif a sillonné les quartiers sensibles de Casablanca, sans oublier de faire une halte au centre de détention pour mineurs de Oukacha. Le passage dans ce centre était l'un des moments forts de cette opération. Une amère réalité y a été ainsi dévoilée. «Près de 80 % des mineurs sont à Oukacha pour des crimes liées à la consommation des psychotropes», affirme Rédouane Bedri. C'est dire l'ampleur de la catastrophe causée par la pilule des pauvres. «karkoubi», «bola hamra», «habba» , «fanid», les appellations divergent mais désignent tous les psychotropes. Pour les plus intimes, on les appelle désormais des «recharges» (Taâbiâ), appellation empruntée au jargon téléphonique. Dans le marché de ces substances dangereuses pour la santé, les prix ne cessent de grimper. Le prix du paquet de 10 comprimés avoisine actuellement les 30 dirhams alors qu'il n'était, il y a quelques années, qu'à 10 dirhams. Cette campagne de sensibilisation, en plus de récentes descentes policières, ont contribué à la hausse des prix. Chassée et pourchassée, la pilule des pauvres n'a pas perdu ses clients. Si les statistiques sur le nombre des consommateurs ne sont toujours pas disponibles les villes les plus touchées sont par contre connues. C'est ainsi que la caravane de ce collectif se dirigera vers Fès, Marrakech, Essaouira, Agadir, Rabat et Oujda. «À travers cette campagne de sensibilisation contre les dangers des psychotropes, nous voulons préserver l'avenir de nos jeunes. Il ne faut ménager aucun effort pour sauver ces jeunes qui sont en fait des pauvres. Pour avoir leur dose, ils sont prêts à tout commettre : vols, meurtres, viols... Après ces villes-là, la caravane terminera sa tournée à Oujda où il y a tout un réseau qui ramène les psychotropes d'Algérie au Maroc », lance Abdelmajid Kadiri de l'association « Al-Azhar ». Dans la capitale de l'Oriental, les membres de ce collectif d'association se préparent pour une manifestation spéciale dans l'espoir de tenter d'éradiquer le problème à la source.