Si, aujourd'hui, le Maroc compte plus de 66 mille petites filles non-scolarisées et illégalement employées comme des bonnes, cela signifie que tout ce qui a été réalisé en matière d'amélioration de la condition de la femme marocaine et de la réforme du Code de la famille ne serviront pratiquement à rien. Le Maroc serait le pays qui emploie le plus d'enfants dans le monde arabe. Il serait aussi le pays où il y a le plus grand nombre d'enfants travailleurs non scolarisés en dehors de l'Afrique subsaharienne. Ces deux données sont mises en relief dans le rapport qui vient d'être rendu public par l'association américaine de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW). Selon ce rapport, il y aurait, au Maroc, quelque 600.000 enfants travailleurs dont 66.000 petites bonnes. Des chiffres qui sont – il faut le reconnaître – énormément inquiétants et qui doivent donner lieu à une réflexion sérieuse sur une situation qui ne correspond nullement aux aspirations du Royaume dans le domaine de la politique sociale. En fait, si, il y a quelques années, ce genre de chiffres pouvaient passer inaperçus, aujourd'hui, il est impossible de les passer sous silence. Car, avant, lorsque des organisations internationales publiaient des statistiques du genre, notamment ceux qui reflètent des carences en matière de développement social, la réaction officielle s'articulait autour de deux éléments : d'abord, mettre en doute la fiabilité des chiffres avancés et ensuite on rassurait l'opinion publique quant à la volonté du gouvernement d'agir dans le sens de la recherche d'une solution au problème. Si, problème il y a, évidemment. Cette stratégie de travestissement de la réalité s'expliquait par une chose très simple : la situation sociale ne figurait pas en tête des préoccupations des décideurs politiques pour des raisons conjoncturelles que nul n'ignore. Mais, aujourd'hui, la situation a changé. Et la volonté affichée au sommet de l'Etat de faire de l'amélioration des conditions de vie des citoyens la première des priorités du gouvernement et des acteurs socio-économiques rend toute tergiversation dans la mise en œuvre d'une politique de lutte contre des phénomènes comme l'emploi des enfants, la maltraitance de petites bonnes ou leur non-scolarisation un crime contre la société marocaine. Si, aujourd'hui, le Maroc compte plus de 66 mille petites filles non-scolarisées et illégalement employées comme des bonnes, cela signifie que tout ce qui a été réalisé en matière d'amélioration de la condition de la femme marocaine et de la réforme du Code de la famille ne serviront pratiquement à rien. Continuer à produire de l'injustice et de l'analphabétisme, c'est arrêter le chantier de ce grand projet d'un Maroc moderne et prospère. Des études comme celle que vient de produire l'ONG américaine HRW devraient être considérées comme des alertes qui attirent l'attention de tous sur d'éventuelles erreurs dans le parcours que le Royaume s'est tracé pour parvenir à réaliser son projet social.