Le Maroc dispose d'un excellent savoir-faire dans la production d'agar-agar, selon une récente analyse de la BAD intitulée «Le potentiel de l'aquaculture verte en Afrique : Etat des lieux et perspective de l'algoculture». Ce document explique que la qualité des produits marocains est considérée comme la meilleure sur le marché de l'UE (EUMOFA, 2021). Cette étude met en exergue les opportunités de développement de l'algoculture en Afrique tout en décryptant l'évolution de cette culture par rapport aux autres continents. Une filière au potentiel grandissant Il faut dire que la production globale des algues dans le monde connaît une croissance fulgurante s'élevant à 35,7 millions de tonnes en 2019 (selon les données 2021 de FAO Fishstat), ce qui représente 13,5 milliards de dollars dont 97% provient de l'aquaculture. Elle a connu donc une hausse de 11 millions de tonnes depuis 2001. Les producteurs d'algues sauvages sont répartis sur tous les continents, mais il existe des cas de surexploitation. En revanche, le nombre de pays producteurs d'aquaculture reste très faible, avec plus de 97% de la production mondiale provenant de cinq pays asiatiques. Avec seulement 200.000 tonnes produites annuellement par quatre pays (Tanzanie, Maroc, Afrique du Sud et Madagascar), l'Afrique ne représente que 0,5% de la production. Ainsi, la production du Maroc et de l'Afrique du Sud provient principalement de la récolte sauvage d'algues rouges et brunes tandis que la production de la Tanzanie et Madagascar provient principalement de la culture d'algues rouges à partir de souches importées d'Indonésie ou des Philippines. A titre de rappel, la production nationale des algues au Maroc est passée de 19,071 tonnes à 22.219 tonnes en 2020, selon le ministère de l'agriculture. En valeur, la culture des algues a généré 83,385 millions de dirhams en 2020 contre 66,131 MDH en 2015. Usages et opportunités à saisir Comme les algues ne font pas partie du régime alimentaire des populations côtières en Afrique, le lien avec leur rôle pour assurer la sécurité alimentaire n'est pas directement établi. Cependant, presque toutes les algues comestibles contiennent des éléments nutritionnels importants, dont plusieurs minéraux essentiels pour le développement de l'enfant et la santé des femmes enceintes et allaitantes. Par ailleurs, les algues contiennent des composés bio-actifs qui offrent d'énormes potentiels pour les industries pharmaceutique, textile et chimique. Dans le même sens, la production de carraghénanes à partir d'algues rouges et d'alginates à partir d'algues vertes ou algues brunes existe déjà à moyenne échelle sur le continent, notamment en Tunisie et au Maroc, et pourrait contribuer au développement de l'industrie agroalimentaire au niveau régional. Plus encore, l'agar-agar est la principale alternative naturelle à la gélatine animale et est utilisé pour la culture cellulaire in vitro dans les laboratoires médicaux. Sur le volet social, la culture des algues en Afrique permettrait de créer des emplois verts et assurer des moyens de subsistance alternatifs pour des dizaines de milliers de femmes dans les communautés dépendantes de la pêche, ainsi que des milliers d'emplois qualifiés dans les chaînes de valeur de divers secteurs tant au niveau industriel qu'au niveau artisanal. Vers un système d'élevage mieux intégré L'intégration des algues dans les systèmes d'élevage d'autres organismes aquatiques est aujourd'hui reconnue mondialement pour ses bienfaits, tout comme l'agroforesterie. Un tel système d'aquaculture multitrophique intégré (AMTI), où les algues cultivées servent à la fois d'habitat et de nourriture pour les animaux marins, est déjà largement pratiqué dans certains pays, notamment pour l'élevage d'ormeaux, et sont en cours de développement dans la pisciculture en Méditerranée et dans le co-élevage de poissons, concombres de mer et algues en Tanzanie. Selon ce document de la BAD, plusieurs études confirment que l'intégration d'algues dans les fermes piscicoles augmente la productivité tout en améliorant la qualité de l'eau. Elle permet aussi de réduire les risques sanitaires et la dépendance aux intrants alimentaires, ainsi que la minimisation des risques économiques de la monoculture.