Grand El Jadida Les ressources algales constituent un atout majeur pour la province d'El Jadida qui reste la zone d'exploitation la plus importante à l'échelle nationale. Elle concentre plus de 80% de la production nationale. Entre le 1er juillet et le 30 septembre, des milliers de nos concitoyens se transforment en pêcheurs, plongeurs ou ramasseurs de ces trésors rouges. Avec des barques, transportant quatre personnes, les ramasseurs peuvent cueillir jusqu'à deux tonnes par jour. Leur permettant un gain de près de 1.000 dirhams quotidiennement. Ceci explique la grande popularité de cette activité durant l'été.Le Maroc exporte 40% de sa récolte, le reste de la collecte étant transformé directement chez nous à la Setexam. Cette usine installée à Kénitra depuis 55 ans est la seule qui tourne encore. Les quantités débarquées, composées essentiellement d'algues rouges, dépassent, selon les chiffres officiels, les 8.000 tonnes sèches par an, alors que normalement ces quantités ne doivent pas dépasser les 5.000 tonnes durant la même période. La réalité de ce secteur, d'après certains professionnels, est, en effet, toute autre : il faut multiplier par deux le chiffre avancé. Découverte des algues rouges Le premier à avoir constaté ce gisement de cet «or rouge» est un juif du nom de Karrara. C'était en 1948. Mais, c'est un Français, Dali Grand, qui découvrit la valeur de cette «herbe» que rejetait la mer sur les rivages de la côte. De retour d'un séjour en Espagne en 1950, où il réalisa que les algues rouges valaient leur pesant d'or, il abandonna sa fabrique de conserve des sardines et des petits pois pour s'adonner à l'exploitation des algues. A cette époque, les ramasseurs, armés de paniers, attendaient les marées hautes pour glaner les touffes d'herbes que contenaient les vagues et sillonnaient, également, les rivages pour prendre celles rejetées par la mer. Quand c'est la marée basse, ils descendaient en pleine mer pour moissonner, à mains nues, les algues qu'ils mettaient dans des caisses en cordes ou dans des paniers en roseaux. C'est finalement en 1963 qu'une société italienne «Algenas- Maroc» introduisit un matériel moderne pour une collecte au large. Entre temps, le nombre des intermédiaires et des marchands clandestins augmentait sans cesse. Les plongeurs, équipés de chambres à air, s'acharnaient sur l'arrachage des algues. Eté comme hiver. L'exportation se faisait vers l'Asie et l'Europe à un prix très élevé. Les sociétés se multiplièrent alors et les bateaux d'exploitation, très nombreux, sillonnaient la côte d'Azemmour à Jorf Lasfar. Ainsi, et durant de longues années, le massacre était total et aveugle ! Des sociétés, malhonnêtes, n'hésitèrent pas à créer d'autres pour simuler une fausse concurrence alors qu'elles n'en formaient, en réalité, qu'une seule société ! La transformation de cette matière débuta à partir de 1980. La collecte des algues La région d'El Jadida, réputée pour ses 150 kilomètres de côtes très riches en algues, est submergée par une armada de plongeurs et de canotiers locaux et venant d'ailleurs durant les trois mois d'été où la récolte est autorisée légalement. Pendant cette période d'activité, un plongeur peut assurer un revenu de 3 à 4 millions de centimes. Cela dépend des prix des algues humides qui varient normalement entre 2 et 3 DH le kg. Les sèches atteignent facilement 8 DH le kg. Mais, c'est la catégorie des exportateurs qui en profite. La vente passe, également, par des intermédiaires, les coopératives (créées, pourtant, dans le but de préserver cette ressource précieuse), les unités industrielles de transformation et les sociétés d'exportation. Ainsi, on peut avoir une idée sur la surexploitation dont sont victimes les algues malgré l'existence d'une loi spéciale portant sur leur ramassage. Il est, certes, vrai que les autorités provinciales avaient mis sur pied une commission provinciale dans l'espoir de lutter contre l'exploitation illégale et abusive. Mais peine perdue puisque les anciennes pratiques sont toujours de mise. L'indisponibilité d'outils adéquats et appropriés, l'étendue des côtes et la malversation des uns et des autres des membres de la commission rendent très impossible tout contrôle rigoureux. Certaines sociétés d'exportation, gourmandes et avides du gain facile, participent, elles aussi, au massacre de cette richesse en encourageant les plongeurs à travailler hors de la période de collecte autorisée. Car, ce produit valorisé est vendu à prix d'or à l'extérieur. L'agar agar La côte d'El Jadida se caractérise par une forte remontée d'un courant marin glacé, passant par le Maroc, riche en minéraux, appelé «Up Welling» et qui fait la richesse florale de cette région, surtout en Geledium Sesquipédale, algue recherchée par les industriels de l'agar agar qu'on utilisait, principalement, il y a une trentaine d'années, comme épaississant des colorants des textiles. La gamme, très étendue, des possibilités de l'agar agar dans l'industrie alimentaire découle de ses caractéristiques particulières de gélification que l'on ne retrouve dans aucun autre colloïde végétal ou animal. L'agar-agar issu des algues est utilisé dans la pharmacologie, la biologie, la cosmétique et pour des produits de consommation. La variété d'algues extraites de la région constitue 70% de la production nationale. Mais la surexploitation menace l'espèce tout le long des 150 km du littoral de la province, depuis le sud de Sidi Rahal jusqu'à Oualidia au sud. Face aux moyens de contrôle limité, la majorité des populations riveraines, hommes, femmes et enfants, s'adonnent à la collecte de ces algues rouges. En été, des citadins, étudiants, fonctionnaires et des «vacanciers » d'autres villes deviennent chasseurs occasionnels du Gelidium pour se faire de l'argent. C'est en longeant la côte à partir de la ville vers Oualidia que l'on ne manquera pas de remarquer cette activité bien particulière à la région. Des pêcheries d'algues existent bien depuis Kénitra et jusqu'à Boujdour. Mais c'est sur le littoral de la province d'El Jadida où l'activité se pratique avec plus de frénésie. Face à cette anarchie sévissant, il fallait, donc, une solution pour ménager et préserver cette richesse. Seule l'élaboration d'un programme commun, défini par les différents intervenants dans le secteur, est à même de résoudre ce problème créé. Un programme que devraient respecter scrupuleusement toutes les parties en lice. Le plan Akhennouch tombe à point Un plan d'aménagement des algues marines avait été mis au point par la direction de la Pêche maritime et de l'aquaculture du ministère en 2010. Cette collecte avait été adoptée par le département de tutelle dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie renouvelée de développement et de compétitivité du secteur halieutique dite «Halieutis». Le plan a pour objectif la reconstitution du stock surexploité, l'organisation de l'activité, la préservation des emplois formels actuels et l'augmentation de la valorisation du produit. Les mesures proposées par le plan avaient été définies en concertation avec les acteurs publics et privés du secteur. Elles sont de trois catégories. D'une part, les mesures d'aménagement relatives à la détermination de quota de pêche par site en fonction du potentiel exploitable. Il s'agit aussi de définir le nombre d'unités de pêche par site et d'appliquer des repos biologiques par zone. Le deuxième point a trait à l'instauration d'un système de traçabilité permettant le suivi du produit tout le long de la chaîne de valeur. C'est-à-dire depuis le débarquement jusqu'à l'export. Le quota global à l'export est désormais plafonné à 6.040 tonnes autorisées dont 1.208 tonnes d'algues brutes et 805 autres d'algues transformées en agar-agar. Les dispositions juridiques relatives à l'élaboration d'arrêtés ministériels permettant de mettre en place un cadre réglementaire clair et strict définissant le cadre d'exploitation de la ressource représentent la troisième mesure. Ces mesures avaient donné leurs fruits puisque le stock des algues marines avait enregistré une nette augmentation de 30% à fin 2012, avec une amélioration de la biomasse qui est passée de 11.904 à 14.650 tonnes entre 2010 et 2012. Le plan adopté avait permis, donc, de maîtriser le circuit de la collecte et de la commercialisation des algues marines mais aussi de valoriser les produits destinés à l'export. En 2012, 60% des algues (Gélidium, gracilaire et gigartina) exportées sont valorisées au niveau national, alors que ce taux était inférieur à 55% avant l'application du plan d'aménagement. Le prix moyen pratiqué à l'export pour les algues brutes est passé de 12 à 35 dirhams le kg et de 192 à 220 DH/kg pour l'agar agar. Amélioration des conditions de travail des employés La pêcherie des algues maritimes demeure, cependant, un travail dangereux et exténuant. Les plongeurs allant gratter les rochers parfois jusqu'à 10 mètres de fond pour les plus téméraires. Un vrai travail de forçat. Parmi les autres priorités du ministère figure l'amélioration des conditions de travail des employés de la filière (marins pêcheurs d'algues). Il s'agit de la formation des marins pêcheurs aux techniques de collecte des algues tout e n les incitant à respecter les critères d'une pêche durable et responsable. Il est aussi question de les sensibiliser aux accidents de la plongée sous marine et aux moyens de prévention et aux techniques de la plongée (utilisation et entretien des du matériel et des compresseurs à air respirable à narguilé). Le département prévoit enfin l'équipement des barques par des compresseurs à air respirable, avant l'interdiction des compresseurs artisanaux non réglementés et à air non respirable. Il a été également procédé à l'équipement de l'antenne médicale du port d'El Jadida, par un caisson hyperbare qui permet aux marins victimes d'accidents de plongée de recevoir les premiers soins par oxygénothérapie.