Le président de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), qui se trouvait la semaine dernière en Algérie, explique pourquoi les militants associatifs algériens et les familles des disparus voteront non au référendum. Entretien. ALM : Est-ce que vous suivez de près le débat algérien au sujet du référendum sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale ? Abdelhamid Amine : Personnellement, j'ai suivi de près cette opération dans la mesure où l'Algérie veut régler un problème épineux, celui des violations graves dont ont été victimes plusieurs milliers de citoyens algériens. Justement, je me trouvais la semaine dernière en Algérie pour représenter l'Association marocaine des droits humains au deuxième congrès de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme. Bien évidemment, la question du référendum et de la charte pour la paix et la réconciliation nationale était à l'ordre du jour de cette rencontre. Les débats étaient passionnants et passionnés. A ce titre, je tiens à vous rappeler que les militants associatifs de défense des droits de l'Homme ainsi que les familles des disparus sont farouchement contre l'adoption de cette charte. Ils ne cessent de le rappeler à chaque occasion. Quels sont, justement, les arguments de ces adversaires de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en Algérie ? Ils estiment que cette initiative consacre l'impunité pour les coupables de violations graves, alors que l'Algérie compte des milliers de morts et de disparus. C'est pour cette raison qu'ils affirment qu'aucune amnistie ne doit être accordée aux bourreaux et aux criminels sans aucune espèce de procès et surtout sans que toute la vérité ne soit connue. C'est l'argument principal des défenseurs algériens des droits de l'Homme ainsi que des familles des victimes et disparus. Est-ce que ces adversaires de la Charte ont une idée de l'identité des coupables des violations graves en Algérie ? Bien sûr. Il y a en fait deux catégories de responsables. Les familles des disparus font valoir des témoignages directs et clairs qui attestent que les exactions et les violations des droits de l'homme ont été commises par des personnes appartenant aux forces de l'ordre, donc proches des milieux sécuritaires algériens. Voilà pour le premier groupe. Quant au deuxième groupe, il est composé de terroristes islamistes. Les familles des disparus et les militants associatifs exigent que la vérité éclate au grand jour. Quelles propositions avancent-ils pour atteindre cet objectif ? La principale proposition a trait à la création d'une commission nationale de la vérité. Elle doit être indépendante des pouvoirs publics. Cette commission aura pour mission de mener une enquête sur les violations des droits humains, de rédiger un rapport dans ce sens avec des recommandations précises sur la démarche à suivre pour réparer les préjudices. Comment cette commission sera-t-elle composée ? Ils ne sont pas arrivés à cette étape de la réflexion. En fait, ils ont avancé l'idée. Une fois qu'elle sera admise, il va falloir réfléchir et discuter les questions relatives à la composition de la commission ainsi que l'étendue de ses prérogatives. En fait, le Maroc est passé par le même chemin. En novembre 2001, lors d'un colloque consacré à la question des violations graves au Maroc, les défenseurs des droits de l'Homme ont avancé une proposition identique. Justement, en parlant du Maroc, que pensent les militants algériens des droits de l'Homme de l'expérience de l'Instance Equité et Réconciliation (IER) ? Ils connaissent parfaitement bien les aspects positifs de l'action de l'IER, notamment concernant sa composition. Mais ils savent également que l'Instance a souffert de certaines faiblesses essentiellement dues à ses prérogatives et ses objectifs.