En usant de la manière forte, la police algérienne a empêché la tenue, mercredi 7 février, d'un séminaire sur les disparitions forcées intitulé «Pour la vérité, la paix et la conciliation». En Algérie, la répression est encore monnaie courante. Opposants ou militants associatifs, tout le monde y passe. Il suffit d'avoir des opinions différentes de celles du pouvoir central pour être sans cesse harcelé par les services de sécurité algériens. Des membres de cinq associations représentant les familles des disparus ont eu récemment droit à une descente policière dans l'hôtel où ils voulaient organiser un séminaire sous le thème «Pour la vérité, la paix et la conciliation». Selon le quotidien "El Wtan", les policiers se sont substitués à la sécurité interne de l'hôtel privé pour “rejeter“, violemment, les personnes venues participer à ce séminaire. Le journal a précisé que les clients de l'hôtel, des ressortissants étrangers, ont été surpris par la présence massive de la police à l'entrée de l'établissement hôtelier, alors que les journalistes et les photographes ont été tenus à l'écart. Ces policiers ont également coupé l'électricité dans la salle où devait avoir lieu le séminaire. Et ils ont empêché certains participants d'accéder à l'hôtel. «Ils voulaient à tout prix empêcher les associations de se réunir», a déclaré Lila Iril, de l'Association nationale des familles de disparus. Les associations disent avoir averti les autorités de la tenue du séminaire. Le ministre algérien de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, n'a pas fait de commentaires. Cherifa Kheddar, de Djazair Iruna, une association de familles de victimes du terrorisme, assurait qu'aucune autorité n'avait interdit le séminaire. Elle a rapporté que la police a déclaré avoir reçu l'ordre d'empêcher les participants d'entrer dans la salle. Les organisateurs affirment aussi que des experts internationaux invités pour parler des efforts de réconciliation dans des pays comme le Chili ou l'Afrique du Sud n'avaient pas obtenu de visa. Dans un communiqué, la Fédération internationale des droits de l'Homme a dénoncé dans un communiqué cette interdiction «le dernier d'une longue liste d'incidents qui, ces derniers mois, visent défenseurs des droits humains et avocats impliqués dans la défense des familles de disparus». Le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme, Yahia Abdenour, a qualifié cette interdiction de «grave atteinte à la liberté d'expression et aux libertés d'association». Il a expliqué que les familles des disparus veulent poursuivre en justice «ceux qui sont à l'origine de ce drame et ouvrir en même temps le dialogue avec les ONG nationales des droits de l'Homme, les partis politiques et la société civile». Les autorités algériennes avaient déjà annoncé la couleur la veille, en interdisant l'entrée sur le sol algérien à Roberto Garreton, avocat chilien et ancien rapporteur des Nations Unies sur les droits de l'Homme en RD Congo. Invité pour participer à ce séminaire, Roberto Garreton, défenseur des droits de l'Homme, devait animer la conférence-débat prévue sur «La Justice transitionnelle, expériences et défis». Muni de son visa, il a été avisé par téléphone que l'accès au territoire algérien lui était interdit. Une drôle de réconciliation Malgré la charte pour la paix et la réconciliation, il est toujours interdit de parler des années noires qui avaient secoué l'Algérie. Il est également interdit aux familles des victimes de poursuivre les responsables des enlèvements forcés. Ces familles n'ont même pas le droit de connaître le sort de leurs enfants disparus.