L'UGTM a évincé l'UMT à la CNSS suite à la défection du secrétaire général de la Fédération nationale du personnel de la sécurité sociale, Mustapha Khlafa. La centrale de Mahjoub Benseddik perdrait ainsi un bastion important qu'elle contrôlait depuis plus de quarante ans. En guise de réaction à ce coup dur, l'UMT a rendu public un communiqué où elle condamne avec force l'ingérence flagrante de la direction de la CNSS dans les affaires syndicales tout en accusant cette dernière d'avoir poussé ses pions à créer un faux syndicat. L'Union marocaine du travail (UMT) vient de perdre son bastion historique de la CNSS au profit de sa rivale l'Union générale marocaine des travailleurs marocains (UGTM). Qui aurait eu imaginé pareil scénario il y a encore quelques années ? Le bureau syndical affilié au premier syndicat a décidé donc de rallier officiellement le deuxième. La nouvelle est loin d'être anodine. Elle a fait l'effet d'un séisme dans l'état-major de la centrale de Mahjoub Benseddik. Et pour cause… La sécurité sociale était considérée à la fois comme une chasse gardée de l'UMT et son organisme-phare dans le monde du travail depuis sa création en 1961. L'homme par qui cette “révolution“, selon l'expression du journal l'Opinion dans son édition du vendredi 12 décembre, est arrivée s'appelle Mustapha Khlafa. Tout a commencé lorsque le secrétaire général de la Fédération nationale du personnel de la sécurité sociale a été exclu de l'UMT en octobre dernier. Une mesure qui fait suite à des propos jugés blasphématoires tenus par l'intéressé à l'occasion du renouvellement du tiers sortant de la deuxième Chambre au sujet de l'approche de son syndicat qui reste à ses yeux dominée par “l'allégeance au chef historique“. La réaction sera immédiate. Exclusion de M. Khalfa des rangs de l'UMT et constitution d'un bureau provisoire au sein de la Caisse. “ On est allé jusqu'à vouloir m'interdire de mettre les pieds à la CNSS“, déclare ce fils de syndicaliste qui a intégré cet organisme en 1968. Cadre de la CNSS avec grade de directeur-adjoint, cet homme de 56 ans, qui est par ailleurs secrétaire général de l'Association des œuvres sociales des employés de la CNSS, ajoute que toutes les médiations y compris celles de responsables de haut niveau visant à faire revenir l'UMT sur la décision prise à son encontre ont abouti à un échec. Du coup, l'affaire se transforme en bras de fer entre Mustapha Khlafa et les dirigeants de sa centrale d'origine. M. Khlafa, ainsi exclu sans autre possibilité de réintégration avait le choix entre deux options. Soit créer son propre syndicat en y regroupant l'ensemble des caisses de retraite (CNSS, CMR, RCAR…) étatiques ou semi-publiques, soit rallier une autre structure syndicale qui a déjà pignon sur rue. M. Khlafa a apparemment préféré se couvrir, d'où son choix de s'adosser à l'UGTM. Une nouvelle assemblée constitutive de l'Union syndicale des employés de la CNSS a eu lieu dimanche 7 décembre au siège de l'UGTM à Casablanca, sous la présidence de son leader Abderazzak Afilal qui avait du mal à cacher son bonheur. Ce qu'il considère comme une victoire personnelle a visiblement pour lui le goût de la revanche. Les participants à cette assemblée ont élu un nouveau bureau comportant 13 membres dont Mustapha Khlafa porté, lui, au poste de secrétaire général. Si la base de la Fédération concernée suit -ce qui n'est pas encore le cas- l'UGTM prendra effectivement la place de l'UMT à l'intérieur de l'organisme dirigé par Mounir Chraïbi. Cette affaire représente une grande aubaine pour le syndicat de Abderazzak Afilal qui fera certainement tout pour devenir la première force à la CNSS. Très proche de l'Istiqlal, cette centrale a profité du conflit de Khlafa avec son syndicat pour évincer sa rivale d'une des caisses qui a toujours suscité les convoitises syndicales sur fond de calculs politiques ou politiciens. Tout en cherchant à la détrôner sans jamais y arriver car solidement implantée, les principaux adversaires de l'UMT, UGTM et CDT notamment, ne se sont-ils pas longtemps plaints en public de la “mainmise“ de l'UMT sur les rouages de la CNSS, revendiquant un équilibre des forces à l'intérieur du conseil d'administration de la CNSS ? Voilà que le changement des rapports de forces survient là où on l'attend le moins. Un des cadres importants de l'UMT passe armes et bagages chez l'ennemi. Cette défection a été ressentie comme un affront par les dirigeants de l'UMT même s'ils s'efforcent de ne rien laisser paraître. En guise de réaction à la nouvelle donne au sein de la CNSS, l'UMT a convoqué pour le moment dans son siège situé boulevard des FAR à Casablanca une assemblée générale des employés de la Caisse issus des différentes régions du Royaume… À l'issue de cette réunion de crise, un communiqué a été rendu public dans lequel l'UMT “condamne avec force l'ingérence flagrante de la direction de la CNSS dans les affaires syndicales” en accusant cette dernière d'avoir poussé ses “pions inféodés au gendre du directeur général à créer une faux syndicat”… Allusion faite au patron de l'Istiqlal Abbas El Fassi. Il semblerait par ailleurs que certains participants à cette assemblée aient évoqué la menace de lancement d'une grève générale en guise de réaction à ce qu'ils qualifient de véritable hold-up syndical. S'agirait-il d'un moyen de pression sur les pouvoirs publics ou d'une manière de montrer que l'UMT n'a rien perdu de sa force ? Une chose est sûre : le premier syndicat du Maroc ne restera pas les bras croisés. Il va certainement organiser la riposte même si certains au sein de l'UMT craignent que la perte de la fédération de la CNSS ne fasse tâche d'huile et n'entraîne d'autres défections dans d'autres secteurs…