La presse israélienne a été unanime à condamner l'assassinat de sang froid de quatre arabes israéliens. Robert Assaraf revient sur cette tragédie. «Un terroriste juif», selon Ariel Sharon, «une folie qui ne doit pas gagner», affirme le journal Haaretz dans son éditorial. «Ce n'est pas fou», pense, par contre, le grand analyste du journal Yediot Aharonot. «L'assassin n'est pas seul» considère, Ben Caspit dans le troisième grand quotidien. Tel est l'avis commun de la presse israélienne, après l'assassinat, de sang froid de quatre arabes israéliens, -dont deux sœurs chrétiennes-, en pleine ville de Shfaram, dans le Nord de la Galilée, par un jeune religieux, fou par son fanatisme. En effet, dans un autobus, venant de la ville de Haïfa, un déserteur de l‘armée israélienne (Tsahal), affilié au mouvement fanatique «Kach», avait quitté sa base militaire, afin de ne pas prendre part au retrait de Gaza, prévu dans moins de 15 jours. Cet assassinat a causé une énorme émotion. Il s'agissait bien d'un des scénarios les plus redoutables, qui se réalisait. Le terroriste a été lynché par la foule, dans un secteur arabe israélien, où l'on observe, à présent, une grève de protestation générale. L'horrible assassinat de Shfaram a coûté la paix, à un secteur arabo-israélien, principalement. Cet acte d'un jeune fanatique religieux est la conséquence, directe et évidente du tourbillon de haine et de folie, dans lequel la direction des colonies de Gaza, Yesha, a jeté tout le pays. L'atmosphère de rébellion des religieux, principalement, contre l'application d'une décision de retrait de Gaza prise, démocratiquement, par le gouvernement et approuvé par le Parlement, a semé la graine du danger. La propagande de «La direction Yesha» a, non seulement créé une atmosphère de violence verbale, certes, mais aussi un appel, sous les drapeaux israéliens, de fanatiques et de fous : c'est ce qui est arrivé ; pourtant, la police militaire aurait, dit-on, échafaudé toutes les hypothèses d'actions préventives, en vue du retrait de Gaza, y compris un sabotage contre les lieux religieux musulmans, voire même l'assassinat du chef du gouvernement israélien. Mais à force de sophistication, la police spécialisée a oublié qu'un «fou du service», puisse être un jeune militaire de 19 ans, originaire de la colonie sauvage de Tadouah, un des bastions connus du «Kach». La police militaire,Shabak, le connaissait bien et savait ses idées. Mais elle n'avait pas pensé à l'arrêter, à titre préventif, au moins. Donc, comme l'affirme l'éditorial de Haaretz, «le scénario le plus probable était connu et l'échec est l'échec du Shabak». D'autant qu'il est établi, que la direction des colonies (Yesha) reste déterminée à se joindre «aux frères de Gouch Katif (Sud de Gaza)». Entre temps, elle n'a pas hésité à jeter le pays dans un tourbillon de haine entre ses propres citoyens, arabes et juifs. La propagation de cette haine serait la victoire des fous et des fanatiques. Au lieu d'un pas vers la paix avec les Palestiniens, cette ambiance serait un retour aux périodes de troubles, voire même d'une guerre civile. Si la direction de Yesha était disposée à verser le sang «il est nécessaire de faire appel à la conscience et à son sens de la responsabilité nationale», insiste l'éditorial. D'autant, sans aucun doute, que le plus grand nombre des colonies célèbrent, aujourd'hui, ce nouveau «terroriste». Il est donc, important que le gouvernement et toutes les institutions étatiques exercent leurs compétences pour stopper une évolution dans laquelle le pays est poussé. Car, elle constitue un danger pour sa stabilité et son existence même. Le chef du gouvernement, totalement engagé dans le retrait de Gaza, doit faire saisir, sans équivoque, ses anciens amis des colonies, dont il a été le principal créateur, que «les dés sont jetés et qu'il ne laissera pas la folie l'emporter». C'est pourquoi, un analyste réputé du quotidien populaire, Yediot Aharonot, n'hésite pas à dire «N'aidez pas le fou». Ce même appel avait été lancé aux habitants du village des arabes israéliens, Shfaram, ainsi qu'aux Palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie… Pourtant, il ne faut pas se faire d'illusions. L'assassin, en partie kamikaze, Nathan Zada, n'est pas un fou. Son action est simple, logique, presque prévisible. Il avait, probablement, cru qu'un tel attentat terroriste contre des arabes israéliens allait provoquer leur vengeance contre des citoyens juifs. Donc, pouvait déclencher un incendie capable de freiner le désengagement de Gaza. Dans l'espoir, aussi, que l'immobilisation de forces de l'ordre israéliennes autour de telles actions, rendrait le retrait quasi-impossible. Le jeune Nathan Zada n'était pas plus fou que ses prédécesseurs, le Docteur Baroukh Golstein de Hébron, ou Igal Amir assassin de Itshac Rabin, dont les provocations demeurent à l'ordre du jour de l'extrême droite israélienne, depuis de nombreux mois. Il restait clair que le danger immédiat était simple : par des tirs contre un autobus dans les territoires palestiniens ou en Israël. Car, ces attentats n'exigent pas de grands préparatifs sophistiqués. Il suffit d'un fusil et de la volonté de devenir un martyr… Les députés et élus municipaux arabes israéliens doivent prendre la parole. Les arabes israéliens ont déjà subi de graves agressions meurtrières, comme celle d'octobre 2000. Aujourd'hui, ils ne peuvent mettre en danger la question du retrait de Gaza. D'autant qu'ils savent, au contraire, faire preuve de maturité afin de déjouer les intrigues d'un assassin et de ses manipulateurs religieux terroristes. En effet, ceux qui ont parlé, ces derniers jours, avec des militants d'extrême droite, avaient compris le message : «La direction de Yesha est dépassée. C'est à présent le tour des services de sécurité d'agir. Le combat de Yesha contre l'évacuation des colonies de Gouch Katif (au sud de Gaza) n'a pas porté ses fruits, donc l'entrée en scène des terroristes de l'extrême droite n'était qu'une question de temps», souligne le journal Haaretz. L'assassinat de Shfaram visait bien de stopper le retrait de Gaza. Il n'avait aucune chance d'y parvenir, mais il aura réussi à alourdir, encore plus l'atmosphère. Le profil de l'assassin était conforme à celui, connu par le Shabak, du terroriste juif typique : jeune, habitant d'une colonie extrémiste, fanatique religieux et membre du mouvement «Kach». Il a déserté l'armée en emportant son arme. Pourquoi donc les services de sécurité ne l'ont-ils pas plus surveillé ? Pourquoi, connaissant ses idées d'extrémiste de la part de sa famille, l'armée n'a-t-elle pas fait d'effort pour arrêter un déserteur, idéologique et armé ? Certes, Tsahal, dit-on, ne pouvait surveiller chaque autobus, mais les services spécialisés devaient connaître ses complices et les rabbins fanatiques qui l'on influencé. Les partis de gauche demandent le démantèlement de la colonie «sauvage» de Tapouah où habitait le terroriste depuis sa désertion de l'armée. Sans compter la nécessité de multiplier les arrestations administratives des adversaires violents du désengagement de Gaza. Dans le journal populaire de droite, Maariv, l'analyste Ben Caspit déclare que «l'assassin n'est pas seul». Et ajoute : «Nous sommes assis sur un tonneau de poudre. Et nombreux sont ceux qui essaient de le faire exploser. Le sois disant « soldat» responsable de l'attentat contre des citoyens arabes israéliens en fait partie. Son testament adressé à Sharon confirme bien : «j'ai fait cela pour arrêter le retrait de Gaza». Et des milliers de religieux d'extrême droite l'applaudissent secrètement tout en constatant qu'il a échoué, qu'il n'a pu arrêter le désengagement et qu'il a donc sacrifié des vies humaines, dont la sienne, en vain. D'autres, des centaines, des milliers dans les cercles religieux nationaux, dont la majorité respecte la loi, semblent craindre que le massacre de Shfaram serait un début. « Il demeure un risque d'un affrontement entre ces religieux et certains fidèles musulmans défenseurs d'El Aqsa », souligne le journaliste. Il faut, donc, réagir avec énergie contre les fous et les fanatiques, avant qu'il ne soit trop tard. Un autre analyste de Haaretz va encore plus loin, le dimanche, en condamnant l'attitude de la direction de Yesha et de la droite. Les colons et les extrémistes de droite sont responsables de la création de l'ambiance qui a permis l'éclosion de ces assassins. Ils se rendent complices de violences, de meurtres, mais aussi de racisme, en s'éloignant des valeurs de la majorité juive israélienne. Ils s'identifient à une véritable identification avec les terroristes-assassins qui sont arrivés à la conclusion que « la vie n'a plus de goût dans un pays qui accepte de renoncer à des territoires… ». Donc, la direction de Yesha comme celle de la droite et de l'extrême droite doit choisir : ou bien elle fait partie de sa société nationale, ou bien à celle des marges extrémistes qui ont donné naissance à des assassins comme Nathan Zada, Goldstein ou Igal Amir (assassin de Itshac Rabin). Dès vendredi, les habitants, en particulier druzes, de Shfaram refusent une enquête de police sur le lynchage à mort de l'assassin de leurs frères. D'autre part, l'armée interdit au terroriste des funérailles et un enterrement dans un cimetière militaire. La colonie sauvage de Tapouah refuse ou craint d'enterrer un membre de son mouvement meurtrier «Kach». Enfin, la ville où habitaient les parents de Nathan Zada, accepte un enterrement dans un secteur réservé aux suicidés…