Il est à présent incontestable qu'Ariel Sharon croit avoir trouvé la solution pour taire ses problèmes familiaux et personnels qui, dans toute autre démocratie moins juriste, l'aurait amené à démissionner de ses postes politiques, au sommet, de président du Likoud et de président du gouvernement israélien, comme le demande le journal «Maariv» de la droite modérée ou «Haaretz» du centre gauche. Sharon est dit un homme de combat et non de stratégie. L'attaque par un contournement de l'adversaire est une tactique qu'il a toujours pratiquée. Aujourd'hui, sa seule préoccupation est d'empêcher le conseiller juridique du gouvernement, Ménahem (Meny) Mazouz, - qu'il a choisi il y a seulement quelques semaines -, d'émettre un acte d'accusation, sous la pression du procureur d'Etat. Il ne craint pas de déclarer, tout d'abord, au journal «Haaretz»: « Je fais totalement confiance au conseiller juridique du gouvernement Meny Mazouz. Je n'ai rien à me reprocher, mes mains sont propres. Je crois en mon innocence complète et je ne crois pas à la présentation d'un acte d'accusation ». Pour compléter cette affirmation, Sharon se construit une « protection » américaine primordiale. Il impose, tout d'abord, un référendum à son parti, pour assurer son plan de désengagement unilatéral face à l'opposition de son gouvernement et à la Knesset dont la majorité devra être redessinée. La « protection » du président Bush étant la première opération prévue au calendrier, il imposera à tout le monde son plan, revêtu de la double investiture du référendum populaire de son parti et du soutien des Américains. Complétée par un accord du gouvernement et de la Knesset, à la fin du mois du mai, cette investiture empêcherait le Conseiller juridique de sacrifier une telle volonté israélo-américaine, « sur l'autel de la justice». Un analyste renommé du journal Yediot Aharonot ira encore plus loin « Dans ce dilemme impossible, il sera difficile de contraindre le chef du gouvernement à démissionner, au milieu d'une initiative politique sans précédent. Mais, si le conseiller Mazouz décide de ne pas poursuivre le chef du gouvernement, il y a le risque de la voir désavoué par la Cour suprême ». Selon l'analyste Yoel Marcus, dans «Haaretz», Sharon et Mazouz sont « deux héros du drame » pour qui le temps presse. En effet, Mazouz ne peut risquer, au cours des deux mois qui lui restent pour se prononcer dans l'affaire de corruption, d'être accusé de « traîner des pieds ». Et Sharon de son côté, doit faire adopter son plan de désengagement unilatéral, à tous les niveaux, celui de son parti, de son gouvernement ou de la Knesset, avant que le conseiller juridique du gouvernement ne prenne sa décision. Mais, conclut Yoel Marcus : « Tout dépend, en fait des Américains». Un autre analyste, Uzi Benziman de Haaretz, confirme que le soutien des Américains est indispensable à Sahron, pour le faire accepter par tous ceux qui le refusent actuellement. La « protection » américaine est donc, révèle Uzi Benziman, l'objectif de Sharon qui s'efforce d'obtenir, des trois délégués américains menés par William Burns, une déclaration officielle du président Bush, à l'issue de sa visite, à Washington le 14 avril. L'analyste précise que Sharon va jusqu'à se déclarer : « En faveur du plan de désengagement, présenté comme allant dans le sens de la vision des deux Etats (Israël et Palestine) et ne posant aucun obstacle à l'application de la feuille de route». Dans ses interviews aux trois grands quotidiens israéliens, - récemment publiées -, Ariel Sharon s'est, par contre, cru obligé, dans sa crainte d'un acte d'accusation, de confirmer sa tactique en déclarant dans «Maariv» « le désengagement à Gaza, sera achevé d'ici Pâques prochaines (dans un an). J'ai déjà ordonné de stopper les opérations de développement dans les 17 colonies de la bande de Gaza ». L'autre journal populaire, «Yediot Aharonot», titre en première page une déclaration de Sharon qui maquille, encore plus, sa combinaison personnelle : « Je ne conseillerai à aucun d'entre eux, de se croire immunisé. Je n'aurais pas conseillé à une compagnie d'assurances, d'accorder une police d'assurance-vie à Arafat ou à Nasrallah. Celui qui envoie tuer des Juifs ou des citoyens israéliens est une cible légitime. C'est clair, point final ». Enfin, dans le quotidien célèbre «Haaretz», Sharon justifie son plan en révélant l'existence, en Israël : « En l'absence de barrière, affirme-t-il, des dizaines de milliers de Palestiniens se sont installés clandestinement dans les villages arabes israéliens. Ils ont réalisé, ainsi, en silence, le droit au retour qu'Israël rejette catégoriquement. Seul l'achèvement de la construction de la barrière de sécurité, a ajouté Sharon, permettra d'envisager de limiter ces infiltrations qu'il est impossible de réaliser. Car aujourd'hui, dès qu'on les renvoie, ils reviennent, le lendemain ». Au-delà de ces préoccupations intérieures israéliennes, le plan de séparation unilatérale apparaît dans sa contradiction fondamentale: un objectif d'améliorer la situation sécuritaire israélienne, face à des contreparties demandées aux Américains. Et l'analyste Uzi Benziman de «Haatetz», exprime la question que se posent les Américains : « Pourquoi dédommager Israël pour une mesure définie comme visant à améliorer sa situation sécuritaire?» Pour surmonter cette contradiction, le plan de séparation est, donc, redéfini comme la conséquence de la «feuille de route » et de la vision des deux Etats, Israël et Palestine, du président Bush. Les Américains ont semblé accepter la position israélienne, en apportant leur soutien à l'initiative du plan d'Ariel Sharon, après leurs réserves de départ. Sans l'accompagner de « dédommagements », d'autant qu'un éventuel retrait ne se ferait pas avant les élections présidentielles américaines. Dans tous les cas, une « protection» ne sera accordée qu'en contre-partie d'un « dédommagement » électoral au profit du président Bush, puisque tout dépend des Américains… Mais aussi du conseiller juridique Mazouz, pour l'avenir d'Ariel Sharon. • Par Robert Assaraf