Hassan Darsi expose sa dernière série de portraits de famille du 14 décembre au 21 janvier à l'Appartement 22 de Rabat. Artiste contemporain engagé, Darsi s'est imposé grâce à une œuvre esthétique qui en met plein les yeux sans pour autant se fermer à l'utilité sociale. Hassan Darsi sourit. Après une longue traversée du désert, l'importance de ses œuvres commence à être reconnue. La maquette du parc de l'Hermitage est à l'origine de la décision de réhabiliter ce lieu. Une œuvre artistique de 18 m2 peut donc transformer un parc de 18 hectares. Qui l'aurait cru ! Hassan Darsi n'en a jamais douté. Cet homme est avant tout une passion opiniâtre. Une énergie positive. Un fédérateur autour de projets communs. L'un des artistes qui comptent le plus aujourd'hui dans l'art contemporain au pays. Rien ne le destinait à occuper cette place. Quand on l'interroge sur sa rencontre avec les arts plastiques, il répond après une longue pause: “c'est un accident“. Parti en Belgique pour poursuivre des études d'architecture d'intérieur à l'école supérieure des Arts plastiques et visuels de l'Etat au Mans, il a changé d'avis en visitant les ateliers où travaillaient des plasticiens. Hassan Darsi a décidé de laisser la décoration à d'autres pour se consacrer au noble métier de créer des œuvres. De décoration, il a été pourtant toujours question lorsqu'il a exposé fièrement ses œuvres en fin d'année pour épater un éminent artiste qui faisait partie du jury. Le célèbre sculpteur Bernd Lauhous a refusé d'entrer dans la classe quand il a aperçu de loin les œuvres de son admirateur. “J'avais peint des tableaux avec des signes berbères, comme pour bomber fièrement mon thorax de Marocain. Quelle gifle j'ai reçue en comprenant que rien n'est aussi contraire à la liberté d'expression que les formes ethniques !“ Autre rencontre décisive dans la vie de l'artiste : celle du philosophe chilien Gaston Fernandez. C'est de lui que tient Hassan Darsi son inclination à réfléchir, sa tendance à engager la conversation avant de donner corps à des projets. L'œuvre d'art n'est pas seulement un objet matériellement beau, qui flatte la rétine, mais la matérialisation esthétique d'une idée qui produit du sens. Ceux qui le connaissent savent que l'échange verbal est la nourriture quotidienne de cet artiste. C'est autour de la table de la salle à manger de son appartement à Casablanca que le plus clair des projets voit le jour. Les mains de l'intéressé s'enfouissent souvent dans une chevelure abondante et hirsute. Lorsqu'il trouve une idée, un sourire découvre une large dentition. C'est cette dentition d'homme qui ne lâche jamais prise qu'un artiste sud-africain a immortalisé dans un portrait, accroché négligemment dans un coin. Souvenir rapporté par Hassan Darsi dans ses bagages d'un workshop au pays de Mandela. Hassan Darsi n'a pas eu le temps de faire ses bagages. Après avoir passé cinq ans d'études à l'école du Mans, il a sauté dans le premier autocar en partance pour le Maroc. “Je ne me suis pas posé de question. Peut-être que si j'avais réfléchi, je serais resté là-bas“. Il est arrivé en pays inconnu. Il ne connaissait aucun artiste, ignorait à qui crier sa qualité d'artiste. Il avait pris dans son sac à dos un catalogue, édité en Belgique, où on pouvait lire son nom et regarder l'une de ses œuvres. Il en avait pris un seul. C'était sa carte de visite. Lorsqu'on débarque dans un pays où l'on ignore tout des arts, on s'adresse à qui ? À une institution. Hassan Darsi a envoyé le seul catalogue qu'il gardait au ministère de la Culture. Il a bien fait les choses, puisqu'il a ajouté à cette carte de visite une œuvre plastique. Son œuvre moisit encore dans les caves de ce ministère. Quant au catalogue, qui peut se hasarder à se prononcer sur le sort qui lui a été réservé ? Égaré, Hassan Darsi a trouvé une voie en participant à une exposition de jeune artistes organisée par une banque en 1991. À son grand étonnement, il est récompensé par le prix spécial du jury. Cette distinction l'a sorti de l'anonymat. Fier de sa formation, il est entré à l'école des Beaux-Arts de Casablanca pour y enseigner pendant 6 ans. Ses idées réformatrices ne lui ont pas seulement valu des amitiés. Il a fini par abandonner cette école pour se consacrer au collectif la Source du Lion. Avec ses amis, il a travaillé pendant un an presque jour et nuit à la construction de la maquette du parc de l'Hermitage. “Au début, c'était une utopie !“. Hassan Darsi ignore sans doute que s'il ne fait pas son âge, 42 ans, c'est pare qu'il a gardé intacte sa capacité d'enfant à s'émerveiller de ce qui l'entoure et à fabriquer de magnifiques gadgets à l'adresse des adultes.