Dénonçant les discours tant intégriste que séparatiste, Driss Benali, président d'Alternative, plaide pour l'engagement de la société marocaine dans la défense des fondements de la nation. Pour cela, la réduction des fractures économiques et sociales est un préalable à ses yeux. ALM : Connue pour ses positions critiques à l'égard du système politique marocain en général, Alternative sort de sa réserve pour dénoncer les attaques visant la Monarchie. Driss Benali : Notre mission est de défendre une véritable monarchie démocratique, qui se trouve maintenant au cœur de plusieurs formes d'attaques. La dernière en date est celle de Nadia Yassine. Et notre réaction s'est faite justement suite aux propos tenus par cette dernière. Non seulement de tels propos sont inutiles, mais ils mettent également en danger et les acquis démocratiques du pays et l'institution qui est le garant de l'unité nationale. Sans entrer dans cette logique du tout sacré, apanage des sociétés et des régimes archaïques, nous nous opposons à toute forme de contestation ou de remise en cause des constantes et des principes de base du pays, dont la Monarchie est un pilier fondamental. Formuler des critiques, quand celles-ci s'imposent, à l'égard de certains aspects liés à la monarchie, est une chose. Nous avons même appelé dans ce cadre à la révision de la Constitution de manière à permettre l'emergence réelle d'un système démocratique. Mais œuvrer à la destruction, pour la destruction, d'un modèle démocratique auquel nous appartenons, et croyons tous, c'en est une autre. Pensez-vous dans ce sens que le discours intégriste est un véritable danger pour la jeune démocratie marocaine ? Sans parler de danger imminent, l'intégrisme reste une épée de Damoclès sur la tête de la démocratie au Maroc. Surtout quant le discours, que partage par ailleurs une association comme Al Adl Wal Ihssane, qu'il véhicule remet en cause, voire combat, toute pratique démocratique et la nature même du régime. Ces groupes usent de plusieurs ingrédients qui ont pour finalité, ou pour conséquence, de créer un climat de suspicion, d'instabilité, voire de guerre civile, à un moment où le pays est engagé sur plusieurs fronts, interne comme externe. Comment le pays se doit de défendre ses valeurs et fondements? Défendre ces constantes est une affaire de société. L'image d'une société démocratique se construit moins avec des mesures d'ordre juridique et répressif qu'avec la mobilisation de la société pour défendre le modèle démocratique vers lequel elle tend. La démocratie n'est pas un supermarché, où on ne prend que ce qu'on veut. C'est un ensemble pour le développement duquel tous les secteurs vifs du pays, dont la société civile, sont appelés à se mobiliser. Et nous sommes justement dans ce rôle. Au discours intégriste est venu récemment s'ajouter un autre, celui du séparatisme. Comment expliquez-vous la montée de ce phénomène ? Le sentiment général est que dans le développement démocratique du pays, et l'ouverture de l'espace des libertés, des maladresses et des idées nuisibles prennent également place. Et c'est vis-à-vis de ces derniers qu'il faut être le plus vigilant. D'autant que nous sommes dans un pays qui est constamment la cible de certains milieux qui cherchent à le déstabiliser. Il est clair que plusieurs problèmes de fond restent à résoudre, mais cela ne doit pas se faire sur le dos des symboles de l'unité nationale. Et je ne cesserai jamais de dire que la défense de ces symboles est une affaire de société. oeuvrer pour un Maroc démocratique, c'est s'élever contre ces idées. Tout en s'écartant de certains automatismes, tendant à dire oui à tout et à tout accepter, une société civile digne de ce nom est celle qui ne cède pas à la facilité, qui construit ses positions sur des bases réfléchies, mais qui apporte un soutien aussi total qu'inconditionnel aux causes auxquelles elle adhère. Et tout véritable soutien ne peut émaner que d'une société civile souveraine, indépendante, qui n'est pas corrompue et qui, en retour, n'attend rien de ses positions. Dans votre communiqué, vous appelez également à une réforme du système économique. Quel est le lien entre des positions purement politiques et la situation socio-économique du pays ? L'économique est l'aspect le plus critique que nous nourrissons à l'égard du système. L'économie de rente continue. Et ce sont toujours les mêmes qui en tirent profit. Nous n'avons toujours pas assisté à des initiatives d'envergure dans ce sens. La fracture sociale et économique ne fait que s'aggraver. Et c'est cela qui encourage les discours extrémistes et séparatistes et fait qu'ils trouvent l'écho recherché. Les forces ennemies exploitent également le malaise économique et social pour donner une image négative du Maroc. Amener le front interne à être plus cohérent et plus solidaire des causes nationales commence par réduire les inégalités et les fractures qui le caractérisent. Eliminer ces écarts, c'est apporter les réponses adéquates à tous les questionnements et barrer la route à tous les extrêmismes.