Des islamistes algériens du GSPC ont attaqué, vendredi dernier, une base mauritanienne isolée dans le désert. Une réponse au vaste coup de filet mené auparavant dans les milieux islamistes à Nouakchott ? L'attaque de la base militaire de Lemgheyti, poste perdu dans le désert mauritanien, à quelque 400 km à l'est de Zouératt, intervient alors qu'à Nouakchott, un ultime coup de filet venait de se refermer sur des dizaines d'activistes et d'islamistes potentiels. D'aucuns parmi les médias et les observateurs étrangers ont d'ailleurs vite fait de lier les arrestations opérées à Nouakchott le mardi 1er juin au raid mené 72 heures plus tard et ayant fait officiellement 15 morts et de nombreux blessés parmi les militaires mauritaniens présents dans cette base isolée. La piste des «Cavaliers du changement», mouvement d'opposition armée mauritanienne, notamment responsable de la série de tentatives de renversement du régime de Ould Taya en 2003, a vite été abandonnée. Pour cause, la plupart des responsables de ce mouvement sont hors d'état de nuire. La piste islamiste a été donc privilégiée. Pour le ministre mauritanien de la Défense, Baba Ould Sidi, sorti de son mutisme 48 heures après les faits, pour une conférence de presse, il n'y a pas de doute. Le modus operandi de cet acte barbare caractérisé par «l'exécution de sang-froid des militaires faits prisonniers», porte l'empreinte du Groupe salafiste algérien pour la prédication et le combat. Ce mouvement armé, auteur de l'enlèvement de 32 touristes occidentaux en 2003, accusé d'être lié à Al-Qaïda, opère depuis longtemps dans ce no man land aux frontières mauritaniennes, maliennes et algériennes. Les auteurs de l'attaque, environ une centaine d'islamistes, ont perdu cinq hommes sur le terrain. Le reste s'est évanoui dans le désert à bord de six véhicules blindés appartenant à la base mauritanienne. L'armée mauritanienne qui a déployé toute son armada aérienne est soutenue par l'armée malienne. Au delà de la vague d'émotion soulevée par cet acte, c'est surtout la réalité islamiste de ce désert aux frontières algériennes, qui est en train de faire jour. Il y a une année quand le Pentagone s'alarmait d'un second Aghanistan dans le désert, avec des Talibans issus des groupes combattants algériens et accessoirement des partisans du Mollah Omar, personne n'y avait cru. En juin 2004, l'Algérie avait de son côté cru que le problème du GSPC est réglé avec la mort de son chef, Nabil Sahraoui et de quatre de ses adjoints tombés tous dans une embuscade près de Bejia, dans la petite Kabylie, à 260 kilomètres à l'est d'Alger. Perte d'autant plus notable pour ce groupe terroriste que Amari Saifi connu sous le nom de Abderrazak le Para avait été capturé. Cet ancien officier des forces spéciales de l'armée algérienne, surnommé le Ben Laden du Sahara, est connu pour une attaque meurtrière ayant fait 43 morts dans les rangs de l'armée algérienne, le 4 janvier 2003, à la veille de l'arrivée à Alger d'une délégation militaire américaine, venue discuter d'une reprise des ventes d'armes à l'Algérie dans le cadre de la lutte antiterroriste. Les Américains signeront d'ailleurs un allègement de l'embargo sur les armes au profit d'Alger, alors qu'une partie de la presse occidentale parlait d'une «troublante coïncidence». Les amateurs du sensationnel n'hésitent pas à chercher des interconnexions entre ce Ben Laden et le régime algérien. En fait, l'homme le plus dangereux aujourd'hui dans cette partie du désert, est connu sous le surnom de Belaouar (le borgne). De son vrai nom Mokhtar Bemokhtar, cet ancien membre du GSPC, qui compte sur des centaines de combattants, est d'abord connu pour être un spécialiste de la contrebande et des trafics de tout genre dans le désert algérien. Le lien entre ce groupe de contrebandiers et le GSPC est une évidence pour les services occidentaux. Mokhtar Belouar serait-il l'un des auteurs de l'attaque perpétrée contre la base mauritanienne ? En tout cas, Nouakchot parle ouvertement de connexion entre le GSPC algérien et les «jihadistes» du mouvement islamiste mauritanien. Peu soutenus, ne disposant pas d'une base populaire sur place comme les partis islamistes algériens, les islamistes mauritaniens ont depuis toujours cherché une connexion à l'étranger. Une sorte de «légitimité» offerte par le GSPC puisque sur les 20 «jihadistes» récemment arrêtés, environ 7 ont été formés au combat dans le maquis algérien. Jusque-là, c'est surtout contre l'armée algérienne et malienne que les salafistes ont porté les armes.