Une semaine après le déclenchement de la grève de la faim illimitée par les détenus islamistes, une altercation a eu lieu samedi dernier dans la prison centrale de Kénitra. Des détenus et un gardien ont été bléssés. Samedi dernier, les gardiens de la prison centrale de Kénitra sont intervenus de manière musclée contre les chyoukh de la Salafiya, détenus dans le cadre de la loi antiterroriste. C'est ce qu'a annoncé à ALM Abderrahman Mouhtade, président de l'association Annassir des familles des détenus islamistes. Citant Abdelwahab Rafiki, plus connu sous le nom d'Abou Hafs, Abderrahman Mouhtade a déclaré que "la direction de la prison n'avait qu'un seul but: briser la grève de la faim illimitée qu'observent pas moins de 1.500 détenus", depuis une semaine environ et dans plusieurs prisons du Maroc. En effet, les chyoukh avaient appelé l'ensemble des islamistes détenus dans le cadre de la loi antiterroriste à observer une grève de la faim illimitée en signe de protestation contre les conditions de détention, mais surtout pour exiger l'application de leur cahier revendicatif comportant exactement trois points. "Lors de réunions effectuées par des représentants du ministère de la Justice, notamment à Salé où ils ont rencontré sept détenus islamistes, ces trois points ont été rappelés", explique Abderrahman Mouhtade. Il s'agit tout d'abord, d'une libération des 3.000 personnes arrêtées et jugées coupables de terrorisme à la suite des attentats du 16 mai. Deuxième revendication: l'ouverture d'une enquête sérieuse et approfondie sur les actes terroristes commis en mai 2003 à Casablanca. Le but étant de déterminer les véritables responsables et partant innocenter la majorité écrasante des prisonniers actuels. Quant à la dernière revendication, "elle a trait à la poursuite des tortionnaires ayant commis des exactions contre les prisonniers islamistes lors des interrogatoires notamment", poursuit Abderrahman Mouhtade. En fait, les évènements survenus samedi dernier sont nés, dans le quartier "J" de la prison de Kénitra, au moment où le directeur et certains gardiens avaient décidé d'entamer une fouille des cellules où séjournent certains Chyoukh. Ces derniers étant soupçonnés d'avoir des téléphones portables, chose qui est interdite dans le règlement des prisons. La direction des prison mettant à la disposition des détenus des téléphones fixes. "Cette opération de fouille, étant tout à fait banale, n'a pourtant jamais eu lieu lors des week-ends", explique Abderrahman Mouhtade. Et d'ajouter : "les Chyoukh ont donc pris cette initiative comme une provocation de la part de la direction qui souhaite coûte que coûte briser la grève de la faim lancée initialement depuis la prison centrale de Kénitra". L'information a rapidement circulé dans l'ensemble des quartiers de la prison. Craignant que les choses ne dégénèrent et que les prisonniers déclenchent une véritable émeute, la direction a immédiatement stopper l'opération de fouille. "Résultat: Abou Hafs et Hassan Kattani ont été blessés", assure M. Mouhtade. Pour leur part, des sources proches du ministère de la Justice assurent que les gardiens n'ont nullement usé de la violence contre les détenus qui sont beaucoup plus nombreux que les gardiens. Au contraire. L'un des gardiens a été tabassé par les prisonniers et un certificat médical atteste cela. Après plusieurs heures de négociations avec les détenus, les procureurs de Kénitra n'ont pas réussi à confisquer ces fameux téléphones portables dont disposent certains prisonniers dont Abou Hafs. Les détenus estiment que ce moyen de communications est indispensable pour eux. Aujourd"hui, lundi, une autre délégation ministérielle devrait se rendre auprès des détenus afin de trouver une issue à ce problème. A noter que la prison de Kénitra, essentiellement les quartiers où sont enfermés les Chouyoukh de la Salafiya, sont carrément des états-majors, le cœur battant de cette communauté. Toutes autres prisons sont en contact régulier avec ces Chyoukh. Les détenus dans le cadre de la loi antiterroriste sont répartis sur une douzaine de prisons: Kénitra, Oujda, Casablanca (Oukacha), Salé, Sidi Slimane (Outita 2), Fès (Bourkayez), Ouazzane, Nador, Mohammédia, El Jadida, Marrakech et Adagir (Aït Melloul)."L'ensemble de ces détenus sont prêts à poursuivre la grève jusqu'à leur dernier souffle", assure Abderrahman Mouhtade. Ce qu'ils veulent c'est que leur voix soit perceptible au plus niveau de l'Etat. "Seul le Souverain est aujourd'hui capable de prendre une mesure en leur faveur, pour rétablir la justice dans ce dossier", affirme Abderrahman Mouhtade. En attendant, l'association Annassir cite le cas de cinq détenus en situation de santé assez critique. Deux séjournent dans la prison d'Oujda, deux autres dans celle de Mohammédia et le dernier à Oukacha. "Ces prisonniers sont régulièrement transportés dans un état extrêmement grave vers l'hôpital". Et pourtant, ils observent également la grève de la faim.Parallèlement à cela, les membres des familles des détenus, regroupés au sein d'Annassir, ont décidé d'organiser un sit-in jeudi prochain à Rabat devant le siège du Conseil consultatif des Droits de l'Homme (CCDH). Juste après, ces familles ont l'intention d'observer eux-aussi, en signe de solidarité avec les leurs, une grève de la faim illimitée.