Le ministre de la Justice a supervisé en personne le dossier des tortures contre les islamistes détenus dans la prison civile d'Outita II, près de Sidi Kacem. L'affaire prend une tournure judiciaire. Les conditions d'incarcération des islamistes détenus dans la prison civile d'Outita II , située près de Sidi Kacem, se sont nettement améliorées, depuis que le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, a ordonné l'ouverture d'une enquête détaillée au sujet d'éventuels cas de tortures. En effet, plusieurs détenus avaient affirmé avoir fait l'objet de tortures de la part des gardiens de la prison. Sans compter l'irrespect de la direction des plus simples conditions de détention, notamment en ce qui concerne les visites familiales, les sorties quotidiennes et la qualité de la nourriture. Alertée par l'association Annassir des familles des victimes des détenus dans le cadre de la loi antiterroriste, une commission du CCDH s'était rendue sur place au début du mois de janvier 2005 et a élaboré un rapport, transmis immédiatement au ministère de la Justice. M.Bouzoubaâ avait décidé la mutation du directeur de la prison d'Outeta II dès qu'il a pris connaissance de ces informations, rappelle un communiqué du département de la Justice. Par la suite, une commission composée de quatre hauts responsables du ministère s'est rendue à Outita II pour tirer au clair cette affaire. Là encore, un rapport complet fut remis à Bouzoubaâ qui ordonna, à fin janvier 2005, au procureur général du Roi près la Cour d'appel de Meknès (dont dépend Sidi Kacem) de soumettre au juge d'instruction le dossier d'Outita II. "Huit détenus ont été transférés ainsi à la prison de Sidi Saïd à Meknès pour permettre au magistrat chargé de l'instruction de les interroger", affirme Abderrahim Mohtade, président de l'association Annassir. Il s'agit de Hassan Hattab, Driss El Azizi, Abdelhay Bich, Zoubaïr Mountassir, Khalid Souhfi, Souleïmane Meziane, Mustapha Aïat et Touhami Zine. "Ces huit personnes ont identifié les gardiens qui les ont torturées", assure Mohtade. Selon ce dernier, c'est une grève de la faim, observée par environ 200 prisonniers d'Outita II, entre le 10 et le 29 décembre 2004, qui a déclenché l'ire des gardiens. "Pour contraindre les grévistes à rompre leur jeûne, les gardiens, sous la bénédiction du directeur de l'établissement, déshabillaient les détenus et les laissaient plusieurs heures sous la pluie", affirme Mouhtade. Ceci, sans compter les violents coups de triques et les humiliations en tout genre. Résultat: le juge d'instruction de Meknès a convoqué, dans le cadre de son enquête, six fonctionnaires d'Outita II dont le directeur de l'établissement. Par ailleurs, au début du mois de février, une expertise médicale avait été ordonnée par le juge d'instruction pour déterminer si véritablement les détenus ont fait l'objet de sévices. "Les médecins qui se sont chargés de cette expertise ne semblaient pas prendre au sérieux le cas des détenus", explique Mohtade. C'est ce qui poussa les huit personnes à observer une nouvelle grève de la faim, de trois jours cette-fois. Par la suite, le juge d'instruction a désigné de nouveaux médecins. "Lundi dernier, la deuxième expertise médicale s'est déroulée dans de bonnes conditions", assure Mohtade. Et le lendemain, c'est-à-dire mardi, les huit détenus sont retournés à Outita II, où les conditions de détention sont nettement meilleures. Le ministère de la Justice y a installé une quarantaine de téléviseurs. Des "guides des prisonniers" ont été distribués aux détenus, englobant tous les droits dont ils doivent bénéficier. La qualité de la nourriture a été sérieusement améliorée. Trois médecins ont été engagés par la prison. Il s'agit d'un généraliste, un psychologue et un dentiste. Sans oublier un infirmier, qui sera, lui, permanent. Par ailleurs, les détenus ont désormais droit à deux heures de promenade par jour, une heure le matin et une heure le soir. Auparavant, cette promenade ne durait qu'un quart d'heure par jour, avec une interdiction de sortie le samedi et le dimanche. Des couvertures et une douzaine de plaques-chauffantes ont également été distribuées aux prisonniers. En plus des mesures rapides et efficaces prises par le ministère de la Justice, les familles des détenus se félicitent de l'initiative de M.Bouzoubaâ de prendre en main le dossier Outita II. Ils espèrent que les coupables de tortures seront effectivement poursuivis et que leur sanction servira d'exemple à tous les établissements pénitentiaires du Royaume. Et pour cause, l'association Annassir n'a cessé de rappeler aux autorités les conditions d'incarcération déplorables des détenus islamistes dans la prison de Salé. "C'est un dossier énorme", souligne Mouhtade. C'est le cas également de la prison centrale de Kénitra où le détenu Mohamed Benjilali "agonise sous le regard des responsables de la prison". Benjilali est un MRE condamné à 20 ans de réclusion. "Ayant subi, avant sa détention, une opération à cœur ouvert, il risque de succomber à sa maladie à cause du manque flagrant de soins dans la prison", explique le président d'Annassir. Son cas est similaire à celui de Mohamed Damir qui "souffre atrocement car il a toujours dans son corps du plomb et du fer, des séquelles de son arrestation".