Safi. Des Subsahariens, qui se faisaient passer pour des fils de personnalités africaines ayant fui la guerre, ont arnaqué un soudeur auquel ils ont fait croire qu'ils avaient besoin d'argent pour pouvoir récupérer des milliers d'euros. Safi. Abdeslam, soudeur de son état, occupe depuis belle lurette au quartier Al Biyar, commune de Zaouiya un local à usage commercial. Ce quadragénaire, père de famille, pieux et jouissant d'une bonne réputation, mène une vie stable et assez aisée. Il habite une maison qui lui appartient et possède une voiture. Qui dit mieux ? Lui. À l'instar de tous les êtres humains, il rêve de devenir riche, de posséder plusieurs maisons et appartements, voire plusieurs immeubles, plusieurs locaux commerciaux, plusieurs voitures. Il rêve d'avoir un appartement dans chaque ville, de bénéficier lui aussi d'un congé annuel qu'il passerait en Europe ou en Amérique. «L'occasion n'arrive qu'une seule fois et seul le naïf la rate », semble penser Abdeslam qui s'est retrouvé dernièrement devant deux jeunes Africains, bien rasés et bien habillés, chacun portant une mallette et ne s'exprimant qu'en français. Abdeslam, qui ne sait lire et écrire qu'en langue arabe, a appelé son fils pour lui traduire ce que lui disaient les deux jeunes hommes. «Bonjour, nous sommes des investisseurs ivoiriens et nous avons choisi Safi pour monter au départ un petit projet…Nous cherchons actuellement un garage à louer…», a prétendu l'un des deux jeunes hommes qui s'est présenté comme étant le fils d'un général qui était à la tête de la Côte d'Ivoire et qui est mort dans des circonstances indéterminées. Abdeslam, qui a entendu la traduction faite par son fils, n'en a cru ni ses oreilles ni ses yeux d'être devant le fils d'un grand général d'un pays africain. Il leur a demandé de s'asseoir et de lui parler un peu de leur vie au Maroc tout en leur promettant de les aider à trouver un garage. Entre-temps, le prétendu fils de général a commencé à expliquer à Abdeslam qu'après la mort de son père, il a pris la fuite en compagnie de sa famille hors de la Côte d'Ivoire. «Mon père m'a laissé une grande fortune de plusieurs millions d'euros qui est gardée dans une grande banque suisse», lui explique-t-il. Frappé de stupeur, Abdeslam s'est interrogé : «Quelle est sa valeur en centimes et où se trouvent actuellement ces euros ? ». Le prétendu fils du général ivoirien lui a expliqué qu'ils valent des milliards en centimes et se trouvent actuellement à l'ambassade ivoirienne à Rabat. Pourquoi ? «Mon père les a saupoudrés d'un liquide noir pour ne pas être découverts par les putschistes ivoiriens avant de les détourner vers la Suisse et je les ai transférés au Maroc après avoir sauvé ma peau et celle de ma famille », a-t-il ajouté. Abdeslam, qui semble être intéressé par son histoire, lui a demandé plus d'explications. À ce moment, les deux jeunes hommes étaient convaincus qu'Abdeslam les avait crus. L'autre jeune qui accompagnait le prétendu fils du général ivoirien a ouvert l'une des deux mallettes, pour en sortir une petite feuille rectangulaire en forme de billet de banque toute recouverte de noir, ainsi qu'un petit bocal renfermant quelques gouttes d'un liquide jaunâtre. En mouillant la feuille en forme de billet de banque par ce liquide, la couche noire a disparu laissant apparaître un billet de 150 euros. «Maintenant, je ne dispose pas de l'argent nécessaire pour acheter ce liquide, j'attends de trouver quelqu'un qui veuille participer à l'achat et je vais lui verser une commission de 25% de la somme», lui a-t-il expliqué. Et Abdeslam lui a affirmé son accord. Le prétendu fils de général lui a expliqué qu'il devait attendre que du matériel soit libéré par la douane à l'aéroport international Mohammed V, à Casablanca et qu'il avait besoin de 5 mille dirhams. Abdeslam lui a demandé d'attendre quelques secondes et a ouvert un tiroir pour en tirer la somme et la lui remettre. En l'empochant, le prétendu fils de général et son compagnon lui ont expliqué qu'ils reviendraient un mois plus tard. Seulement, ils l'ont rejoint dix jours plus tard pour lui annoncer la nouvelle : «Nous avons reçu une lettre de l'ambassade ivoirienne à Rabat, nous informant que nous avons besoin d'une somme de 330 mille dirhams pour acheter le liquide pour faire disparaître les couches noires des billets d'euros». Abdeslam leur a versé une somme de 80 mille dirhams avant de leur demander de revenir chez lui une semaine plus tard pour leur donner le reste de la somme. Aussitôt Abdeslam a commencé à courir à gauche et à droite pour amasser la somme. Il a même pensé vendre sa voiture et sa maison. Seulement, une information à la télévision l'a réveillé de son sommeil. Il regardait les informations de la deuxième chaîne marocaine quand il a entendu, lors du Journal que des faussaires subsahariens ont été arrêtés par la police. À ce moment, il a pris son téléphone portable et a appelé le prétendu fils de général, l'informant qu'il a amassé le reste de la somme. Après quoi, il a alerté la police qui s'est dépêchée sur les lieux pour le cueillir. Quelques minutes plus tard, le prétendu fils du général est arrivé seul. La police de Safi l'a arrêté. Soumis aux interrogatoires, il a avoué être Moussa Diallo, de nationalité malienne et qu'il avait l'intention d'arnaquer Abdeslam. Il a affirmé aux enquêteurs qu'il est membre d'un réseau de Subsahariens qui s'adonnent à cette pratique pour plumer des victimes qui croient qu'ils sont vraiment des fils des notables et de grandes personnalités africaines ayant fui les guerres. Moussa Diallo a été traduit devant la justice à Safi alors que des notes de recherches ont été lancées contre d'autres membres de ce réseau.