Mustapha fuit la misère familiale pour aller gagner sa vie à Marrakech. Une fois dans cette ville, son mode de vie et la voie qu'il choisit pour subsister le mènent droit en prison. Chambre correctionnelle près le tribunal de Première Instance de Marrakech, Mustapha est à la chambre des accusés. Il tourne la tête, de temps en temps en direction de la salle d'audience. Il ne connaît personne. Et pour cause : il n'est pas originaire de la ville ocre et aucun membre de sa famille n'y habite. Cette dernière demeure à Khouribga. C'est là qu'il est né un jour de 1978 dans une famille pauvre, très pauvre. A sept ans, il va à l'école, comme tous les gamins de son âge. Il rêve de poursuivre ses études, de décrocher au moins la licence et de trouver un emploi. Seulement, ce doux rêve s'évapore quand il décroche, en 1999, son baccalauréat. Faute de moyens, il ne peut poursuivre ses études universitaires, bien qu'étant inscrit à l'université. Durant deux mois, il reste à ne rien faire, avant de rejoindre un chantier de construction. Il y travaille pour gagner sa vie et subvenir aux besoins de sa famille. Une fois le chantier achevé, il se retrouve sans travail, errant les rues en quête d'un emploi dans un autre chantier de construction. L'idée d'émigrer vers l'Eldorado commence à lui hanter l'esprit. Comment y arriver ? Il doit avant tout se procurer de l'argent. Au détour d'une conversation, un ami lui conseille d'aller à Marrakech pour se débrouiller. Il n'hésite pas une seconde pour s'y rendre. Et il se jette dans le monde de la ville ocre et commence à fréquenter Jamaâ El Fna, ses souks et ses ruelles jusqu'au jour où il fait la connaissance de jeunes qui lui apprennent comment se débrouiller pour avoir de l'argent. C'est ainsi qu'il se jette dans le monde underground de l'homosexualité. Un monde qu'il ignorait. Depuis, il commence à guetter et racoler des homosexuels étrangers qui passent des moments avec lui pour des sommes d'au moins de deux cents dirhams. D'une rencontre à l'autre, il fait la connaissance d'un ressortissant français de quarante-trois ans. Ce dernier vient de temps en temps au Maroc pour le tourisme. Ils se sont rencontrés à Jamaâ El Fna pour se rendre dans un café au quartier Guéliz. Au cours de leur conversation, ils se sont mis d'accord pour aller au lieu de séjour du ressortissant français. Avant de passer à l'acte, ils conviennent d'une somme de 500 dirhams. Et ils passent la nuit ensemble. Le lendemain, le ressortissant français ne veut pas lui verser la somme convenue. Mustapha s'énerve. «Tu me plais», lui dit le Français, en lui expliquant qu'il veut passer avec lui les dix jours de son séjour à Marrakech. Mustapha refuse. Le Français tente de le rassurer, en lui faisant des promesses. Mustapha essaie de lui expliquer qu'il a besoin de cet argent pour se rendre chez ses parents à Khouribga. Mais, le touriste ne veut rien entendre et va même jusqu'à menacer son amant de le dénoncer à la police s'il n'obtempère pas à ses désirs. Mustapha, qui n'a pas le choix, est obligé de s'incliner. Il l'accompagne une fois encore chez lui pour y passer la nuit. Bien que perturbé, il feint de se plaire en compagnie de son amant. Quand ce dernier se rend sous la douche, Mustapha en profite pour ouvrir un sac appartenant au Français et le fouiller pour subtiliser une somme de quatre mille dirhams. Aussitôt, il ouvre la porte et sort sans attirer l'intention de personne. Il se rend à la gare routière pour prendre le car à destination de Khouribga. Il y passe cinq jours en famille avant de rebrousser chemin vers Marrakech où l'attend la police. Mustapha, sans avocat qui le soutien, se défend devant le tribunal en niant les charges retenues contre lui. Mais le tribunal le juge coupable et, malgré des circonstances atténuantes, le condamne à huit mois de prison ferme.