A son trente-septième printemps, Abdelmoula a déjà deux antécédents judiciaires pour escroquerie. Repris de justice incorrigible, il récidive et écope de deux ans de prison ferme. «C'est un coup monté contre moi, Monsieur le président», a crié Abdelmoula, tentant de convaincre le président du tribunal de son innocence. «Qui vous a piégés ?», lui a-t-il demandé. Abdelmoula n'avait pas de réponse. Il s'est contenté de fixer le président par ses regards perçants. De bonne allure, bien habillé et bien rasé, il se tenait devant la chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Casablanca avec la tête en l'air. Placé au banc des accusés, il répondait aux interrogations du président du tribunal avec grande assurance. «Une dizaine de plaignants t'accuse d'escroquerie. Tu leur avais promis un contrat de travail en Europe contre une somme d'argent.», l'a interrogé le président qui feuilletait son dossier. Abdelmoula continue de nier les faits. «Je ne connais personne de ces gens et je ne les ai jamais vus ou croisés sur mon chemin», répond-il sans manifester la moindre inquiétude. Natif de Beni Mellal, ce jeune de trente-sept ans a réussi avec succès la phase primaire et secondaire de ses études. C'est dans la capitale économique qu'il a poursuivi ses études secondaires. Ses parents ont quitté sa ville natale, il y a plus d'une vingtaine d'années, pour aller vivre à Casablanca. Arrivé à cette grande ville, Abdelmoula n'a pas trouvé de difficultés à s'intégrer. Très sociable, il a eu de nombreux amis aussi bien au collège Moulay Youssef qu'au lycée Ibn Toumert. Après avoir décroché son bac expérimental, il s'est inscrit à la faculté de droit, où il a fait des études en économie. Deux ans plus tard, il a quitté les études après avoir échoué à deux reprises en première année. Depuis, il est resté en chômage. Il a effectivement essayé de trouver un emploi. Mais en vain. Entre-temps, il a rencontré un certain Saïd, escroc notoire et un repris de justice. Saïd n'a épargné aucun effort pour apprendre « le métier » à Abdelmoula. Un métier qui lui a rapporté gros, mais lui a également valu à deux reprises des peines d'emprisonnement ferme. Libéré la dernière fois, il a récidivé. Il promettait des monts et merveilles aux chômeurs en quête d'un emploi et aux rêveurs de l'Eldorado. Mohamed était l'un de ceux qui cherchent à aller à l'autre côté de la Méditerranée. Par l'intermédiaire d'un certain Ahmed, il a fait la connaissance d'Abdelmoula. Ce dernier lui a affirmé qu'il a des relations familiales avec le responsable d'un établissement bancaire qui a le pouvoir de l'embaucher sans passer de concours. En contrepartie, le responsable, lui a-t-il expliqué, n'accepte pas moins de 50 mille dirhams. Croyant sur parole Abdelmoula, le jeune chômeur a fait le porte-à-porte pour amasser la somme. Il lui a promis de le conduire le lendemain chez le responsable pour commencer le travail. Depuis, il n'a plus donné signe de vie. Saïd n'était pas sa seule victime. Plusieurs personnes ont été piégées dans ses filets. Certains parmi eux ont déposé plaintes auprès de la police. Suite aux nombreuses plaintes déposées, la police s'est mise sur ses traces. Les investigations ont porté leurs fruits. Abdelmoula a été appréhendé dans un café de la ville. Cependant, il a nié devant le tribunal tout ce qui lui a été attribué par la police. Il a précisé devant le tribunal avoir été torturé et avoir été obligé de signer le procès-verbal de son audition. Or, le président l'a interrogé sur le fait d'avoir reconnu les accusations devant le procureur du Roi. Abdelmoula s'est tu. Son avocat a pris la parole et a tenté de prouver son innocence. Seulement le tribunal a été ferme dans son jugement. Il l'a condamné à deux ans de prison ferme. Cette nouvelle peine le dissuadera-t-il de récidiver?